• YVES

    Né près de Tréguier en 1253, ordonné prêtre en 1285 se démettant de sa fonction d'official de l'évêque de Rennes ; devenu l'avocat des pauvres il mourut le 19 mai 1303 ; fête le 19 mai.

     

    CAEN :

    “ La Saint-Yves à CAEN : G. Lesage, dans A travers le passé du Calvados (111, p. 179), consacre un article à la fête du patron des gens de justice, à Caen. Après la messe, célébrée à la chapelle du bailliage, il y avait un festin dont les frais étaient en partie réglés grâce au revenu d'une terre appartenant au Présidial. Lesage signale un arrêt du 15 mars 1475, obligeant l'abbaye de Fontenay à fournir la viande du festin. Il ne fallut pas moins cette année-là de douze lièvres, deux douzaines de lapins, quatre douzaines de chapons gras, six douzaines de poussins et neuf douzaines de pigeons. ”

    In Le culte populaire et l’iconographie des saints en Normandie - Etude générale - par Dr. Jean Fournée, Société Parisienne d’Histoire et d’Archéologie Normandes, n° spécial des cahiers Léopold Delisle 1973.

     

    FOURNEVILLE :

             Fourneville est connu pour son pèlerinage à saint Yves le 19 mai. Selon le gardien de l'église, on comptait jusqu'à cinq offices ce jour-là pour honorer ce saint protecteur du bétail, mais aussi patron des avocats. Il est d'ailleurs représenté (nef sud) avec la barrette et le bâton, symboles de cet ordre. La paroisse de Fourneville compte une confrérie de charitons, les torchères sont visibles dans le choeur.

     

             "Breton par excellence, fils du seigneur de Kermartin, Yves est né près de Tréguier en 1253. Après des études de théologie et de droit, il fut ordonné prêtre en 1285 et se démit de sa fonction d'official de l'évêque de Rennes, ce qui lui a valu d'être considéré comme l'avocat des pauvres. Il mourut le 19 mai 1303. Saint Yves est connu en Normandie. On trouve sa statue dans quelques églises où le culte ne semble plus être très vivant. Le seul lieu d'invocation est Fourneville (canton de Honfleur) où la statue du saint (XVIIe) le présente en tenue d'avocat. Saint Yves y est prié prioritairement pour la protection des faibles, mais aussi pour calmer les douleurs. Un pèlerinage est organisé le 16 mai."

    in Les saints qui guérissent en Normandie d'Hippolyte Gancel, éditions Ouest France 1998.

     

    “ Autel début du XXe siècle dans l’église Saint-Pierre : l’autel est dédié à saint Yves de Tréguier, patron des avocats, qui est représenté avec une étole rouge et or et le bâton de l'ordre des avocats. Originaire de Bretagne, ce saint ne cesse de combattre, jusqu'à sa mort en 1303, pour la cause des pauvres gens. Il est fêté tous les 19 mai afin de protéger le bétail des différentes maladies causées par les intempéries. ”

    in Le Patrimoine des Communes du Calvados, Flohic éditions 2001.


    votre commentaire
  • ZENON

    Diacre de Bayeux du VIIe siècle, (voir à St. Regnobert et à St. Walfride).

     

    "Église St Exupère : La fondation de l'église remonte à une époque très ancienne. Plusieurs des premiers évêques de Bayeux y furent inhumés. L'église actuelle a été remontée au XIXe.

    En 1679 Mr Bier curé de St Exupère, à l'occasion de travaux dans le choeur, étudia les sépultures des saints évêques. Il en trouva 7. Les ossements furent partagés entre diverses personnes afin d'en faire des reliques. On trouve : St Rufinien sous le maître autel, St Manvieu au pied du mur méridional, entre l'autel et la tour ; St Contest, au nord devant l'autel de St Clair; St Patrice, au midi devant l'autel de la Sainte Vierge ; St Gerbold, contre le mur septentrional, entre l'autel et la sacristie ; St Frambold, sous le crucifix ; St Geretrand, proche, à sa gauche.

    Le curé dit aussi s'être procuré les restes de St Regnobert et St Zénon, son diacre qui, ainsi que St Exupère et St Loup furent enterrés dans cette église.

    Le tombeau de St Exupère est sous le maître autel. En 1853, l'abbé E. Le Comte, curé de St Exupère, fit des fouilles dans les caveaux où furent inhumés les premiers chefs de l'église de Bayeux. Cette recherche récente fut couronnée de succès. Une crypte a été construite à cette époque pour recevoir tous ces vénérables restes."

    in Églises et chapelles du Bessin de Dominique Achard ; éditions de Neustrie 1999.

     

    Concernant ce saint, voir aussi l’article ci-après extrait de : Les saints dans la Normandie médiévale – colloque de Cerisy-la-Salle, 1996 ; Presses Universitaires de Caen, 2000. Chapitre : “ Les reliques de la cathédrale de Bayeux ” par F. Neveux.

     


    votre commentaire
  • Les saints dans la Normandie médiévale – colloque de Cerisy-la-Salle 1996 ; Presses Universitaires de Caen 2000. Les reliques de la cathédrale de Bayeux par F. Neveux

    Histoire des reliques médiévales

    Les reliques du haut Moyen Âge avaient été dispersées au cours du IXe siècle, à la suite des invasions scandinaves. On peut suivre le périple de certaines d'entre elles. Le corps du premier évêque de Bayeux, saint Exupère, fut emmené à l'abri sur les terres du comte de Corbeil 14. Au Xe siècle, une collégiale fut construite pour abriter le corps du saint, appelé saint Spire. Ces reliques ne devaient pas revenir à Bayeux, mais le chef de saint Exupère était sans doute resté sur place 15. Le corps de saint Loup, autre évêque de Bayeux, aurait suivi celui de saint Exupère à Corbeil 16. Quant aux reliques de saint Vigor, évêque du VIe siècle né en Artois, on les retrouve dans la région parisienne, mais aussi à l'abbaye de Saint-Riquier, dans le Ponthieu 17.

    Le cas des reliques de saint Régnobert est plus troublant. On connaît en effet le corps d'un saint Régnobert, réfugié à Varzy, dans le diocèse d'Auxerre 18. Au début du XIIIe siècle, l'évêque d'Auxerre aurait accepté de restituer ces reliques à la cathédrale de Bayeux. Par ailleurs, à Saint-Vivant-sous-Vergy, près de Dijon, sont conservés les corps d'un saint Régnobert (ou Ragnebert) et de son diacre Zénon 19. Ces corps seraient accompagnés d'authentiques les attribuant explicitement à l'évêque de Bayeux et à son compagnon. Il y a donc eu en Bourgogne deux corps pour un seul saint bayeusain 20 ! Les clercs du Moyen Âge se posaient déjà des questions. Sur les voûtains du chœur de la cathédrale sont peints en vis-à-vis deux figures d'évêques nommés Sanctus Regnobertus et Sanctus Ragnebertius 21. On a pu penser qu'il y avait à Bayeux deux saints portant presque le même nom : l'un au IVe siècle (Régnobert) et l'autre au VIIe siècle (Ragnebert) 22. En fait, pour le second, n'y aurait-il pas confusion avec saint Rambert (ou Ragnebert), assassiné vers 680 par Ébroïn, maire du palais de Neustrie-Bourgogne 23 ? Le corps qui séjourna plusieurs siècles près d'Auxerre est, plus vraisemblablement que l'autre, celui de l'évêque de Bayeux. C'est celui qui fut restitué à la cathédrale. Les saints dont les corps ont été emportés étaient les plus vénérés et, par conséquent, leurs châsses étaient les plus précieuses. On mettait à l'abri le reliquaire autant que les reliques. Bien entendu, lesVikings n'étaient intéressés que par les objets précieux, non par les ossements qu'ils contenaient, sans valeur pour ces païens. Ainsi plusieurs saints évêques bayeusains seraient restés dans leur sépulture. C'est peut-être le cas de saint Manvieu, dont le sarcophage se trouvait dans l'église Saint-Exupère de Bayeux (construite dans la principale nécropole antique, à l'extérieur de la ville) 24. D'autres reliques auraient été cachées: ainsi, par exemple, celles des saints Raven et Rasiphe 25. Comme presque partout en Normandie (sauf à Rouen), l'encadrement ecclésiastique semble avoir disparu complètement à Bayeux à la fin du IXe siècle (vers 876) 26. Il fallut attendre une cinquantaine d'années pour trouver à nouveau un évêque (vers 927), et sans doute beaucoup plus de temps encore pour que la vie religieuse reprit son cours normal. Le chapitre ne fut progressivement remis en place qu'au cours du XIe siècle 27. C'est à la même époque qu'on entreprit la reconstitution de la collection de reliques. Il est impossible de suivre en détail les étapes de ce processus. Nous devons nous contenter de quelques indications éparses avant le XIVe et le XVe siècle.

    Le premier évêque qui s'attacha à procurer à Bayeux de nouvelles reliques fut certainement Hugues II (vers 1011‑ 1049). L'inventaire de 1476 signale la présence à Bayeux d'un bras de saint Quentin. Il est tentant de faire remonter au début du XIe siècle la translation de cette relique. Le corps de saint Quentin était conservé à la collégiale située dans la ville du même nom, en Vermandois 28. Or, des liens étroits se sont noués entre Saint‑Quentin et la Normandie par l'entremise de Dudon, chanoine puis doyen de la collégiale. Venu une première fois en Normandie comme ambassadeur du comte Albert de Vermandois, dans les dernières années du principat de Richard Ier 29, il séjourna régulièrement à la cour de Richard II, de 1016 à 1026. Dudon de Saint‑Quentin fut le seul historien de la Normandie du Xe siècle. Il reçut des ducs des biens dans le duché et, peut‑être, un appui pour son accession au décanat. En remerciement, Dudon n'aurait‑il pas donné à la province cette précieuse relique ? Le choix de Bayeux s'explique facilement. L’évêque Hugues était le fils et le principal héritier de Raoul, comte d'Ivry, le protecteur de Dudon et l'un de ses principaux informateurs 30.

    L'évêque Hugues procura aussi à sa cathédrale d'autres reliques jugées prestigieuses. Il ne s'agit plus cette fois‑ci d'hypothèses. L’invention et la translation de ces reliques est connue par un récit du XIIe siècle, dû à un moine nommé Bernard, probablement bien informé. À la suite d'une révélation reçue en songe, l'évêque Hugues put découvrir les corps des saints martyrs Raven et Rasiphe, sous l'autel de l'église de Saint‑Vaast‑sur‑Seulles 31. Les corps furent solennellement conduits à la cathédrale de Bayeux et mis dans une châsse d'or et d'argent 32.

    Après 1049, le successeur d'Hugues, Odon de Conteville, demi‑frère de Guillaume le Bâtard, fit confectionner un nouveau reliquaire plus magnifique encore 33. Tous les détails concernant la découverte et la mise à l'honneur de Ces reliques auraient été recueillis par le moine Bernard de la bouche d'Odon de Saint‑Samson, présenté comme le “ neveu très aimé de l'évêque Odon ” 34. Odon de Conteville fut l'un des plus grands bienfaiteurs de la cathédrale de Bayeux. En dehors de cette châsse des saints Raven et Rasiphe, nous ignorons s'il enrichit le trésor des reliques, mais c'est très probable. On peut lui attribuer l'os de saint Aubert possédé par la cathédrale 35. Ce qui est certain, c'est qu'il offrit à son église une magnifique couronne de lumière qui fut chantée, entre autres, par Raoul Tortaire 36. Ajoutons que, selon Guibert de Nogent, il aurait tenté de rapatrier à prix d'or les reliques de saint Exupère installées à Corbeil. Malgré l'importance de la somme versée (10 livres), on se serait joué de lui en lui fournissant le corps d'un autre Exupère, qui ne comptait même pas au nombre des saints 37.

    Parmi les donateurs, signalons aussi le duc Guillaume et la reine Mathilde. Sans doute à l'occasion de la dédicace de 1077, ils ont offert à la cathédrale de précieux manteaux qu'ils auraient portés pour leur mariage. Guillaume fit aussi don de son casque et peut‑être de plusieurs cornes à boire ouvragées 38.

    Au XIe siècle, le culte de Thomas de Cantorbéry se répandit très vite en Normandie. Jean de Salisbury, ancien chapelain du saint devenu évêque de Chartres (1177‑1182) aurait pu donner à la cathédrale de Bayeux un vase précieux renfermant du sang de ce martyr 39.

    La cathédrale possédait plusieurs portions de la Vraie Croix, certainement très petites. On peut supposer qu'elles avaient été offertes au clergé de Bayeux par saint Louis qui, en 1241, avait fait l'acquisition d'une partie importante de la Croix présumée du Christ, peu après avoir acheté la Couronne d'Épine 40.

    Saint Louis passa par Bayeux à deux reprises, en 1256 et 1269. Un tel don aurait pu être fait également par l'un de ses successeurs. Ainsi, Philippe le Bel avait offert au Mont‑Saint‑Michel un morceau de la Vraie Croix 41. Parmi les autres donateurs du XIIIe siècle, on ne peut guère citer que l'évêque Guy (1240‑1259), qui aurait offert à la cathédrale non des reliques, mais un candélabre à sept branches, de cuivre doré 42.

    Il faut attendre le dernier quart du XIVe siècle pour connaître le nom des donateurs de reliques et de reliquaires. Ce sont les trois évêques Nicolas (ou Nicole) du Bosc (1375‑1408), Zanon de Castiglione (1432‑1459) et Louis de Harcourt (1460‑1479).

    Nicole du Bosc offrit un “ vaissel de beril ront ” décoré de ses armes en émail et de figures en argent doré. Il contenait des os de saint Pantaléon et de sainte Marie‑Madeleine 43. Si l'inventaire ne mentionne pas d'autres reliques de la Madeleine, il n'en est pas de même pour saint Pantaléon. Nicolas du Bosc s'était sans doute contenté de prélever un os sur le corps du saint déjà possédé par la cathédrale. Ce qui comptait autant (et plus) que la relique elle‑même, c'était la richesse et la beauté du reliquaire. Le même évêque donna encore une “ belle croix d'argent doré ” comprenant des fragments de la Vraie Croix et de la poudre provenant de la tête et du corps de saint Gilles 44.

    Zanon de Castiglione était le neveu de Branda de Castiglione, cardinal évêque de Plaisance en Italie. Il avait d'abord succédé à son oncle sur le siège de Lisieux, que celui‑ci détenait par cumul (sans être jamais venu sur place). En 1432, il avait obtenu son transfert pour Bayeux, laissant le siège de Lisieux à Pierre Cauchon. Zanon peut être considéré comme un humaniste et il attira auprès de lui de nombreux intellectuels italiens 45. Cet évêque procura plusieurs reliques précieuses à la cathédrale. Il y eut d'abord un “ jouel d'argent doré ” comprenant “ du sang ”, “ de la haire ” et “ ung os des unze mille virges ”, si l'on en croit les inscriptions qui figuraient sur l'objet lui‑même 46. À la veille de sa mort, le 13 septembre 1459, Zanon offrit encore une croix décorée de pierres précieuses et de figures en or, argent ou émail, contenant elle aussi un morceau de la Vraie Croix 47. Comme dans le cas de la croix donnée par Nicolas du Bosc, il est probable qu'il n'y eut pas dans ce cas acquisition d'une nouvelle relique, mais prélèvement d'un fragment de laVraie Croix appartenant déjà à la cathédrale.

    Le donateur le mieux connu est l'évêque Louis de Harcourt, contemporain de la rédaction de l'inventaire. Ses auteurs ne pouvaient ignorer ses largesses et ils les ont rapportées avec un empressement certain: (4 Premièrement, en front de l'autel, a une excellente table, toute d'argent bien doré et decentement esmaillie ” 48. Dans cette table était enchâssé un coffre de bois comprenant lui-même (une contreclosture appellee le secret ”, qui était fermée par une serrure à six petites clefs. Ces clefs étaient déposées “dedens le coffre qui est hault en la chambre du trésor ”, c'est‑à‑dire dans l'armoire du XIIIe siècle 49. “Endit coffre de l'autel, entre celle closture du secret et le costé de derriere, a grand et spacieux lieu ” 50. C'est là précisément qu'étaient gardées les quatre châsses renfermant les corps des saints, constituant les éléments les plus précieux du trésor de reliques de la cathédrale 51.

    Les autres donations de Louis de Harcourt n'ont pas de rapport direct avec les reliques. Ce sont de précieux ornements, de riches tapisseries, ou encore le calice et la croix donnés par testament 52. Il en est de même pour les autres donateurs connus du XIVe siècle et surtout du XVe siècle, qui ont offert à la cathédrale des objets précieux, et non des reliques. Citons, pour le XIVe siècle, Amédée de Saluces, cardinal et doyen, qui offrit entre 1380 et 1385 un aigle doré et des candélabres 53. Les autres donateurs connus sont des membres du chapitre pour la plupart encore vivants au moment de la rédaction de l'inventaire : Guillaume de Bailleul, doyen 54, Guillaume Sohier, grand‑cousteur 55, Jean de Mondésert 56, et Guillaume Compaing, chanoine 57. Ajoutons deux évêques du XVe siècle : Martin Pynard, évêque d'Avranches (1442‑1452), né à Nonant 58 ainsi que Guillaume Chartier, évêque de Paris (1448‑1472) et frère de l'écrivain Alain Chartier, né à Bayeux 59. Au XVe siècle encore, le trésor de la cathédrale s'enrichit donc de nombreux objets précieux, mais ne reçoit plus guère de reliques nouvelles. Telle qu'elle est à cette époque, la collection des reliques de Bayeux, constituée depuis le XIe siècle, paraît d'une grande richesse et mérite d'être comparée à d'autres collections célèbres, comme celle du Mont‑Saint‑Michel 60.

    Les reliques du XVe siècle

    La plupart des reliques étaient conservées dans le choeur de la cathédrale. Les quatre châsses les plus précieuses étaient gardées dans la riche “ table ” située devant l'autel majeur, offerte en 1469 par Louis de Harcourt 61. Derrière l'autel, sous le crucifix, se trouvait un tabernacle de bois où étaient placées sept autres châsses : ce meuble existait déjà en 1369 62. Le chanoine Deslandes, éditeur de l'inventaire, identifie à tort ce “ tabernacle de baes ” avec l'armoire du XIIIe siècle de l'actuel trésor 63. Tout laisse à penser que cette armoire n'a jamais bougé. Elle a certainement été construite pour la salle où elle est encore installée 64. Ce meuble est d'ailleurs mentionné dans l'inventaire comme le “ coffre du trésor ” situé “ en la chambre de hault ”. Les objets qu'il contenait sont décrits au chapitre II. Ils sont tous de petite dimension, ce qui correspond à la disposition de ce meuble divisé en quatorze compartiments (et sans doute seize à l'origine), chacun étant fermé par une serrure 65. 

    Dans le chœur, derrière l'autel, à droite et à gauche du tabernacle de bois étaient encore placées d'autres armoires à reliques 66. Notons qu'au XVe siècle, aucune relique ne se trouvait dans la crypte. Celle‑ci avait été murée lors de la construction du chœur gothique, vers 1230‑1240, et dès lors oubliée. Elle ne fut redécouverte, fortuitement, qu'en 1412, lorsqu'on creusa dans le déambulatoire sud la tombe de l'évêque Jean de Boissey 67.

    Les reliques étaient installées dans le chœur et les chanoines, y célébrant quotidiennement l'office divin, étaient les principaux bénéficiaires de leur présence. Le coffre compris dans la “ table ” offerte par Louis de Harcourt contenait les châsses des saints Raven et Rasiphe, Pantaléon, Antonin et Régnobert. Tels étaient les cinq corps complets (ou à peu près) possédés par la cathédrale. L’inventaire de 1476 ne précise pas le contenu des sept autres châsses conservées dans le tabernacle de bois situé derrière l'autel, se référant à l'inventaire (disparu) de 1369. Il est cependant probable que ces reliques sont décrites au même titre que les autres puisque “en plusieurs pointz de cestui inventaire, on peut avoir recours au dessusdit ancien auquel cestui est conforme ”, mis à part les disparitions, qui sont au nombre de six ou sept, et les nouvelles acquisitions 68.

    L'inventaire met en vedette deux précieuses reliques conservées également derrière l'autel dans des armoires particulières : à droite, une fiole contenant du sang du Christ 69 et, à gauche, une statue de Notre‑Dame dans laquelle est enchâssée une très petite boîte d'ivoire contenant du lait de la Vierge 70. Du côté gauche se trouvaient d'autres armoires à reliques dont le contenu est détaillé par la suite. Elles comprenaient, entre autres, des cheveux de la Vierge 71, des fragments de la crèche et du sépulcre du Christ 72, le chef de saint Étienne 73, une mâchoire et une dent de sainte Marguerite 74, deux reliquaires comportant des inscriptions en “ lettres anciennes ”, c'est‑à‑dire antérieures à l'écriture gothique en usage alors. Sans doute peut‑on faire remonter la fabrication de ces objets au XIe ou au XIIe siècle. Ils contenaient, selon ces inscriptions, des reliques des apôtres Pierre et Paul, de saint Étienne encore, des saints Grégoire et Cyriaque 75, de saint Rémi, curieusement associé à Sydrach, Misach et Abdenago, les trois compagnons de Daniel 76. Venaient ensuite les chefs de saint Exupère et de saint Loup, seules reliques des premiers évêques alors conservées à Bayeux, les corps de ces saints se trouvant toujours à Corbeil. Parmi les autres reliques prestigieuses sont ensuite mentionnés le bras de saint Étienne et celui de saint Quentin.

    Les catégories de reliques

    Il n'est pas possible de décrire ici de façon détaillée toutes les catégories de reliques de la cathédrale de Bayeux. Nous nous limiterons donc à un classement par grandes rubriques: reliques du Christ et de la Vierge, corps de saints complets (ou presque), reliques des apôtres et des personnages cités dans le Nouveau Testament, des martyrs d'Orient et d'Occident, des saints évêques de Bayeux et autres saints évêques, des saints locaux et des saints divers enfin.

    Reliques du Christ et de la Vierge

    Nous connaissons déjà les reliques du Christ et de la Vierge, bien mises en valeur dans la cathédrale (derrière l'autel, à droite et à gauche) et présentées par les auteurs de l'inventaire en tête de leur liste (les corps entiers mis à part). Pour le Christ, il s'agit d'abord de la fiole du précieux sang, des reliques de la crèche et du sépulcre déjà citées, mais aussi de morceaux de vêtements et du suaire 77. Et surtout, le trésor comptait plusieurs portions de la Vraie Croix, dont des fragments étaient contenus dans un joyau, dans un vase et dans quatre croix précieusement ouvragées 78.

    Les reliques de la Vierge, outre le lait et les cheveux déjà cités, consistaient en morceaux de vêtements 79. Le lait de la Vierge est très fréquemment mentionné dans les trésors de reliques. Il était réalisé par un mélange d'eau et de poudre blanche. Celle‑ci était obtenue en pulvérisant la roche de la grotte, proche de Bethléem, où la Vierge Marie aurait allaité l'Enfant‑Jésus, selon la tradition.

    Les corps complets

    Les corps de saints complets étaient, dans l'ordre de l'inventaire, ceux des saints Raven et Rasiphe, Pantaléon, Antonin et Régnobert 80.

    Nous avons déjà évoqué saint Régnobert, longtemps considéré comme le second évêque de Bayeux, et ses deux corps possibles. Celui qui était conservé à la cathédrale provenait d'Auxerre. C'était le seul confesseur. Les quatre autres saints étaient des martyrs, par conséquent beaucoup plus prestigieux.

    Il est impossible d'identifier saint Antonin. Au moins huit martyrs du nom d'Antonin sont connus, à l'époque paléo‑chrétienne, souvent associés à des compagnons de supplice. Les plus célèbres sont vénérés à Apamée (en Syrie) ou à Pamiers (dans l'Ariège), où la cathédrale est justement dédiée à saint Antonin. Selon toute apparence, les corps de ces saints‑là ne se trouvaient pas à Bayeux 82.

    Saint Pantaléoù aurait été martyrisé à Nicomédie, en Asie mineure, vers 305, sous Dioclétien. On ignore dans quelles circonstances son corps aurait pu parvenir à Bayeux 83.

    Saint Raven, prêtre, et saint Rasiphe, son compagnon, étaient probablement originaires de Grande‑Bretagne. Au Ve siècle, ils avaient fui les invasions anglo-saxonnes et s'étaient réfugiés en Gaule. Devenus ermites, ils auraient cependant été tués pour leur foi à Macé, à quelques kilomètres au nord de Sées 84. Nous connaissons le sort de leurs reliques, sans doute cachées à l'époque des invasions scandinaves et redécouvertes dans la première moitié du XIe siècle 85. Notons qu'un autre saint Rasiphe était inscrit au martyrologe romain. Le martyr romain et ceux venus d'Angleterre étaient vénérés le même jour, c'est‑à-dire le 23 juillet 86.

    Reliques des apôtres et des personnages du Nouveau Testament

    La cathédrale de Bayeux possédait peu de reliques prestigieuses provenant de Terre Sainte ou de Rome, à la différence des plus riches collections telles que celle du Mont-­Saint‑Michel 87. Tout au plus peut‑on signaler des restes des apôtres Pierre et Paul dans un reliquaire ancien, associés à Étienne, mais aussi à Grégoire et à Cyriaque, difficiles à identifier 88. Selon toute apparence, ce reliquaire était d'origine romaine. On trouvait encore à Bayeux des restes de deux autres apôtres : Mathieu et Barthélémy,

    Dans un vase de cristal était conservé “ du corps de sainct Mathieu et de sainct Ravent ” 89. Dans ce cas, un fragment d'os de saint Raven avait sans doute été prélevé sur le corps entier conservé dans la cathédrale. Bayeux possédait aussi des reliques d'un dernier apôtre: “ de la pouldre du corps de Monseigneur sainct Barthelemieu ” (Barthélémy), conservé dans “ un petit vaissel de cristal ” 90.

    Nous savons que l'évêque Nicolas du Bosc avait offert à la cathédrale un reliquaire de béryl rond contenant “ des os de sainct Panthaleon et de Marie Magdalene ” 91. Les premiers pouvaient encore avoir été prélevés sur le corps conservé sur place, mais les seconds ont certainement été acquis par cet évêque.

    Le personnage du Nouveau Testament le mieux représenté à Bayeux était saint Étienne. La cathédrale ne comptait pas moins de quatre reliques de ce saint très populaire : une portion de son chef 92, l'un de ses bras, conservé dans “ ung jouel faict en maniere de bras ” et associé à un fragment de la Vraie Croix des poils de sa barbe 94, ainsi qu'une relique indéterminée 95. Signalons au passage que, contrairement au Mont‑Saint‑Michel, Bayeux ne possédait pratiquement aucune relique se rapportant à l'Ancien Testament, sinon quelques restes des compagnons de Daniel et un morceau du rocher fendu par Moïse 96.

    Les martyrs anciens

    À Bayeux comme ailleurs, les saints les plus prestigieux étaient les saints martyrs. Sur ce plan, la cathédrale était bien pourvue puisqu'elle possédait les corps complets de quatre martyrs : Antonin, Pantaléon, Ravent et Rasyphe 97. Cette collection était complétée par plusieurs saints d'Orient ou d'Occident. Dans “ un vaissel de cristal ront ”, orné d'argent doré, la cathédrale conservait “ une maxille et une dent maxillaire de saincte Margarite ” 98. Les clercs de Bayeux étaient certainement persuadés de détenir une mâchoire et une dent de la très populaire Marguerite d'Antioche de Pisidie, à l'authenticité aujourd'hui contestée 99.

    Comme autre martyr oriental, nous ne pouvons guère citer que saint Cyriaque 100. En revanche, plusieurs martyrs occidentaux étaient représentés : saint Laurent 101, saintVincent (un doigt et un os) 102 et saint Quentin (un bras) 103. Ajoutons le chef de l'une des Onze mille Vierges (dans une tête en argent) ainsi que les autres restes des même vierges contenus dans le joyau d'argent doré “  en ymage d'ung evesque ”, offert par Zanon de Castiglione 105. L'origine de ces dernières reliques est bien connue : la ville de Cologne en a distribué dans tout l'Occident depuis leur invention au XIIe siècle 106.

    Un martyr récent : Thomas de Cantorbéry

    Le culte de ce saint anglais d'origine normande, canonisé trois ans après sa mort, s'est répandu extrêmement vite de ce côté‑ci de la Manche. Il n'est donc pas étonnant de trouver à Bayeux des reliques de Thomas Becket. La cathédrale possédait “ ung vaissel de baes, faict en maniere de pot ”, orné d'argent doré, qui “ est le pot de monseigneur sainct Thomas de Cantorbiere ” 107, ainsi qu'un récipient de cristal couvert d'argent blanc et contenant du sang du même saint 108 .Outre ces reliques, la cathédrale témoignait de la vénération des Bayeusains envers Thomas Becket par son décor sculpté. Le tympan du portail du transept sud, datant de la fin du XIIIe siècle, relate les principaux épisodes de son martyre. À l'intérieur, également dans le transept sud, une chapelle est consacrée au martyr anglo‑normand 109.

    Les saints évêques de Bayeux

    Le seul saint évêque de Bayeux dont la cathédrale possédait, en principe, le corps complet était saint Régnobert 110. Une autre relique insigne du même saint y était également conservée: la chasuble de saint Régnobert, qui lui est clairement attribuée par l'inventaire. Elle était conservée dans un curieux coffre d'ivoire 111. Le coffre et la chasuble sont pratiquement, en dehors de la Tapisserie, les seuls restes de l'ancien trésor qui soient parvenus jusqu'à nous. Nous n'étudierons pas ces deux objets d'un point de vue artistique. Disons simple­ment que le coffre est d'origine musulmane et porte une inscription en arabe dont les termes sont classiques: “ Au nom d'Allah, clément et miséricordieux ! Sa bénédiction est complète et sa grâce immense ” 112.  On ignore comment cet objet, insolite dans ce cadre, est arrivé jusqu'à Bayeux. On a eu tendance à l'associer à la première croisade, puisque l'évêque Odon voulut y participer en accompagnant son neveu, le duc Robert Courteheuse. On sait qu'il ne réussit pas à atteindre son but et qu'il mourut à Palerme, capitale de la Sicile normande, en 1097 113. En ce qui concerne la chasuble, il ne semble pas qu'elle soit antérieure au XIIe ou au XIIIe siècle 114.

    Bayeux conservait encore des restes non négligeables de trois des saints évêques les plus vénérés, dont les corps avaient quitté Bayeux lors des invasions scandinaves : le chef et une dent de saint Exupère 115. le chef de saint Loup 116 (dont les corps étaient à Corbeil), ainsi que des reliques de saint Vigor (dont le corps est à Saint‑Riquier) 117. On ne sait pas si ces reliques étaient restées dans la ville au IXe siècle ou si elles avaient été restituées par ceux qui détenaient les corps des saints, comme cela s'était produit pour saint Régnobert. 1

    Au XIIIe siècle, les effigies et les noms de ces saints furent peints sur les voûtains du choeur, juste au‑dessus des reliquaires. De plus, plusieurs médaillons sculptés, surplombant également les reliques, évoquèrent des saints évêques. Les plus populaires d'entre eux semblent avoir été saint Loup et saint Vigor. Deux médaillons jumeaux représentent en effet deux célèbres épisodes légendaires: on voit chacun de ces saints tenir en laisse une bête féroce, qu'il a réussi à dompter 118.

    Saint Aubert et le Mont‑Saint‑Michel

    Le trésor de Bayeux détenait “ un vaissel faict en maniere de demy cercle, veré aux bors dessus et dessoubz, assis sur cinq piés d'argent doré; et dedens a des os de Monseigneur sainct Aubert, evesque d'Avrences ” 119. La présence de ces reliques à Bayeux est particulièrement intéressante : elles ne pouvaient provenir que du Mont­Saint‑Michel.

    Saint Aubert est cet évêque d'Avranches du VIIIe siècle qui aurait reçu une révélation de l'archange saint Michel et serait donc à l'origine du célèbre pèlerinage. Son existence n'est attestée que par les traditions anciennes de l'abbaye (Revelatio) 120. Son corps avait été l'objet d'une curieuse invention au début du XIe siècle. Les moines l'avaient trouvé caché dans les combles, au‑dessus de la chambre du chanoine Bernier, qui l'y avait dissimulé. Les reliques du saint fondateur figuraient parmi les plus prestigieuses du Mont. Selon l'inventaire de 1396, l'abbaye conservait son corps dans une châsse, mais aussi, à part, un bras et le célèbre chef percé par le doigt de l'archange 121.

    Les relations entre le Mont et Bayeux n'ont jamais été aussi étroites que sous l'épiscopat d'Odon de Conteville. Celui‑ci, voulant ériger en abbaye le prieuré de Saint ­Vigor, aux portes de la ville, fit appel au monastère du Mont-Saint‑Michel, sous l'abbatiat de Renouf (vers 1055‑1085). Le moine qui fut envoyé à Bayeux pour y exercer la charge d'abbé était un élément turbulent dont l'abbé du Mont fut sans doute heureux de se débarrasser. On l'appelle Robert de Tombelaine, car ii s'était retiré sur l'îlot rocheux de ce nom, avec le moine Anastase de Venise, pour y vivre en ermite à l'écart de la communauté. Il n'en était pas moins un bon lettré, auteur d'un commentaire sur le Cantique des Cantiques. Robert de Tombelaine vint à Bayeux avec plusieurs compagnons et jeta les bases de la nouvelle abbaye. L’entreprise ne put être menée à terme en raison de la disgrâce d'Odon, en 1082. Le demi­-frère de Guillaume fut en effet arrêté par le duc‑roi lui‑même pour des raisons qui restent obscures et resta emprisonné jusqu'en 1087. Les moines se dispersèrent et l'abbaye projetée ne vit jamais le jour. Pourtant, Robert de Tombelaine avait sans doute pu faire venir à Bayeux la précieuse relique de saint Aubert, qui se retrouva dans le trésor de la cathédrale 122.

    La cathédrale de Bayeux pouvait, grâce à cette relique, jouer le rôle de ville-étape sur la route du Mont. Par ailleurs, son ambition de figurer sur les routes de pèlerinages plus lointains est attestée par les statues de saint Jacques (portant le chapeau du pèlerin) installées au XIIIe siècle sur le pourtour du chœur. Deux de ces statues sont juchées sur les tourelles marquant l'entrée du sanctuaire, c'est‑à‑dire le lieu où les reliques étaient conservées 123.

    Les autres saints évêques

    En dehors des évêques de Bayeux, quelques autres saints confesseurs étaient vénérés dans la cathédrale. Il s'agit de deux des évêques les plus populaires au Moyen Âge: saint Martin et saint Rémi. Ces reliques étaient pourtant de très petite taille. Dans une petite croix d'argent doré, on trouvait un fragment d'une côte de saint Martin, associé à un petit morceau du suaire 124. Bayeux possédait aussi une relique de saint Rémi, sans doute l'évêque de Reims contemporain de Clovis 125, et une de saint Éloi, le célèbre orfèvre, trésorier des rois Clotaire II et Dagobert, devenu évêque de Noyon en 640. Les reliques de saint Éloi étaient contenues dans une “ belle croix d'argent doré ” offerte par l'évêque Nicolas du Bosc, comprenant également une portion de la Vraie-Croix 126. Les saints abbés

    Les reliques d'abbés étaient peu nombreuses. Bayeux possédait une dent de saint Bertin, disciple de saint Omer et fondateur de la célèbre abbaye qui porte son nom 127. Par ailleurs, la cathédrale détenait un os de la poitrine de saint Gilles, fondateur du monastère qui a donné naissance à Saint‑Gilles-du‑Gard 128.

    Les saints locaux

    Mis à part les évêques, peu de saints locaux semblent avoir été vénérés dans la cathédrale de Bayeux. On ne peut guère citer que saint Révérend, dont on conservait le bâton “couvert et vestu de drap de soie et l'ung des boutz est virollé d'argent blanc ” 129. Ce saint aurait été l'un des premiers Bayeusains converti par saint Exupère. Une confrérie dédiée à saint Révérend existait à Saint‑Vigor‑le‑Grand à la fin du Moyen Âge 130.

    La présence d'une relique de saint Révérend rend encore plus curieuse l'absence de tout souvenir d'une autre gloire locale : saint Floxel. D'après la tradition, il aurait été le seul martyr de Bayeux. Une église lui était consacrée, située sur la rue de la Cavée, tout près de Saint‑Vigor‑le‑Grand et non loin du lieu présumé de son martyre. Une paroisse Saint‑Floxel est signalée dès 1251 131. Son corps a certainement été lui aussi évacué lors des invasions vikings. Il a trouvé refuge en Bourgogne, dans la collégiale Notre‑Dame de Beaune 132.

    Somme toute, la collection des reliques de Bayeux au XVe siècle était très riche et comportait des restes de nombreux saints prestigieux. À cet égard, il est intéressant de faire la comparaison avec le trésor du Mont‑Saint‑Michel, tel qu'il apparaît à travers l'inventaire de 1396 133.

    Bien entendu, le Mont possédait des reliques spécifiques, celles de saint Aubert et de saint Michel (marbre du Monte Gargano, voile du Paradis, épée et bouclier). Les reliques du Christ et de la Vierge étaient beaucoup pius nombreuses qu'à Bayeux. S'y ajoutaient des souvenirs de la Terre Sainte et de personnages de l'Ancien Testament, presque totalement absents dans la cathédrale. On retrouvait au Mont les mêmes saints vedettes, avec des restes souvent plus importants : Marie‑Madeleine, Matthieu (dent), Laurent (bras et charbons), Marguerite, Onze milleVierges (têtes), Martin et Thomas Becket (chasuble). En revanche, l'abbaye possédait aussi beaucoup de reliques de saints notoires qui n'étaient pas représentés à Bayeux : Jean‑Baptiste, Thomas l'Apôtre, Jacques (le Majeur et le Mineur), Nicolas, Denis 134. Pour ce qui concerne les saints normands, on comptait un doigt de saint Pair, des restes de saint Ouen, mais aussi des reliques de deux saints bayeusains : saint Exupère 135 et saint Vigor 136. Ces dernières reliques montrent que les liens entre Bayeux et le Mont n'ont pas été à sens unique. On a sans doute procédé à des échanges de reliques, peut-être sous l'épiscopat d'Odon (au moins pour ce qui est de saint-Vigor) 137.

    En résumé, les reliques de Bayeux étaient d'un niveau très honorable, comparées à celles de l'un des centres de pèlerinage les plus prestigieux de l'Occident médiéval. Sans doute attiraient‑elles des pèlerins, en particulier ceux qui étaient justement sur la route du Mont‑Saint‑Michel et de Saint‑Jacques‑de Compostelle. Mais elles étaient aussi l'objet d'un important culte local et jouaient un rôle majeur au cours des cérémonies qui avaient lieu, tout au long de l'année, dans la cathédrale même.

    Les reliques dans la cathédrale

    Les reliques sont les témoins du culte des saints tel qu'il était pratiqué au Moyen Age dans la cathédrale. Le clergé de Bayeux privilégiait naturellement le culte des saints locaux au travers des offices qui leur étaient consacrés.

    Dès le XIIIe siècle, l'ordinaire et le coutumier Langevin nous informent sur les offices de saints propres à la liturgie bayeusaine 138. Ces offices sont repris dans plusieurs bréviaires manuscrits datés du XIIIe au XVe siècle et conservés dans les archives du chapitre 139. Les saints pour lesquels on célébrait un office particulier sont surtout ceux dont la cathédrale possédait des reliques. Il s'agit des saints Exupère (1er août et octave), Raven et Rasiphe (23 juillet et octave), Régnobert (16 mai et 3 septembre, translation des reliques), Loup (25 octobre), Vigor (3 novembre 140), Révérend (13 septembre) et Floxel (17 septembre). Ajoutons à cette liste les saints évêques dont les reliques n'étaient pas conservées dans la cathédrale, mais dans l'église Saint‑Exupère : Manvieu (28 mai), Contest (11 févier) et, Gerbold (7 décembre) 141. Enfin, on trouve aussi dans les bréviaires les offices de quelques autres saints vénérés dans le diocèse : saint Clair (18 juillet), saint Lô (21 et 25 septembre) et, sainte Honorine (27 février).

    Les reliquaires étaient également portés en procession lors des fêtes solennelles, et en particulier les quatre châsses des saints Raven et Rasiphe, Pantaléon, Antonin et Régnobert. Le manuscrit 214 du chapitre nous fournit des renseignements précis sur les jours où les reliques étaient utilisées et sur les tarifs versés aux porteurs. Ces indications concernent l'année 1482, c'est‑àdire six ans seulement après l'inventaire. Une seule châsse (nous ignorons laquelle) était sortie à Pâques fleuries (Rameaux), à la saint Marc (25 avril), et aux Rogations. Les quatre châsses étaient portées lors de quatre fêtes majeures : l'Ascension, la Pentecôte, la fête des Reliques (Ier juillet) et celle de la Dédicace (14 juillet) 142.

    Les saints étaient encore vénérés d'une autre façon dans la cathédrale de Bayeux. Au XIIIe siècle, des chapelles rayonnantes furent construites tout autour du déambulatoire du choeur. Plusieurs de ces chapelles étaient dédiées à des saints dont des reliques se trouvaient dans l'édifice. La chapelle axiale est naturellement placée sous l'invocation de Notre‑Dame, comme la cathédrale elle‑même. Du côté nord, on trouve une chapelle Saint‑Pantaléon et une chapelle Saint‑Vincent. Les autres chapelles sont consacrées à des saints sans rapport direct avec les reliques de la cathédrale. Ce sont, au nord, les chapelles Saint‑Jean‑Baptiste, Sainte‑Catherine et Tous‑les‑Saints, au sud, la chapelle Saint‑Éloi, celle de Saint‑Michel et Saint‑Blaise, la chapelle des Saints ­Innocents, celle de Saint‑André et Saint‑Léon. Dans le transept, nous retrouvons des saints représentés par des reliques dans la chapelle Saint‑Pierre, au nord, dans celles de Saint-­Thomas‑Becket et de Saint‑Nicolas, au sud 143.

    Dans la nef, les chapelles furent édifiées, pour l'essentiel au XIVe siècle, tout au long des deux bas­-côtés. Plusieurs d'entre elles étaient consacrées à dés saints dont des reliques étaient présentes dans la cathédrale. La première chapelle en haut du bas‑côté nord était dédiée à saint Antonin. En 1486, sous l'évêque Charles de Neufchâtel, le passage dit d'Arthenay fut aménagé à cet emplacement, pour permettre une communication directe entre l'église et le palais épiscopal. La chapelle fut alors transportée à l'étage, en tribune. Plus tard, la dédicace à saint Antonin fut associée à celle de saint Pantaléon, dans la chapelle du choeur que nous avons déjà évoquée. Signalons encore, sur le bas‑côté nord, une chapelle Saint‑Martin et, sur le bas‑côté sud, une chapelle Saint‑Exupère (et Saint‑julien) 144.

    Un des objets les plus célèbres appartenant alors à la cathédrale, la Tapisserie de Bayeux, était étroitement associé au culte des reliques. Chacun sait qu'il s'agit d'une broderie racontant en images les circonstances du débarquement des Normands en Angleterre et la bataille d'Hastings (1066). L'inventaire de 1476 précise qu'elle était accrochée dans la nef le jour de la fête des Reliques et pendant son octave 145. La fête des Reliques était alors célébrée le 1er juillet. La Tapisserie était donc probablement tendue du 1er au 8 juillet. Telle avait sans doute été la volonté de son commanditaire, Odon de Conteville. L’œuvre avait un rapport direct avec les reliques de Bayeux. Il s'agissait de démontrer leur efficacité. La scène XXIII représente le serment de Bayeux. Harold y prête serment sur deux reliquaires appartenant à coup sûr à la cathédrale. En montant sur le trône d'Angleterre, malgré ses promesses, Harold devint parjure. Vaincu et tué par Guillaume, le 14 octobre 1066, il reçut le juste châtiment que lui valait la grave faute qu'il avait commise, d'abord en offensant les saints de Bayeux. C'est du moins ce qu'Odon avait voulu démontrer, et sa propagande était habile! Les reliques de Bayeux avaient prouvé avec éclat leur efficacité.

    Le destin des reliques

    La notoriété d'un édifice se mesurait en grande partie à l'importance de sa collection de reliques, qui attirait fidèles et pèlerins. Mesurée à cette aune, la cathédrale de Bayeux figurait certainement parmi les principales églises de Normandie. Seul un véritable centre de pèlerinage, comme le Mont­-Saint‑Michel, pouvait espérer rivaliser avec elle. La collection de reliques n'était pas destinée principalement à attirer les fidèles. Elle avait une fonction précise dans la liturgie et participait donc à la mission essentielle du chapitre: assurer le service continuel de la prière dans l'église‑mère du diocèse.

    Les textes ne nous fournissent aucune assurance concernant l'authenticité de ces reliques. Un certain nombre d'entre elles étaient probablement des faux. Les restes des saints avaient un trop grand prix pour ne pas tenter les faussaires. Le doute est permis, en particulier, pour le corps de saint Régnobert, dont étaient conservés au moins deux exemplaires, comme c'était le cas pour de nombreux saints. L’historien n'a pas les moyens de trancher sur ce point. Ce qui est certain, c'est que la plupart des clercs bayeusains et des fidèles du Moyen Âge croyaient fermement à l'authenticité de ces reliques.

    L’inventaire de 1476, comme tous les documents de ce genre, ne nous donne aucune indication sur la valeur artistique des nombreux reliquaires possédés par la cathédrale. Les rédacteurs s'intéressaient uniquement au caractère précieux des matériaux utilisés : or, argent et pierreries. Assurément, les reliques de Bayeux, enchâssées dans des reliquaires de grand prix, constituaient un véritable trésor. Cette réalité avait causé une première fois leur perte ou leur dispersion, au IXe siècle, à l'époque des invasions scandinaves. Elle allait encore entraîner leur disparition quasi définitive, au XVIe siècle.

    Pendant les guerres de Religion, la cathédrale de Bayeux fut pillée à plusieurs reprises par les huguenots. Le 12 mai 1562, les reliques furent emportées à l'évêché, inventoriées puis, quelques temps plus tard, remises au duc de Bouillon, gouverneur du château de Caen. C'est là qu'elles furent détruites et les reliquaires fondus, sur ordre du gouverneur lui‑même, pourtant catholique 146.

    Dans les siècles suivants, le chapitre s'efforça de reconstituer un trésor de reliques. Ce nouveau trésor ne put avoir l'éclat de celui qui existait au Moyen Âge. Signalons seulement qu'au XVIIIe siècle, la cathédrale récupéra un fémur de saint Régnobert venu d'Auxerre 147, puis un bras de saint Exupère, de façon rocambolesque. Au XVe  siècle 148, ce bras avait été prélevé sur le corps du saint évêque, conservé à Corbeil. Au cours de la Révolution, le reste du corps de saint Exupère fut détruit. Le bras subsistant fut alors remis à Claude Fauchet, évêque constitutionnel du Calvados, qui put le sauver avant d'être conduit à l'échafaud 149 !

    Au XIXe siècle, on entreprit des fouilles à l'église Saint‑Exupère. Deux commissions furent désignées successivement, par Mgr Robin en 1853, puis par Mgr Hugonin en 1883. Vu le rapport de ces commissions, ce dernier évêque rédigea en 1892 un mandement où il reconnut l'authenticité des reliques de saint Manvieu et de saint Gerbold. Était également déclaré authentique le tombeau (vide) attribué à saint Régnobert 150.

    Au XXe siècle encore, la cathédrale de Bayeux a reçu de nouvelles reliques, et en particulier celles d'une sainte très populaire: Thérèse‑de‑l'Enfant‑Jésus. Celle‑ci était venue à Bayeux en 1887, pour demander (en vain) à l'évêque (encore Mgr Hugonin) la permission d'entrer au Carmel malgré son jeune age. Une première relique de la sainte avait été donnée à la cathédrale, mais elle fut volée, il y a quelques années, avec son reliquaire. Le Carmel de Lisieux offrir alors un nouvel ossement, aujourd'hui très protégé. L’histoire des reliques de Bayeux n'est donc pas terminée, mais la grande époque reste le Moyen Âge. Au XVe siècle, le trésor des reliques connut son apogée, par le nombre et la qualité des restes conservés, comme par la richesse, et certainement la beauté, des châsses et des reliquaires, dont l'inventaire de 1476 ne nous laisse qu'un trop pâle reflet. De ces reliques médiévales ne subsistent aujourd'hui que la chasuble de saint Régnobert... et la Tapisserie de Bayeux!

    François NEVEUX, Université de Caen

     

    Notes :

    14. Corbeil-Essonnes, chef-lieu de canton du département de l'Essonne.

    15. Archives départementales du Calvados, 76 F 210, Notes Le Mâle, volume 2 10, p. 595-596. 16. Archives départementales du Calvados, 76 F 19 1, Notes Le Mâle, volume 19 1, p. 17.

    17. Ibid., p. 18. Saint-Riquier, arrondissement d'Abbeville, Somme. Une châsse-reliquaire au nom de saint Vigor est toujours conservée de nos jours dans le chœur de l'église abbatiale de Saint-Riquier. Les reliques de saint Vigor ont été l'objet de diverses manipulations. Voir dans le présent ouvrage L. Musset, “ Les translations de reliques en Normandie”, p. 97-108.

    18. Archives départementales du Calvados, 76 F 223, Notes Le Mâle, volume 223, p. 1-3. Varzy, chef-lieu de canton de la Nièvre.

    19. Ibid. Saint-Vivant-sous-Vergy, commune de Curtil-Vergy, canton de Gevrey-Chambertin, Côte-d'Or. Voir aussi Abbé 0. Larue, “ La translation des corps de saint Régnobert et de saint Zénon, textes et critique”, Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, LI, 1948195 1, p. 217-264; L. Musset, “ Les translations de reliques en Normandie”, dans le présent ouvrage, p. 97-108.

    20. On trouve en outre des reliques de saint Régnobert à Quingey (chef-lieu de canton du Doubs).

    21. La liste des évêques figurant sur les voûtains nous conduit jusqu'au XIIIe siècle. Après Robertus (Robert des Ablèges, 1206-1231), plusieurs noms manquent, en particulier ceux de Thomas de Fréauville (1233-1238) et de Guy (1240-1259). Les derniers en date sont ceux de Petrus (Pierre Ier de Benais, 1276-1306), et de Guillelmus (Guillaume Ier Bonnet, 1306-1312). Ces deux noms ont sans doute été rajoutés après coup. Les figures peintes pourraient dater de la première moitié du XIIIe siècle, c'est-à-dire peu après la construction du chœur gothique (vers 1230-1240). De toute façon, elles ont été certainement très restaurées depuis, lors des inévitables réfections des voûtes.

    22. Archives départementales du Calvados, 76 F 223, Notes Le Mâle, volume 223, p. 283-287.

    23. Voir Dix mille saints. Dictionnaire hagiographique rédigé par les bénédictins de Ramsgate, trad. fr. M. Stroobants, Turnhout, Brepols, 199 1, article “ Rambert (Ragnebert) ”, p. 427.

    24. Voir le Mandement de monseigneur l'évêque de Bayeux [Flavien Hugonin] portant jugement sur l'authenticité des tombeaux et des reliques conservées dans l'église de Saint-Exupère de Bayeux, publié à Bayeux le 18 juillet 1892. En ce qui concerne l'intérêt historique de ce mandement, voir infra.

    25. Voir infra.

    26. Il n'y eut, semble-t-il, pas d'évêque à Bayeux entre Erchambert (v. 859-876) et Heiric ou Henri (v. 927-933).

    27. D. Spear, “ L’administration épiscopale normande : archidiacres et dignitaires des chapitres ”, Les Évêques normands du XIe siècle (actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 1993), P. Bouet et F. Neveux (dit.), Caen, Presses universitaires de Caen, 1995, p. 81-98.

    28. Saint‑Quentin, sous‑préfecture de l'Aisne.

    29. Cette ambassade de Dudon de Saint‑Quentin se situe dans les deux dernières années du principat de Richard Ier. Voir H. Prentout, Étude critique sur Dudon de Saint‑Quentin et son histoire des premiers ducs normands, Paris, Picard, 1916, p. 14.

    30. Ibid., et P. Bouet, “Les sources historiographiques de la Normandie romane (XIe‑XIIe siècles) ”, in Les Siècles romans en Basse‑Normandie (Art de Basse‑Normandie, n° 92), 1985, p. 18.

    31. Canton de Tilly‑sur‑Seulles, Calvados.

    32. AASS, 23 juillet, édition de 1868, p. 389‑394. Voir B. de Gaiffier, “Les saints Raven et Rasiphe vénérés en Normandie ”, Analecta Bollandiana, LXXXIX, 1961, p. 303‑319. L’authenticité des “ martyrs ” ainsi découverts est évidemment fort sujette à caution.

    33. Voici la description de cette châsse attribuée à Odon dans l'inventaire de 1476 (article 6): “ Le costé de derriere est d'argent doré ou œuvré en martelleure ; et tout le sourplus, c'est assavoir le costé de devant, les deux bouts et le festage de hault est de fin or, à ymages d'or eslevés, et ornée de grans et chiers esmaulx et de pierres précieuses de plusieurs sortes; assise sur quatre piés de cuivre doré, faictz en maniere de piés d'aigle. ”

    34. AASS, 23 juillet, saints Raven et Rasiphe. Le moine Bernard s'exprime en ces termes à la fin de son récit de la translation des reliques, rédigé au début du XIIe siècle : Haec omnia cum adhuc adolescentulus essem, vir piissimus et devotissimus iam monachus, Odo de Sancto Samsone, sicut ab his qui viderant et interfuerant didicerat, cum esset idem vir praedicti nobilissimi praesulis Odonis amantissimus nepos, mihi devote retulit. Voir D. Bates, “ The character and career of Odo, Bishop of Bayeux (1049/1050‑1097) ”, Speculum, L, 1975, p. 1‑20; L. Musset, “ Un prélat du XIe siècle, Odon de Bayeux ”, Art de Basse‑Normandie, n° 76, 1978‑1979, p. 12‑18, en particulier p. 13.

    35. Voir infra.

    36. Voir E. Deslandes, Le Trésor..., “ Introduction ”, p. 16. Cette couronne était ornée de quarante-neuf vers latins. Voici sa description dans l'inventaire de 1476 (article 94) : “ Item, en la nef, devant le crucifix, est une couronne ronde de grand circuite, pendante à une grosse chaîne de fer, laquelle est très excellente et de grande estimation; faicte de fin et chier metal, escripte tout environ en metres, à lanternes haultes de diverses façons, et toute dorée; et au bout de bas de ladicte chaîne qui la porte a une grosse pomme de semblable matiere et toute dorée. ”

    37. Voir L. Musset, “ Un prélat du XIe siècle, Odon de Bayeux ”..., p. 15.

    38. Inventaire de 1476, articles 110 (casque), 111 et 112 (cornes), 128 et 129 (manteaux). Voir J.‑M. Bouvris, “ La dédicace de la cathédrale Notre‑Dame de Bayeux (14 juillet 1077) ”, Société des Sciences Arts et Belles‑Lettres de Bayeux, volume XXVIII, 1982, p. 3‑16, en particulier P. 10.

    39. C'est du moins l'hypothèse que formule le chanoine Deslandes, Le Trésor.. Introduction ”, p. 11 et “Inventaire ”, article 33. jean de Salisbury donna à sa cathédrale de Chartres le couteau de Thomas Becket ainsi qu'un vase contenant un peu de son sang.

    40. Voir J. Le Goff, Saint Louis, Paris, Gallimard, 199 6, p. 140‑148.

    41. Voir Dom J. Dubois, “ Le Trésor des reliques du Mont‑Saint‑Michel ”..., p. 563‑564. Le don royal a sans doute été effectué lors de l'un des passages du roi dans la région, en 1307 ou 13 10, plutôt qu'en 1311, date traditionnellement avancée (sans référence) par les historiens de l'abbaye.

    42. Inventaire de 1476, article 90: “ Item, devant la janue du cuer, a ung candellabre à sept membres pour mettre sept cierges, lequel est de cuivre doré. ” Ce candélabre est mentionné par l'Ordinaire et le Cérémonial de Langevin (xiir siècle). Voir J. Hermant, Histoire du diocèse de Bayeux, Caen, P. Doublet, 1705, p. 220. C'est cet auteur qui affirme que le candélabre à sept branches, installé au milieu du chœur de la cathédrale, a été donné par l'évêque Guy. Un dessin à la plume représentant ce candélabre se trouve dans un manuscrit de la fin du XVIIe siècle (Collection particulière).

    43. Inventaire de 1,176, article 50.

    44. Ibid., article 59. Le reliquaire de laVraie Croix était amovible et pouvait être remplacé par un “ petit sacraire” susceptible de contenir une hostie consacrée pour la procession de la fête de Saint‑Sacrement. Nicole du Bosc a fait d'autres dons au trésor de la cathédrale et notamment un joyau d'argent doré représentant le sépulcre du Christ et comprenant aussi un “petit sacraire ” (article 45) ainsi qu'un livre, un Catholicon, installé dans la chapelle de saint Pantaléon (article 349).

    45. B. Guenée, Entre lÉglise et lÉtat. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1987, p. 337‑34 1.

    46. Inventaire de 1,176, article 53.

    47. Ibid., article 57. Les Conclusions capitulaires font mention de cette croix d'argent doré, d'un poids de vingt marcs, donnée par cet évêque le 13 septembre 1459.Voir chanoine E. Deslandes, Le Trésor..., p. 37, note 1.

    48. Inventaire de 1476, article 1. Pour la fabrication de cette table, on a utilisé trois cent soixantetrois mares deux onces et quatre gros d'argent fin, qui furent estimés à sept mille cinq cent vingt‑et‑une livres six sous. La dorure et la main d'œuvre s'élevèrent à deux mille sept cent vingt‑deux livres dix sous, ce qui représente une valeur totale de dix mille deux cent quarantetrois livres seize sous. Voir chanoine M. Béziers, Histoire sommaire de la ville de Bayeux, Caen, 1773, p. 5 de l'appendice. On sait par les Conclusions capitulaires que ce don magnifique date de 1469.

    49. Inventaire de 1476, articles 2 et 3.

    50. Ibid., article 5.

    51. Ibid. Voir infra.

    52. Inventaire de 1476, articles 99, 100‑104, 202 et 257. D'après les Conclusions capitulaires, une bonne partie de ces donations eut lieu en 1473 et 1474. Le calice et la croix furent offerts en 1479, date de la mort du prélat.

    53. Amédée de Saluces était le fils de Frédéric Il, marquis de Saluces. Il fut doyen du chapitre de Bayeux de 1381 à 1419. Voir J. Hermant, Histoire du diocèse de Bayeux..., p. 303. Voir également Chanoine E. Deslandes, Le Trésor..., p. 16 (“Introduction”).

    54. Inventaire de 1476, articles 80 (deux candélabres d'argent doré) et 256 (une tenture de serge vermeille).

    55. Ibid., articles 152 (une chape) et 204 (une bourse pour mettre le corporal).

    56. Ibid., article 130 (une chape).

    57. Ibid., article 75 (un joyau destiné au baiser de paix).

    58.    Ibid., article 146 (une chape de damas violet). La paroisse de Nonant (aujourd'hui dans le canton de Bayeux) était alors située dans le diocèse de Lisieux. Elle était la tête de l'exemption de Nonant.

    59. Ibid., article 151 (deux chapes de cramoisi vermeil). Il s'agit certainement d'un legs testamentaire puisque, d'après les Conclusions capitulaires, la donation eut lieu en 1473, après la mort de Guillaume Chartier.

    60. Cf Dom J. Dubois, “ LeTrésor des reliques de l'abbaye du Mont‑Saint‑Michel ”..., p. 501‑593. 61. Inventaire de 1476, article 1.

    62. Ibid., article 10.

    63. Chanoine E. Deslandes, Le Trésor..., p. 29 note 3.

    64. l’armoire subsiste encore dans sa disposition d'origine sur le côté ouest de la salle haute du bâtiment du trésor. Elle n'a subi qu'une seule transformation, vers le XVIIe siècle. Elle fut en effet raccourcie d'une travée, afin de permettre l'ouverture d'une porte débouchant du nouvel escalier, qui permet depuis lors d'accéder à la salle haute.

    65. L’armoire contenait au XVe siècle une trentaine d'objets précieux décrits aux articles 100 à 127 de l'inventaire de 1476. Nous y trouvons par exemple une mitre, des étoles et d'autres ornements de petite taille, un bâton pastoral en quatre pièces, des cornes à boire et le casque de Guillaume le Conquérant.

    66. Inventaire de 1476, articles 11 et 12.

    67. Une inscription gothique de l'époque, située à l'emplacement du tombeau, commémore l'événement.

    68. Inventaire de 1476, article 10: “ Endit ancien [inventaire], aucuns desditz joyaux et reliquiaires sont désignés jusquez au nombre de six ou sept, lesquelz de présent n'ont point esté trouvés; et aussi aucuns ont esté trouvés et rédigés en ce présent inventaire, lesquelz endict ancien ne sont point désignés; et est vraysemblable que, depuis la date d'icellui, ilz ont esté acquis et donnés à ladicte église. ” Voir supra note 5 un autre passage du même article précédant celui‑ci.

    69. Inventaire de 1476, article 11 : […] une petite fiole de beril [...] et dedens icelle fiole a du précieux sang de Nostre‑Seigneur. ”

    70. Ibid., article 13: “ Item, ung vaissel ront de beril et en dedens a du lait de laVirge. ”

    71. Ibid., article 14: “ Item, ung vaissel de cristal faict en manière de columpne [ ... 1 et dedans a des cheveulx de la Virge ” ; Ibid., article 15 : “ ung vaissel quarté d'argent doré, orné de tous costés de pierrerie, couvert de cristal, dedens lequel est escript: De capillis beate Marie, cum aliis reliquiis. ” 

    72. Ibid., article 16 : “ Item, ung vaissel ront d'argent doré et a longue escripture qui  commence: De sepulchro Domini et de presepio eius. ”

    73. Ibid., article 17: “Item, une coupe d'argent doré et dedens a une portion du chief de Monseigneur sainct Estiene. ”

    74. Inventaire de 1476, article 18 : “ Item, un vaissel de cristal ront, et dedens a une maxille                                                           et une dent maxillaire de saincte Margarite. ”

    75. Ibid., article 19.Voir infra.

    76. Ibid., article 20. Selon le Livre de Daniel (chapitre III, versets 24‑30), ces trois jeunes juifs, compagnons de Daniel, sont admis au service du roi de Babylone, Nabuchodonosor. Mais, refusant d'adorer une statue d'or, ils sont jetés dans une fournaise. Dieu envoie alors un ange pour les sauver.

    77. Inventaire de 1476, articles 36 et 62. Une petite croix d'argent portait l'inscription suivante: Hic est de sudario lhesu Christi et de costa beau Martini. Il est peu probable que ce morceau de tissu, certainement très petit, ait un rapport quelconque avec le saint suaire actuellement conservé à Turin, qui apparaît dans la documentation au XIVe siècle. Sur ce dernier, la littérature est immense, historique et pseudo‑historique. Signalons seulement l'excellente mise au point suivante : V. Saxer, “  Le suaire de Turin aux prises avec l'histoire ”, Revue d'histoire de l’Église de France, t. LXXVI, n° 196, janvier‑juin 1991, p. 21‑56. Voir infra.

    78. Inventaire de 1476, articles 23, 48, 55‑61 et 64.

    79. Ibid., article 36. Voir infra.

    80. Voir Dom J. Dubois, “ Le Trésor des reliques de l'abbaye du Mont‑Saint‑Michel ”..., p. 566, et Père J.Thenaud, Le Voyage d'Outremer, 1512, publié par C. Schefer en 1884. Cet auteur explique comment on obtenait du lait de la Vierge: “ Près du sanctuaire de Bethléem se trouve une petite grotte où Notre‑Dame se cacha plusieurs jours par crainte d'Hérode et où elle allaitait son fils. Les femmes du pays, pour avoir des enfants et du lait, visitent ce lieu avec dévotion et pulvérisent la pierre de la grotte qui est tendre comme du tuffeau pour en boire. ” 81. Inventaire de 1476, articles 6 à 9.

    82. Cf. Bibliotheca hagiographica latina antiquae et mediae aetatis, Société des bollandistes (éd.),  Bruxelles, Société des bollandistes, 1898‑1901, réimpression anastatique, 1949, t. 1, p. 92‑94  (Antoninus) et Dix mille saints, dictionnaire hagiographique.., p. 58‑59 (article “ Antonin ”).

    83. Bibliotheca hagiographica latina..., t. II, p. 929‑932 et Dix mille saints, dictionnaire hagiographique..., p. 387. Le nom de Pantaléon vient du grec Pantaleimon qui signifie : “ plein de compassion pour tous. ” Ce nom pourrait être à l'origine de la légende qui fait de saint Pantaléon un médecin des pauvres. Son culte fut confiné aux calendriers locaux par l'Église catholique en 1969. En tout cas, il est peu probable que le corps conservé à Bayeux ait été le seul revendiqué pour ce saint oriental.

    84. Macé, canton de Sées, Orne.

    85. De S. Ravenno et Rasipho martyribus, Baioci in Normannia Galliae, p. 389. Voir supra. AASS, 23 juillet.

    86. Ibid., De S. Rasypho martyre. Ex Martyrologio romano, p. 387.

    87. Voir Dorn J. Dubois, ~~ Le trésor des reliques de l'abbaye du Mont‑Saint‑Michel ”..., article 2, p. 523‑526, articles 8 A et B, p. 533‑536, et p. 587.

    88. Inventaire de 1476, article 19. Il existe de nombreux saints portant les noms de Grégoire et Cyriaque: voir Bibliotheca hagiographica latina..., t. 1 (Cyriacus) et t. Il (Gregorius) et Dix mille saints, dictionnaire hagiographique..., p. 135 (quinze saints du nom de Cyriaque) et p. 230‑233 (vingt‑huit saints du nom de Grégoire).

    89. Inventaire de 1476, article 27.

    90. Inventaire de 1476, article 38.

    91. Ibid., article 50. Voir supra.

    92. Ibid., article 17. Voir supra.

    93. Ibid., article 23.

    94. Ibid., article 36: “ Item, un vaissel ront de cristal        et dedens a des vestemens de la Virge et de Nostre Seigneur, et de la barbe de Monseigneur sainct Estienne. ”

    95. Ibid., article 19: “ Item, un jouel duquel le dessus est d'or ouvré et orné de pierrerie     en lettres anciennes d'argent doré est escript : R [eliquie] Petri, Pauli, Stephani, Gregorii et Ciriaci. ”

    96. Ibid., article 20 (voir supra) et article 58 : “Item, une aultre croix moult precieuse [ ... ] eu hault a une autre petite croix et de la vraye croix dedens; au croisillon d'icelle, a quatre petites pierres et eu derriere est escript: Ligna Dei petri casti Moysi aurea porta. ” Le trésor du Mont‑Saint‑Michel comprenait une relique de l'arbre défendu dont Adam mangea le fruit, une pierre de la caverne des Patriarches, un morceau de la verge de Moïse et de celle d'Aaron, un peu de l'eau du Jourdain. Voir Dom J. Dubois, <, Le trésor de l'abbaye du MontSaint‑Michel p. 523‑524, 533‑535 et 587.

    97. Voir supra.

    98. Inventaire de 1476, article 18.

    99. Sainte Marguerite est censée avoir vécu à Antioche de Pisidie (en Asie Mineure, aujourd'hui en Turquie), où elle aurait été martyrisée sous Dioclétien (284‑305). De nos jours, ses Acta sont considérés comme purement fictifs et l'Église catholique a supprimé son culte en 1969. Voir Dix mille saints, dictionnaire hagiographique..., p. 336.

    100. Inventaire de 1476, article 19. Voir supra.

    101. Ibid., article 37.

    102. Ibid., articles 31 et 32. Sans doute s'agit‑il de saintVincent de Saragosse, martyrisé en 304 àValence, en Espagne, mais il existe de nombreux autres saints du nom de Vincent. Voir infra.

    103. Ibid., article 2,1. Voir supra. 104. Ibid., article 44.

    105. Ibid., article 5 3. Voir supra.

    106. D'après la légende, sainte Ursule aurait été martyrisée par les Huns devant Cologne avec les Onze mille Vierges qui l'accompagnaient. Voir notre introduction “ Les saints dans la civilisation médiévale ”, p. 21‑38.

    107. Inventaire de 1476, article 29.

    108. Ibid., article 33. Cette seconde relique avait peut‑être été offerte, nous le savons, par jean de Salisbury. Voir supra.

    109. Thomas Becket a été assassiné dans le transept nord de la cathédrale de Cantorbéry. Dans la cathédrale de Coutances, à peu près contemporaine de celle de Bayeux, c'est le transept nord qui est consacré à ce récent martyr, avec en particulier un vitrail du xiir siècle racontant sa passion. À Bayeux, c'est le transept sud qui a été choisi, pour des raisons pratiques. le transept nord était accolé au palais épiscopal et il était impossible d'y sculpter un portail consacré au saint, comme cela fut réalisé sur le côté sud.

    110. Inventaire de 1476, article 9: “ En la quarte case ou fiertre, est clos et repose le benest corps du glorieux confesseur, Monseigneur sainct Regnobert, second evesque de Baieux, laquelle est toute d'argent doré [ ... ]. ” Voir supra.

    111. Ibid., article 39 : “ Item, ung coffret de yviere, barré et bordé à coupletz derrière, sur lesquelz il se euvre ; et a serreure par devant qui se clot à clef par une barre d'argent et dedens est le casuble Monseigneur sainct Regnobert. ”

    112. Chanoine E. Deslandes, Le Trésor... “ Introduction ”, p. 13.

    113. Cependant, les spécialistes pensent aujourd'hui que cet objet n'est peut‑être pas antérieur au xvi~ siècle. Il pourrait être d'origine Mudéjar. Ce renseignement m'a été fourni par Hervé Pelvillain, Conservateur du Service régional de l'Inventaire général, que je tiens ici à remercier.

    114. Telle est du moins l'opinion la plus généralement admise. Il convient cependant de rester prudent en attendant l'expertise en cours faite par Isabelle Bedat et Sophie Desrosiers, spécialistes incontestées des tissus anciens. On peut se demander si la chasuble ne pourrait pas être contemporaine du retour àBayeux de l'un des corps de saint Régnobert, celui d'Auxerre, qui aurait eu lieu au xiw siècle. En tout cas, il est certain que la chasuble se trouvait dans le trésor en 1476 et, très probablement, en 1369. S'il s'était agi d'une acquisition récente au w siècle, les rédacteurs de l'inventaire n'auraient pas manqué de le signaler. La documentation écrite permet donc d'affirmer que la chasuble dite de saint Régnobert est antérieure au xiv~ siècle. Par ailleurs, il est intéressant de faire le rapprochement avec une autre relique célèbre de la région: la chasuble de saint Thomas Becket à Lisieux, qui a été datée de la seconde moitié du xii, siècle. je remercie encore Hervé Pelvillain de m'avoir fourni ce dernier renseignement.

    115. Inventaire de 1476, article 21 : “Item, un vaissel ront d'argent blanc, ouvrant par le millieu; et eu bort de dessus est escript en lettres d'argent: Caput sancti Exuperii [ ... ] et dedens est le chief de Monseigneur sainct Exupère. ” Ibid., article 31 : “ Item ung vaissel de cristal, faict en maniere de columpne à pinacle d'argent blanc, une petite croix dessus, et le pié d'argent blanc à VIII cornieres; et dedens est le doy de Monseigneur sainctVincent; et audict pié est atachié, à ung ruben de soye, un petit estieu d'argent esmaillié, dedens lequel a une dent de Monseigneur sainct Exupère. ”

    116. Ibid., article 22: (~ Item, ung aultre vaissel ront, d'argent blanc, à ung pié ront, non ouvrey et sans pierrerie, et dedens est le chief de Monseigneur sainct Lup. ”

    117. Ibid., article 34: “ Item, ung aultre petit vaissel de cristal, en maniere de columpne, à pié ront, et par dessus une petite tourelle, le tout d'argent blanc; et dedens sont aucunes reliques de Monseigneur sainctVigor. ”

    118. Voici la description du premier médaillon situé dans la première travée du choeur à partir du rond‑point, du côté sud. Un saint évêque porte la chasuble, la mitre et la crosse. Il retient un animal féroce grâce à son étole, qu'il lui a passé autour du cou. La bête en question a la tête d'un loup et montre les dents, mais son corps est celui d'un oiseau et comporte une longue queue de serpent se terminant par un noeud. Cette queue forme une partie de la bordure du médaillon, qui comprend aussi une série de feuilles de chênes. Le second médaillon, situé à côté dans la deuxième travée du choeur, est presque semblable au premier. Il montre un saint évêque maîtrisant de la même façon un animal ressemblant à un loup. Il représente sans doute saint Loup, vainqueur de son animal éponyme, alors que le précédent pourrait évoquer plutôt saimVigor. Notons que dans la Vita Vigoris (AASS, 1" novembre, p. 300‑30 1), le saint évêque expulse un serpent dévastant la région. La scène est située à Cerisy (Cerisyla‑Forêt, canton de Saint‑Ciair‑sur‑l'Elle, Manche). Ces épisodes légendaires symbolisent le combat victorieux de ces saints contre le paganisme. Voir J.‑J. Bertaux, “ La cathédrale gothique dans l'art de son temps ”, ix, Centenaire de la cathédrale de Bayeux (Art de BasseNormandie, n' 76), 1978‑1979, p. 41‑46 et planche XIII.

    l19. Inventaire de 147 6, article 51.

    120. La Revelatio ecclesiae sancti Michaelis est le document essentiel concernant les origines du Mont­Saint‑Michel. Ce texte est conservée dans de nombreux manuscrits, en particulier le ms. 211 de la bibliothèque municipale d'Avranches (U 156 sq.), mais aussi des manuscrits plus anciens. Il daterait du milieu du ix, siècle. Pierre Bouet et Olivier Desbordes, de l'université de Caen, en préparent actuellement l'édition.

    121. Dont J. Dubois, “ Le trésor des reliques de l'abbaye du Mont‑Saint‑Michel ”..., p. 550‑558. Aujourd'hui ne subsiste plus que le chef de saint Aubert, conservé dans l'église Saint‑Gervais d'Avranches. Ce célèbre crâne percé d'un trou a naguère été expertisé par Jean Dastugue, professeur d'anthropologie à l'université de Caen (aujourd'hui décédé). Pour lui, il S'agirait d'un crâne de l'époque néolithique ayant subi une trépanation ! L’authenticité de cette relique est donc fortement sujette à caution.

    122. Dom J. Dubois, “ Les dépendances de l'abbaye du Mont‑Saint‑Michel et la vie monastique dans les prieurés ”, Millénaire monastique du Mont‑Saint‑Michel, , t. 1, Histoire et Vie monastique à l'abbaye, J. Laporte (éd.), Paris, Lethellieux, 1967, p. 619‑676 (sur Robert de Tombelaine et les ermites du Mont, voir p. 674‑676).

    123. Le trésor de la cathédrale de Bayeux ne comprenait pourtant pas de reliques de saint Jacques. Ce n'est guère étonnant, en ce qui concerne les ossements, puisque le corps entier de J'apôtre saint Jacques (le Majeur) est censé reposer jusqu'à nos jours sous l'autel majeur de la basilique de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle. Pourtant, dès le Moyen Âge, d'autres sanctuaires revendiquaient des parties du corps de ce saint extrêmement populaire.

    124. Inventaire de 1476, article 62: “ Item, une aultre petite croix d'argent doré par devant, et d'argent blanc par derrière ; eu hault de ladicte croix est escript : Hic est de sudario _7hesu Christi et de costa beati Martini. Assise sur un pié d'argent veré et esmaillie, séant sur six leons d'argent doré. ”

    125. Ibid., article 20: Un joyau <~ où est escript en lettre ancienne: R[eliqi4ie] sancti Remigii, Sydrach, Misach etAbdenago. ” Nous avons déjà signalé l'étonnante association de saint Rémi avec les trois compagnons du prophète Daniel, qui s'explique sans doute par une acquisition simultanée de ces reliques d'origines très différentes.

    126. Ibid., article 59. Au dessus de la croix se trouvait un béryl de forme triangulaire, “ et dedens est escript : De puluere capitis et corporis beati Eligii ”.

    127. Inventaire de 1476, article 26. Dans “ung vaissel de cristal ” en forme de colonne, “  la dent de Monseigneur sainct Bertin ” est associée à “ plusieurs aultres reliques ”. Saint Bertin est mort vers 709. L'abbaye de Saint‑Bertin (anciennement Sithin) est à l'origine de la ville de Saint‑Omer, sous-­préfecture du Pas‑de‑Calais.

    128. Ibid., article 28: “Item, ung aultre vaissel ront de cristal et dedens a ung os de la poictrine de Monseigneur sainct Gile. ” Le personnage de saint Gilles est entouré de beaucoup de légendes et son culte a été confiné aux calendriers locaux en 1969. Patron des estropiés, des mendiants et des forgerons, il était très populaire au Moyen Âge. Dès le xi, siècle, par exemple, il était particulièrement vénéré à Saint‑Gilles (canton de Marigny, Manche). Saint‑Gilles‑du‑Gard est aujourd'hui chef‑lieu de canton du département du Gard.

    129. Ibid., article 65.

    130. Voir F. Neveux, Bayeux et Lisieux, villes épiscopales de Normandie à lafin du Müyen Âge, Caen, Éditions du Lys, 19 9 6, p. 5 7 1.

    131. Ibid., p. 56.

    132. Archives départementales du Calvados, 76 F 178, p. 191 et 223, Notes Le Mâle, volume 178, p, 113‑114 et 123, volume 191, p. 18, volume 223, p. 286. Saint Floxel serait né dans le Cotentin et aurait été martyrisé à Bayeux vers la fin du iir siècle. Ses reliques sont toujours conservées dans la collégiale de Beaune. La dernière chapelle du bas‑côté nord lui est consacrée et un vitrail du xix~ siècle y relate son martyre.

    133. Dom J. Dubois, “Le Trésor des reliques de l'abbaye du Mont‑Saint‑Michel ” ... p. 503‑505 et 520­576.

    134. Ibid., p. 585‑593.

    135. Ibid., p. 575, n' 31 F. Il s'agit d'un petit ossement de saint Exupère, mais il n'est signalé que dans l'inventaire de Dom Thomas Leroy (1647).

    136. Ibid., p. 523‑526. Les reliques de saintVigor se trouvaient dans un reliquaire avec des reliques du Christ, de la Vierge, de Moïse, de saint Denis... et de deux autres saints normands: saint Lô, évêque de Coutances, et saint Ortaire, abbé de Landelles. Ces reliques très diverses, provenant en partie de Jérusalem et de Saint‑Denis, étaient accompagnées d'authentiques qui ont été conservés jusqu'à nos jours dans l'église Saint‑Gervais d'Avranches.

    137. Rappelons que le trésor de Bayeux comprenait un os de saint Aubert (Inventaire de 1476, n° 51).

    138. Archives départementales du Calvados, série G, Bibliothèque du chapitre de Bayeux, ms. 121 et 122, publiés par U. Chevalier, Ordinaire et Coutumier de l'église cathédrale de Bayeux, Paris, Picard, 1902.

    139. Archives départementales du Calvados, 7 6 F 19 1, Notes Le Mâle, volume 19 1.

    140.  Signalons que saintVigor est fêté le l~r novembre au calendrier romain et le 3 novembre au calendrier bayeusain. Il s'agissait évidemment, au plan local, d'éviter la confusion avec la fête de laToussaint.

    141 . Les reliques de saint Manvieu et de saint Gerbold sont encore conservées dans la crypte de l'église Saint‑Exupère. Elles ont été déclarées authentiques par Monseigneur Hugonin à la suite d'une longue enquête.Voir le Mandement de Monseigneur l'évêque de Bayeux et Lisieux portantjugement sur l'authenticité des tombeaux et des reliques conservés dans l'église Saint‑Exupère de Bayeux, 1892.

    142. Archives départementales du Calvados, série G, Bibliothèque du chapitre, ms. 214, Compte de la fabrique de l'Église de Bayeux (1482). Voir Chanoine E. Deslandes, Le Trésor... p. 27, note 1.

    143. Archives départementales du Calvados, 76 F 192, Notes Le Mâle, volume 192, Chapelles de la cathédrale. Cf. Abbé J. Marie, Bayeux, ville d'art, Bayeux, Imprimerie bayeusaine, 1968, t. il, Les Constructions religieuses, p. 48­57. 144. Ibid. Voir aussi chanoine E. Deslandes, Étude sur lÉglise de Bayeux, Caen, Imprimerie E. Domin, 1917, Plan du choeur de la cathédrale, p. 498‑499~

    145. Inventaire de 1476, article 262 : “ Item, une tente tres longue et estroicte de telle à broderie de ymages et escripteaulx, faisans representacion du conquest d'Angleterre, laquelle est tendue environ la nef de l'eglise le jour et par les octabes des Reliques. ”

    146. Voir la Requeste présentée par le clergé de Bayeux, en l'an M. VC LXIII, aux commissaires pour l'état de paix, publiée par le chanoine E. Deslandes, Le Trésor..., p. 109‑115. Ibid., e Introduction ”, p. 2 1. Voir également H. Neveux, “Une croissance ambiguë (xvi,‑xviii, siècle) ”, in Histoire de Caen, G. Désert (dit.), Toulouse, Privat, 1981, p. 137. 147. Archives départementales du Calvados, 76 F 223, Notes Le Mâle, volume 223, p. 3. 148. Par un curieux hasard, ce prélèvement avait été opéré àCorbeil en 1476, l'année même où était rédigé l'inventaire des reliques de Bayeux !

    149. Archives départementales du Calvados, 76 F 2 10, Notes Le Mâle, volume 2 10, p. 595‑598.

    150. Archives du presbytère de la cathédrale de Bayeux, registre comprenant les Documents concernant la reconnaissance des tombeaux et reliques des saints évêques dans la crypte de Saint‑Exupère de Bayeux, et notamment le Rapport sur le culte à rendre aux reliques des saints évêques de Bayeux, découvertes en 1853 dans l'église de Saint‑Exupère (l 0 mai 1892), suivi des pièces justificatives, ainsi que le Mandement de Monseigneur l'évêque de Bayeux et Lisieux portantjugement sur l'authenticité des tombeaux et des reliques conservés dans l'église de Saint‑Exupère de Bayeux, publié par Mg'Flavien Hugonin le 18 juillet 1892. La longue enquête des ecclésiastiques du xix~ siècle paraît avoir été conduite avec beaucoup de circonspection. Il convient cependant de rester très prudent quant à ses résultats, en particulier en ce qui concerne l'authenticité des ossements attribués à saint Manvieu et à saint Gerbold. Voir L. Musset, “Les translations de reliques en Normandie ”, dans le présent ouvrage, p. 97‑108. Ajoutons que nous nous sommes rendu dans la crypte de Saint‑Exupère le 12 mars 1997, en compagnie de plusieurs enseignants de l'université de Caen: Claude Lorren, professeur d'histoire et d'archéologie du Moyen Âge, Claire Hanusse, maître de conférences d'archéologie,Véronique Gazeau, maître de conférences d'histoire du Moyen Âge et Dominique Toulorge, professeur agrégé. Claude Lorren, spécialiste de l'archéologie du haut Moyen Âge, pense que les sarcophages actuellement installés dans la crypte sont bien datables de la fin de l'Antiquité, de l'époque mérovingienne et de l'époque carolingienne. Il s'agit de sarcophages de grande taille et d'une exceptionnelle qualité qui, selon toute probabilité, ont bien été destinés à des sépultures épiscopales. Les autres universitaires présents se sont ralliés à son avis.


    11 commentaires
  • Récapitulatif des “Cinquante Saints Normands” (concernant le Calvados) de Frédéric Alix, 1933 :

     

    “Saint Contest (19 janvier) : Une tradition nous apprend que saint Contest naquit à Athis-sur-Orne, ancienne paroisse réunie à Louvigny, dont l'église était sous le vocable de ce saint. Plusieurs lui attribuent Bayeux pour berceau. Pour se donner tout à Dieu, il se retira dans une solitude près de Falaise, puis dans les bois de Trun (Orne). Le siège épiscopal de Bayeux étant devenu vacant, Contest fut élu évêque, selon l’usage du temps, par les acclamations du peuple et du clergé. Homme d'action, il se donna tout entier à la conversion des païens encore nombreux, mais son zèle lui attira la haine des puissants, obstinément attachés au culte des idoles. Il se retira dans un ermitage, situé dans la paroisse de Blay, où il vécut comme saint Jean-Baptiste dans le désert. Le démon lui dressa embûches sur embûches. Comme il se présentait à lui sous la figure d'un serpent, le saint enroula son étole à son cou et le mena bien loin de son ermitage avec défense de retour. Ses persécuteurs vaincus par ses mérites se convertirent et l'évêque rentra dans sa ville épiscopale. Prié d'aller à Séez, pour assister l'évêque saint Landry, alors à l'extrémité, il partit avec quelques disciples. Arrivés près d'Athis, dans l'Orne, par une chaleur torride, et encore loin de la Vère, l'unique rivière du pays, ils faillirent mourir de soif. Autre Moïse saint Contest frappa de son bâton un rocher de granit d'où il jaillit à l'instant une source abondante. Le saint ayant donné les derniers secours à saint Landry, reprit le chemin de sa ville épiscopale. En traversant les bois de Castillon, près Balleroy, il y rencontra deux femmes, qui, poussées par le besoin, s'adonnaient au vice. Il leur fournit le nécessaire et les fit renoncer à leur mauvaise vie. A Bayeux, il exerça son ministère pastoral avec un grand zèle et Dieu lui continua le don des miracles. Il mourut un 19 janvier, vers l'an 513, et fut enterré dans l'église Saint-Exupère, devant l'autel Saint-Clair. Le 3 mars 1162, les évêques Philippe de Harcourt de Bayeux, Rotrou d'Evreux, Arnoul de Lisieux, Achard d'Avranches, transférèrent les reliques de saint Contest à l'abbaye de Fécarnp. En 1683, les moines de Saint-Vigor de Bayeux en obtinrent une portion considérable. Récemment la cathédrale de Bayeux et l'église de Saint-Contest, près Caen, ont obtenu quelques-uns de ses précieux ossements. Aujourd'hui encore les pèlerins viennent en l'église de Mille-Savattes (Orne), prier saint Contest pour leurs enfants malades.”

     

    Saint Gaud (31 janvier) : En l'an de grâce 1131, les paroissiens de Saint-Pair, près Granville, voulurent, à la prière de Gautier, leur curé, reconstruire le clocher de leur église qui tombait en ruines. Les ouvriers qui creusèrent les fondations mirent à découvert un cercueil en pierre de Sainteny. Le sarcophage contenait un cadavre en parfait état de conservation. La tête reposait sur une pierre portant cette inscription : Ici repose le bienheureux Gaud, évêque. Quel était ce saint ? Après la mort de saint Taurin, premier évêque d'Evreux, la ville fut complètement détruite par les barbares et le siège demeura vacant. Un des principaux habitants de la région, nommé Waldus, dont nous avons fait Gaud, voulut rétablir une chrétienté. La paix relative qui suivit la défaite des Huns et des Wisigoths, favorisa ses desseins. Ce laïc missionnaire alla prier Germain, archevêque de Rouen, de donner un nouveau pasteur à son église. Le prélat se rendit à Evreux en compagnie de saint Ereptiole, évêque de Coutances, et de saint Sigisbolde, évêque de Séez. Nommé évêque par les acclamations du peuple et du clergé, Gaud fut immédiatement sacré. La soif du salut des âmes le fit travailler avec un zèle dévorant à détruire les restes de l'idolâtrie et à reconstituer des groupes de fidèles. Les luttes entre les Francs, commandés par Clovis, encore païen, et les derniers Romains menaçaient la sécurité du pays. Brisé par les travaux et accablé par la vieillesse, Gaud remit le fardeau de l'épiscopat à Marusius son disciple et se retira non loin de la ville, là où s’est élevée la chapelle Sainte-Marie de Gaud. Bientôt il gagna la solitude de Scissy, nouvelle Thebaïde où se trouvaient plusieurs saints religieux, Pair, Senier et Scubilion. Plein d'années et de mérites il rendit son âme à Dieu le 31 janvier 491 et fut enterré dans le pieux oratoire, où l'on voyait encore son tombeau en 1740. Non loin de Saint-Pair se trouvent une chapelle et une fontaine Saint-Gaud, très vénérées des pèlerins. Son culte est répandu dans les diocèses de Coutances, d'Evreux et de Baveux. L'abbaye de Cordillon, en la paroisse de Lingèvres, possédait des reliques de ce saint. 

     

    Saint Sever (1er février) : Saint Sever naquit au Ve siècle, dans le pays de Coutances. L'indigence força ses parents à le mettre au service de Corbecenus, chef des Saxones Bajocassini, qui avait autorité sur le Bessin et le Val de Vire. Le jeune homme fut chargé de la garde des écuries dans un centre de chasse que possédait son maître sur les bords de la Vire et de la Beuvrogne. D'une vie austère, Sever donnait le peu qu'il avait aux plus pauvres que lui. Sa confiance sans bornes en la Providence lui suggéra des audaces téméraires, si Dieu n'avait pris soin de les justifier. N'ayant plus rien à lui, il donne à une pauvre vieille une des juments confiées à sa garde. Irrité, Corbecenus fait mettre la pauvresse avec l'animal sous bonne garde et compte le troupeau. Par la grâce de Dieu, le nombre est trouvé juste. Un jour que, selon sa coutume, il avait donné ses habits aux malheureux, son maître, fatigué de les remplacer, le renvoie presque nu dans la campagne. C'était l'hiver et la neige tombait à gros flocons. Transi de froid, épuisé de fatigue mais fort de sa confiance en Dieu, Sever tombe dans la neige et s'endort. Ses cavales viennent lui faire un rempart de leur corps et le réchauffer de leur haleine. Les dimanches, le jeune pasteur allait prier dans l'église Saint-Martin-de-Sept-Frères ou dans la chapelle voisine de Saint-Quentin. Il fichait sa houlette au milieu de la plaine pour servir de ralliement à son troupeau. Un jour le bâton prit racine et devint avec l'âge le plus bel arbre de la forêt. Emu de tant de merveilles, Corbecenus demanda le baptême. Sever fut son catéchiste et son parrain. Le nouveau converti donna à son parrain un emplacement pour bâtir un monastère. Bientôt il y eut grande affluence. Sever reçut les ordres et fut le premier supérieur de la communauté. A la mort de saint Senier, évêque d'Avranches, le pieux cénobite fut par acclamation nommé son successeur. Le saint hésita d'abord puis s'inclina devant la volonté de Dieu. Compatissant pour les misères humaines, miséricordieux pour les pécheurs, tout brûlant du salut des âmes, il changea la face de son diocèse en établissant solidement le royaume du Christ sur les ruines du paganisme. L'âge, les fatigues le forcèrent d'abandonner le fardeau de l'épiscopat. Il se retira dans son monastère, où il mourut le jour qu'il avait annoncé, vers, 570. Il fut enterré dans l'église conventuelle dédiée à la Sainte Vierge. Sa sainteté éclata par de nombreux miracles opérés sur son tombeau. Vers 950 des pèlerins de Rouen, revenant du Mont Saint‑Michel, passèrent par ce lieu et furent touchés de son presque complet abandon malgré les miracles qui s'y étaient accomplis. Avec la permission de Hugues II, leur évêque, et de Richard Sans-Peur, duc de Normandie, ils entreprirent d'enrichir des reliques du saint la capitale du duché. Ils levèrent le corps et se mirent en route. Ils firent halte à Préaux, près Evrecy, dont ils ne purent repartir qu'après s'être engagés à élever une église ou une chapelle dans tous les endroits où ils s'arrêteraient. Le terme de leur voyage fut Emendreville, faubourg de Rouen. Une église y fut édifiée. Elle a été plusieurs fois reconstruite, mais le culte de saint Sever dont elle a pris le nom, n'a cessé d'y être en honneur.”

     

    Sainte Honorine (27 février) : Sainte Honorine est plus connue par son culte que par sa vie, sort commun à beaucoup de saints des premiers siècles. Il subsiste deux centres de dévotion à cette vierge : un coin du Bocage Normand, où probablement elle vécut, et les rives de la Basse-Seine où errèrent ses reliques. De son histoire un seul document authentique nous reste : le vieux martyrologe Normand-Sénonnais conservé à la Bibliothèque nationale. Nous y lisons : “Le six des calendes d'avril, au pagus des Bajocasses, dans un vicus nommé Colonica, mort île la vierge Honorine”. Divers auteurs traduisent ce mot par Coulonces. Au XIVe siècle, une paroisse voisine, Saint-Martin-de-Tallevende" possédait une chapelle dédiée à Sainte-Honorine. Dans un voisinage plus ou moins éloigné nous trouvons les églises de Sainte-Honorine-de-Bény, Sainte-Honorine-la-Chardonne, Sainte-Honorine-la-Guillaume, Sainte-Honorine-de-Chailloué, ces trois dernières au diocèse de Séez. Une difficulté, surgit : Coulonces ne faisait pas partie de l'ancien Bessin. En admettant une faute de copiste on pourrait lire Bolonica, c'est-à-dire Boulon, dont la paroisse voisine, Mutrécy, est sous le vocable de Sainte-Honorine. Pendant la persécution de Dioclétien qui ouvrit en 284 l’Ere des Martyrs, des officiers de l'empereur saisirent la vierge Honorine et la sommèrent de sacrifier aux idoles. Sur son refus opiniâtre elle fut condamnée au feu, supplice alors réservé aux magiciens. Aux yeux de ces païens les saints thaumaturges étaient réputés comme tels. Ses ossements calcinés furent transportés à Honfleur et jetés dans la Seine pour éviter la profanation. La marée montante les porta à Graville, où ils furent recueillis et déposés dans un cercueil de pierre. Vers 841 les Normands remontent la Seine en semant la dévastation. Le clergé de Graville enlève les reliques du sarcophage et les transporte à Conflans, où les moines du Bec leur érigèrent au Xe siècle une magnifique église. Une chapelle bâtie au fond d'un vallon, dominé par une côte dénommée Sainte-Honorine, en la paroisse de Mélamare, sur l'ancienne voie de Lillebonne à Harfleur, a fait, sans autres raisons, considérer ce lieu comme le théâtre de son martyre. Nous trouvons encore son patronage à Sainte-Honorine-des-Pertes, Sainte-Honorine-du-Fay, Sainte-Honorine-de-Ducy, Sainte-Honorine-la-Chardonnette et Ammeville, au diocèse de Bayeux, et à Andreville-la-Hubert au diocèse de Coutances. Les paysans du Bessin invoquaient jadis sainte Honorine contre la fièvre. Un sceau du XlIe siècle, représente la sainte debout, tête nue, en bliaud très ajusté à longues manches, tenant en main un fleuron et un livre ouvert. ”

     

    Saint Frambold (5 mars) : Saint Frambold, quinzième évêque de Bayeux, n'a rien de commun avec saint Frambold, abbé, qui donna son nom à la célèbre collégiale de Senlis et dont le culte est répandu dans les diocèses du Mans et de Séez. Nous ne connaissons rien de précis sur la vie et les œuvres du pontife bayeusain. Il est resté au cours des siècles de profondes impressions, de sa sainteté. L'historien Robert Céneau, évêque d'Avranches, dit que saint Frambold eut une réputation de sainteté éclatante. Au XIIIe siècle il fut peint avec l'auréole aux voûtes, de la cathédrale de Bayeux et son nom se trouvait dans les grandes litanies. Tous les historiens locaux qui citent son nom placent son épiscopat entre celui de saint Gerbold, mort vers 695, et celui de saint Hugues, sacré vers 720. Ce saint était originaire du Bessin et il fut inhumé dans la crypte de l'église Saint-Exupère. Son tombeau fut retrouvé en 1853, mais il resta quelques doutes sur son authenticité et sur l'identité des ossements qu'il renfermait. Saint Frambold était invoqué de temps immémorial dans l'église de Manneville, dont il était titulaire. Cette paroisse, réunie à Banneville-la-Campagne, a une très haute antiquité. On y a trouvé de nombreux cercueils en pierre renfermant des objets de l'époque mérovingienne. La paroisse fut supprimée par le Concordat et pour cette cause il y eut interruption dans le culte du saint, mais la tradition demeura vivace. Lors de la réforme de la liturgie bayeusaine en 1860, le Saint Siège s'opposa d'abord à la reprise du culte, mais un décret du 13 juin 1861 permit d'honorer solennellement saint Frambold, dans notre diocèse. 

     

    Saint Hugues (9 avril) : Les églises de Rouen, Paris et Bayeux, les abbayes de Fontenelle (Saint-Wandrille) et de Jumièges ont honoré saint Hugues d'un culte spécial. Les anciens auteurs nous fournissent des données certaines sur sa vie et son nom figure dans la plupart des martyrologes. S'il est presque oublié dans le diocèse de Bayeux dont il a été évêque, c'est que probablement il n'y a jamais résidé. Son origine fut illustre : il eut pour père Drogon, due de Bourgogne, fils de Pépin d’Héristal, maire du palais, et pour mère Anstrude, fille de Varaton, autre maire du palais. Né vers 689, il fut élevé dans la piété par Ansflède, son aïeule maternelle. À la mort de son père, en 713, il donna à l'abbaye de Fontenelle, son domaine de Virlay au pays de Talou. Il abandonna son bénéfice de primicier de l'église de Metz pour se faire moine à Jumièges, où il fit profession en 718. En peu d'années il fut nommé archevêque de Rouen, évêque de Paris, évêque de Bayeux, abbé de Fontenelle et abbé de Jumièges. Cinq gros bénéfices, cinq mitres sur une seule tête paraissent chose incompatible avec les canons de l’Eglise, qui prohibent la pluralité des bénéfices. C'était au temps de l'autocratie de Charles Martel, oncle de Hugues, qui voulait maintenir la situation de son neveu, trop prodigue envers les églises et les monastères. Et le Père Anselme, dans son Histoire Généalogique de la Maison de France, nous apprend que Hugues fut jeté en prison pour avoir résisté à la volonté de ce Martel qui écrasait tous ses adversaires. D'ailleurs, l’élu porta sans fléchir un tel fardeau. Aidé de sages et habiles procureurs, il gouverna dignement ses diocèses et abbayes, consacrant ses revenus au soulagement des pauvres et à l'entretien des églises. Sur la fin de sa vie, il se retira en son abbaye de Jumièges, où il mourut en simple religieux, le 9 avril 730. Les moines l'inhumèrent dans l'église conventuelle et lui érigèrent un superbe mausolée. A l'époque de l'invasion des Normands son corps fut transféré à Aspres, au diocèse de Cambrai, où il était conservé dans une chasse d'argent. Dans la suite une partie de ses reliques fut restituée à Jumièges et un inventaire de 1555 nous apprend que la cathédrale de Rouen possédait un bras de ce saint. En mourant, le saint avait légué à Saint-Wandrille. un calice d'or du poids de six livres, une chape d'or enrichie de pierreries et contenant des reliques des saints. Baudry de Dol a écrit sa vie, mais elle fourmille d'erreurs. Le commentaire historique des Bollandistes (Avril, tome I, p. 843) est la plus sûre mine de renseignements. ”

     

    Saint Pair (16 avril) : Saint Pair est un des rares saints de l'église primitive qui Possède une biographie authentique. Fortunat, évêque de Poitiers, écrivit la vie de son contemporain dont le manuscrit 168 de la Bibliothèque d'Avranches renferme une copie du XIIIe siècle. Saint Pair naquit à Poitiers. Devenue veuve, sa mère, Julitte lui fit donner une éducation soignée. Tout jeune encore, le futur saint entra au monastère d’Ansion, aujourd'hui Saint-Jouïn-de-Marnes, où il se lia d'amitié avec Scubilion, un peu plus âgé que lui. Désirant une vie plus parfaite, les deux amis voulurent gagner une des Iles de la Manche, centre florissant de la vie érémitique. Arrivés sur les bords de la mer aux confins des diocèses de Coutances et d'Avranches, dans un lieu nommé Scissy, un saint homme les arrêta, leur demandant d'évangéliser le pays encore idolâtre. Les deux solitaires s'établirent dans une grotte qui fut l'embryon d'un célèbre monastère. Ordonné prêtre par Léontien, évêque de Coutances, Pair fut l'apôtre du Cotentin, de l'Avranchin, du Maine, du Bessin et du pays de Rennes où il établit de nombreuses communautés. Agé de 70 ans, un jour qu'il était à Scissy, une vive lumière inonda sa cellule. Alors lui apparurent, trois saints évêques, morts récemment : Melantius, de Rennes, Léontien, de Coutances, et Vigor, de Bayeux. Ils lui prédirent que bientôt il serait évêque. A la mort d'OEgidius, évêque d'Avranches, Pair, influencé par ce songe, pressé par le peuple et par le, roi, accepta l'épiscopat. Après treize ans d'un ministère fécond, le vieil évêque voulut revoir sa chère cellule de Scissy et son vieil ami Scubilion, alors abbé de Mandane, mais la mort l'arrêta le 16 avril 562. Scubilion rendit au même instant son âme à Dieu. Et pendant que Lô, évêque de Coutances conduisait à Scissy la dépouille de saint Pair, Lascivius, évêque de Bayeux, y conduisait les restes de saint Scubilion. Les convois se rencontrèrent et les deux amis furent inhumés dans des sarcophages en pierre de Sainteny, d'où ils furent exhumés en 1131 par Gautier, curé de Scissy, alors dénommé Saint Pair. Un hameau de la paroisse de Longueville, dépendant de l'abbaye de Cérisy, se nomme les Madats. Un petit village existe entre Caumont et Sept-Vents, nommé Mandane. Le culte de saint Pair est très répandu huit églises du diocèse de Coutances l'honorent comme patron : Gerville, Morville Digulleville, Marcey, Ducey, Saint-Pair, Sartilly et Saint-Pois. Dans le diocèse de Bayeux, nous trouvons son patronage à Saint-Pair, près Troarn, Saint-Pair-du-Mont, Quatre-Puits, réuni à Vieux-Fumé, Ernes et Lieury. Ces trois dernières communes sont presque voisines, ce qui pourrait indiquer une évangélisation du saint dans cette région. Précurseur des moines civilisateurs, Pair comprit qu'il devait être apôtre et joindre à la vie contemporaine du solitaire la vie active du missionnaire. 

     

    Sainte Opportune (22 avril) : Au IXe siècle saint Adelin écrivit les actes de sainte Opportune. C'était un ex-voto en l'honneur de la sainte : grâce à son intercession, le biographe avait échappé aux Normands, dont il était prisonnier. Le père d'Opportune était comte d'Exmes, capitale de l'ancien pays d'Hiémois. Elle appartenait à une famille de saints ; elle eut pour tante, sainte Lanthilde, abbesse du grand monastère d'Almenèches, pour oncle saint Frogent, archidiacre, et pour frère saint Godegrand, évêque de Séez. Toute jeune, elle voulut se consacrer à Dieu et entra dans le petit monastère d'Almenèches, où la règle était rigoureuse. Elle y reçut le voile des mains de saint Lohier, évêque de Séez. L'abbesse du couvent étant venue à mourir, les religieuses élirent Opportune qui d'abord résista, mais finit par céder à leur désir. Elle gouverna parfaitement la maison très austère pour elle, très compatissante pour ses subordonnées. Elle déploya une grande habileté dans l'éducation des novices, tempérant sans faiblesse la justice par la miséricorde. Le temporel du couvent était pour elle une cause de souci. Elle craignait que sa trop grande pauvreté ne donnât aux religieuses des tentations de violer la clôture et de posséder quelque chose en propre. Sa maison devint très florissante. Godegrand, frère d'Opportune, étant parti en Palestine, fut supplanté par son archidiacre Chrodobert, qui réussit à se faire sacrer évêque. Après sept ans, le vrai pontife rentra et rétablit l'ordre, mais l'intrus le fit assassiner à Nonant, pendant qu'il visitait son diocèse. La sainte abbesse prit soin de sa sépulture et le fit solennellement inhumer dans son monastère. Cette mort lui causa une grande douleur ; elle mourut le 22 avril 770 et fut enterrée auprès de son frère. Pour les soustraire à la fureur des Normands ses restes furent transférés à Moussy, au diocèse de Meaux, où il s'opéra de nombreux miracles. Robert de Thorigny nous apprend qu'en 1076, Roger de Montgomeri rebâtit le monastère de sainte Opportune, détruit par les barbares. Ses restes, divisés, étaient honorés en l'église du Moutierneuf, à Poitiers, à la Trinité de Vendôme, à Sainte-Opportune de Paris, où des vitraux et des tapisseries retraçaient la vie de la sainte. Une parcelle fut transportée de Rouen au prieuré de Saint-Himer (Calvados), en 1756. Son culte est très répandu dans le diocèse de Séez. Elle était patronne de l'église Sainte Opportune, au canton d'Athis (Orne), donnée vers 1125 à l'abbaye du Val (Calvados) Quatre anciennes paroisses du diocèse d'Evreux, remontant au IXe siècle, l'ont pour patronne : Sainte-Opportune, près Vieux-Port, Sainte-Opportune-du-Bosc, Sainte-Opportune-la-Campagne et Sainte-Opportune, près Rugles. Almenèches lui a élevé une statue en fonte, bénie le 8 avril 1901, par Monseigneur Bardel. L'abbaye de Sainte-Opportune possédait, au diocèse de Bayeux, les églises de Moult, Cinq-Autels, Saint-Germain-de-Montgommery et Saint-Sylvain. 

     

    Saint Marcouf (1er mai) : Après leur sacre à Reims, les rois de France se rendaient en pèlerinage à Corbény (Aisne), pour honorer les reliques de saint Marcouf. Il s'y trouvait une multitude de scrofuleux, accourus pour obtenir leur guérison. Le roi traçait le signe de la croix sur leur front, en disant : Le roi te touche, Dieu te guérit. Et cet attouchement faisait merveille. C'était, rapporte Guillaume de Nangis, une grâce singulière accordée aux rois de France. Une simple habitation de la rue de la Poterie à Bayeux, porte cette inscription : Ici naquit vers la fin du Ve siècle S. Marculphe, abbé de Nanteuil, mort le 1er mai DLVIII. Cette maison a remplacé l'opulente demeure qui fut le berceau du saint. Né en 488 d'une riche famille franque, il reçut une éducation soignée. Orphelin de jeune âge, il distribua sa fortune en aumônes et vint se mettre sous la direction de saint Possesseur, évêque de Coutances. Celui-ci l'ordonna prêtre à l'âge de 30 ans et lui confia l’évangélisation du Cotentin. La sainte vie du missionnaire, confirmée par de fréquents miracles, lui fit opérer de nombreuses conversions et lui attira des disciples, dont les plus célèbres furent Cariulphe (Crioult) et Domard. Le saint les établît dans un monastère qu'il fonda à Nanteuil, devenu Saint-Marcouf de l'Isle, sur une terre aumônée par le roi Childebert. Amant de la solitude, Marcouf se retira d'abord seul dans une île nommée Duolimones, aujourd'hui Saint-Marcouf, puis dans l’île d’Agna (Herm), près de Guernesey. Un jour une bande de pirates anglo-saxons, débarqua dans l'île. “Prenez vos armes, dit Marcouf, aux indigènes effrayés, et combattez avec confiance”. Et pendant que le saint priait, une poignée de pêcheurs repoussait une bande de pirates dans la mer, où une tempête les engloutit. Bientôt Marcouf fut envoyé à Jersey, vrai repère de brigands. Il convertit ces écumeurs de la mer, et y fonda, sous la direction de saint Hélier un monastère qui fut l’origine de la ville de ce nom. L'ardent missionnaire épuisé de fatigue revint mourir dans son abbaye de Nanteuil, où saint Lô, évêque de Coutances, l'inhuma le 1er mai 558. De nombreux miracles illustrèrent son tombeau, et saint Ouen, archevêque de Rouen leva son corps en 667. Au IXe siècle, les Normands obligèrent les moines de Nanteuil à se réfugier à Corbény, auprès du roi Charles III, qui leur donna son château pour en faire un monastère. De là l'origine du pèlerinage. Le culte de saint Marcouf est très répandu dans les pays d'origine franque. Des pèlerinages existent à Aix-la-Chapelle, Anvers, Bruxelles, Maëstricht, Corbény, Reims, Soissons, Mantes, Blois, Angers, Le Mans, Saint-Sever, etc. Il est patron de Saint-Marcouf de l'Isle et de la Haye-Comtesse (Manche), de Saint-Marcouf du Rocher et du Bu-sur-Rouvres (Calvados) ; il est second patron de Norrey, la Bigne, Clermont-en-Auge (réuni à Beuvron), Varaville, Saint-Loup de Bayeux, etc. L’ancien doyenné de Honfleur possédait sept lieux de pèlerinage que le peuple désignait sous le vocable des sept frères Marcouf : c'étaient Sainte-Catherine et Saint-Léonard de Honfleur, Equemauville, Pennedepie, Equainville, Quetteville et Bonneville-la-Louvet. L'église de Coulonces était le siège d'une, confrérie célèbre en l'honneur de ce saint, et celle de Saint-Contest possède une parcelle de ses ossements. Un ancien chemin partant de l'Orne au passage du moulin de Brie, et passant entre les communes d'Ouffières et de Goupillières pour gagner La Caisne, porte le nom de sente Saint Marcouf. Une inscription placée sur l'un des piliers de l'église Saint-Sauveur de Caen, rappelait que saint Ouen, transférant les reliques de saint Marcouf, s'y était arrêté. Vers 1810, l'abbé De La Rue, composa une nouvelle inscription pour remplacer l'ancienne, grattée sous prétexte de restauration, mais il ne s'est encore trouvé personne pour la faire apposer. 

     

    Saint Céneri ou Célerin (1er mai) : Italien de naissance Sérénic, communément appelé Céneri ou Célerin, est normand par sa vie et ses oeuvres. Ses actes prouvent par leur contenu qu'ils sont antérieurs aux invasions des Normands. Nous trouvons son office dans un bréviaire manuscrit de Lisieux écrit au XVe siècle et dans le missel du Mans édité en 1494, et nous savons qu'il était depuis des siècles honoré dans les diocèses de Séez, Angers, Evreux et Bayeux. Au début du VII siècle, de riches patriciens de Spolète voyaient leurs fils Sénéric et Sérénède, grandir en science et en vertu. A l’âge d'adolescence les deux frères vinrent à Rome revêtir l'habit de Saint-Benoît au monastère du Vatican. Bientôt, répondant à un secret appel de Dieu, ils franchissent les Alpes, visitent les églises et les monastères du Nord de la France et s'arrêtent près d'un bourg nommé Saulge au diocèse du Mans. Sérénic y laisse son. frère et gagne le pays d'Hiesmes au diocèse de Séez. Là il découvre une grotte qui lui semble être le lieu béni où le Seigneur l'appelait. Pour y parvenir, il fallait traverser une rivière profonde et torrentueuse. Le saint fait le signe de la croix, les eaux se séparent et il passe hardiment ; mais son jeune disciple, Flavart, tremble à la vue des ces muraille liquides et grondantes et laisse tomber le livre qu'il portait. Neuf ans plus tard une lavandière le retrouva intact au fond des eaux. Sérénic bâtit une cellule puis un monastère où il réunit 140 religieux. Avec l'aide de saint Milehar, évêque de Séez, il éleva une église qu'il dédia à saint Martin, évêque de Tours. Il mourut le 7 mai ~669 et fut enterré dans cette église qui plus tard prit son nom. Les pèlerins vinrent nombreux prier à son tombeau. Par crainte des normands, ses reliques furent transportées à Château-Thierry, où son culte est en honneur. L'assemblée profane qui se tient le 7 mai à Caorches (Eure), n'est que la laïcisation d'un ancien pèlerinage à ce saint. Au diocèse de Séez, il est patron de Champecie (campus Cereni), de Saint-Céneri réuni à Aunou, d'Aubusson, Colonard et Saint-Céneri-le-Géré, dont l'église a été rebâtie en 1050 au-dessus de son .tombeau. Des peintures y retracent sa vie et une chapelle voisine abrite le bloc de granit qui lui servait de lit. Au diocèse de Bayeux, saint Céneri est patron principal de Meslay, patron secondaire de Gouvix, Sermentot et Roucamps. La tradition rapporte que le saint a évangélisé cette dernière paroisse et s'est désaltéré à une source toujours vénérée. Ne serait-ce pas plutôt un de ses disciples qui, ayant choisi pour retraite les bois d'Origny à Roucamps, aurait bu et même baptisé à cette fontaine ? Le pèlerinage est très ancien : le vieil oratoire portait la date de 1522. Une nouvelle chapelle a été bénie le 28 avril 1863. Chaque année le mois de mai et spécialement le jour de l'Ascension y amènent une nombreuse affluence. On y apporte surtout les enfants qui tardent à se développer et à marcher où qui souffrent des maladies de la peau. Les nombreuses légendes qui se racontent dans la région montrent la grande popularité de ce culte. 

     

    Saint Annobert (16 mai) : Saint Annobert est une des gloires du diocèse de Séez, dont il fut évêque et du diocèse de Bayeux où il réforma et fit fleurir plusieurs monastères. Mabillon le fait originaire du Bessin, d'autres historiens lui donnent le Mans pour patrie ; mais tous s'accordent à dire qu'il fut instruit par saint Hadouin, évêque du Mans, qui tenait une école où les clercs écrivaient la vie des saints. A la mort de son maître, Annobert, qui avait reçu le sacerdoce, se retira au monastère d'Evrecy. Cette maison avait été fondée par l’ermite Chédulfe, qui, voyant les mérites du novice en fit son confident. Il l'envoya en 670 auprès du roi Childebert II pour traiter une question concernant le culte de la Sainte Vierge. Le roi sur le point de partir à la chasse renvoya l'affaire aux calendes grecques. Or il arriva qu'un cerf qu’il poursuivait se réfugia auprès d'Annobert qui célébrait la messe dans une chapelle voisine. Frappé de cette coïncidence le monarque accorda la faveur demandée. Sur ses entrefaites, Baudry avait succédé à Chédulfe dans le gouvernement du monastère d'Evrecy, et le relâchement s'y était introduit à cause de son ignorance et de son manque d'énergie. Annobert, en étant devenu abbé voulut rétablir la discipline ; ce fut la révolte. Le peuple chassa les moines séditieux, mais l'abbé les rappela, leur pardonna et les ramena à' la pratique de la règle de saint Benoît. Vers 683, saint Gerbold, évêque de Bayeux, ancien élève du monastère d'Evrecy, voulut remplacer la règle canoniale par la règle bénédictine dans son monastère de Deux-Jumeaux. A sa prière Annobert y envoya plusieurs de ses moines qui y établirent la réforme demandée. Après avoir passé 30 ans à Evrecy, le saint abbé se retira avec un de ses religieux, nommé, Turpin, dans une solitude près de Séez. L'an 686 il fut nommé par acclamation évêque de ce diocèse et forcé d'accepter par l'ordre de Thierry III, roi de Neustrie. Il avait, disent ses actes, un aspect évangélique et ses paroles émouvaient jusqu'aux larmes. Dans une famine il sacrifia tout pour secourir ses diocésains. Saint Evremond, son parent, qu'il avait rencontré à la Cour, était revenu à Bayeux, sa ville natale, où il dépensait sa fortune à construire des églises et des monastères. L'évêque de Séez lui envoya Fortunat, son archidiacre pour l'engager à venir dans son diocèse. Il l'ordonna prêtre et lui donna la bénédiction abbatiale à Montmerrey. Il fut aussi l'aide de saint Evroult dans la fondation de l'abbaye d'Ouche. En 689 Annobert. signa au concile de Rouen avec ses amis saint Gerbold et saint Aquilin. Plein de mérites il mourut le 16 mai vers 705. Bientôt son corps fut levé et son culte organisé. La cathédrale de Séez tombant en ruines, les chanoines prirent les reliques et, selon la coutume, les portèrent de province en province pour exciter la charité des fidèles. Pétronille, abbesse de Morienval près Senlis, reçut les pèlerins et la volonté de Dieu indiqua que la chasse devait rester là. C'était en 1122. L'an 1745 une partie des reliques fut portée à l'abbaye du Parc aux Dames, où jusqu'à la Révolution saint Annobert était grandement honoré. En 1757 le Père Créaux, capucin, publia une curieuse vie de ce saint. 

     

    Saint Patrice (24 mai) : Le procès-verbal d'une visite des reliques de la cathédrale de Lisieux en 1055, mentionne les reliques de Saint Patrice, évêque et confesseur. Il ne peut s'agir, comme plusieurs l'ont prétendu, de saint Patrice d'Irlande, inhumé en l'église Sainte-Trinité de Douvre, où son corps ne fut retrouvé qu'en 1185. La tradition d'un saint Patrice, évêque de Bayeux est, à défaut d'actes authentiques parfaitement établie à partir du XVe siècle. D'après un état des tombeaux de l'église Saint-Exupère, dressé en 1679, le cercueil de saint Patrice reposait alors devant l'autel de la Sainte Vierge. Retrouvé en 1853, la commission n'osa se prononcer sur son authenticité. Les ossements qu'il contenait appartenant à plusieurs individus. Par crainte puérile des dénicheurs de saints, plusieurs évêques de Bayeux, mal informés, n'osèrent conserver l'office de saint Patrice de Bayeux dans le bréviaire diocésain. Cependant les historiens les plus autorisés l'abbé Chastelain dans son martyrologe de 1709, les auteurs du Gallia Christiana, Le Prévost dans son Histoire des saints patrons du diocèse de Lisieux affirment sans hésitation que le saint Patrice de Lisieux est identiquement le même que celui de Bayeux. Aussi Monseigneur Didiot a rendu à son antique prédécesseur la place qui lui appartenait dans le propre du diocèse. Saint Patrice naquit de parents fortunés dans le faubourg de Bayeux, qui porte maintenant son nom. Il transforma en église la maison paternelle et donna tous ses biens à la cathédrale, où furent fondés les prébendes canoniales de Saint-Patrice et de Vaucelles. Il est vraisemblable, sinon certain, que saint Patrice fut inhumé dans la crypte de Saint-Exupère auprès de ses prédécesseurs. Survinrent aux IXe et Xe siècles les invasions des Normands. Pour les soustraire à la profanation, le clergé emporta ses reliques qui furent après quelques pérégrinations déposées en la cathédrale de Lisieux, qui les posséda jusqu'à la Révolution. L'office de saint Patrice se célèbre le 24 mai dans le diocèse de Bayeux. 

     

    Saint Manvieu (28 mai) : Au XVIIIe siècle une maison de la rue Franche à Bayeux portait encore cette inscription : En ce lieu fut né Monsieur Saint-Manvieu. La date de sa naissance est fort incertaine. Ses parents, qui étaient chrétiens et probablement de grands fonctionnaires, le firent élever selon leur rang et leurs croyances. C'était alors l'époque où les barbares trouvant l'Empire Romain sans défense effective, désolaient notre pays. Manvieu, encore jeune, usa de son influence et de sa fortune pour délivrer les captifs et fournir le nécessaire aux victimes des invasions. Le christianisme, alors dans sa robuste jeunesse, inspirait aux grandes âmes, dégoûtées de la politique, l'amour de la solitude. La religion était concentrée dans les monastères, d'où elle se diffusait parmi le peuple des campagnes, encore à demi barbare et sacrifiant à toutes les divinités des envahisseurs. Vers 560, Manvieu se retira dans un de ses domaines situé non loin de sa ville natale. Au manoir de Vaucelles, près Bayeux, existait dès le XIIIe siècle une chapelle dédiée à saint Manvieu, qui pourrait avoir succédé à l'ermitage. Cette hypothèse aplanit toutes les difficultés topographiques. Trois disciples vinrent bientôt se joindre à lui. L'un étant mort subitement, Manvieu par ses prières obtint de Dieu sa résurrection. A l'exemple des moines du temps il parcourait les campagnes pour asseoir le christianisme sur les ruines du paganisme tombant en désuétude. Dans une de ses courses apostoliques il rendit la vie à un mort. Ce prodige remplit le peuple d'admiration et ses concitoyens décidèrent qu'aucun esclave ou criminel, ne passerait sans être libéré, dans la rue où était la maison natale de l'ardent missionnaire, ce qui lui a valu le nom de Franche-Rue. Saint Patrice, évêque de Bayeux étant venu à mourir, les suffrages du clergé et du peuple se portèrent sur Manvieu, qui, voyant en ce témoignage la volonté de Dieu, accepta l'épiscopat. Evêque, il continua sa vie d'ardent missionnaire, il sacrifia tout pour le salut des âmes. D'un très grand âge, une maladie prélude de sa fin, vint l'accabler : il résista pendant 47 jours ayant pour unique aliment la Sainte Eucharistie. Il succomba le 28 mai, vers l'an 480 et fut enterré auprès de ses prédécesseurs dans l'église Saint-Exupère de Bayeux. Lorsqu’en 1853 Monseigneur Robin fit ouvrir son tombeau, les médecins constatèrent à l'inspection de ses os, qu'il. était d'une haute stature et parvenu à un âge voisin de la décrépitude. Le 4 septembre 1892, Monseigneur Hugonin fit la translation solennelle des restes du saint. Les fidèles venaient prier à son tombeau pour leurs besoins et spécialement pour la guérison des fièvres. Après la mort de Nicolas du Bosq, évêque de Bayeux, en 1408, le chapitre célébra l'office de saint Manvieu, rite semi-double à neuf leçons afin d'obtenir un digne successeur. Dans le diocèse de Coutances, saint Manvieu est patron de Gonfréville, Vandrumesnil et Marchésieux. Ce fut le curé de cette dernière paroisse qui donna communication au P. Labbe, de la vie que les Bollandistes ont insérée dans leur recueil. Les paroisses de Saint-Manvieu, près Caen, Longueville et Meuvaines sont sous le patronage de saint Manvieu. Il est titulaire mais non patron de Saint-Manvieu-Bocage. L'église de Meuvaines possède deux statues de son patron, une de style roman archaïque, dans une des arcatures du portail, et une autre du XVIIe siècle dans un des transepts. 

     

    Le Bienheureux Lanfranc (28 mai) : Un jour, Guillaume le Conquérant rencontra un homme qui eut l'audace de lui résister. Le génie du duc-roi sut faire de ce fort adversaire un ami puissant. Cet homme était Lanfranc. Né à Pavie en 1003 de famille sénatoriale, il étudia à Bologne et se fit bientôt remarquer par sa science du droit. Venu en France, il triompha de l'hérétique Bérenger, ce prédécesseur de Luther, qui tenait alors la fameuse école de Saint-Martin de Tours, lui enleva ses meilleurs élèves et s'établit à Avranches, où il fut entouré d'une multitude de disciples. La gloire lui fut à charge et il se mit à la recherche d'un monastère où il pourrait vivre inconnu. La Providence le conduisit à l'abbaye du Bec que construisait l'abbé Herluin (1041). La renommée l'y suivit : les clercs, les grands seigneurs, les professeurs même y accoururent pour entendre ses leçons. Ayant été envoyé à Saint-Evroult, il devint prieur du monastère naissant. Guillaume le Conquérant qui l'avait bien jugé, en fit son conseiller. Il le chargea de plusieurs missions difficiles, spécialement de régulariser son mariage avec Mathilde, fille de Beaudouin, comte de Flandre. La dispense fut accordée par le pape Nicolas II, sous promesse de créer à Caen deux monastères, l'un d'hommes, l'autre de femmes. Aussitôt que l'abbaye de Saint-Etienne fut établie, Lanfranc en fut nommé abbé. Il y fonda une école qui devint aussi fameuse que celle du Bec. Il s'y forma des architectes auxquels nous devons les églises romanes édifiées dans les dépendances ou dans le voisinage du monastère : Saint-Étienne et Sainte-Trinité de Caen, les grandes églises rurales de Ouistreham, Cheux et Secqueville-en-Bessin, les moyennes églises de Mouen et de Biéville et celles, moins importantes, de Colombelles et de Beuville. En 1067 Lanfranc refusa le siège archiépiscopal de Rouen qui lui était offert, mais en 1070 il dut céder aux ordres de l'abbé Herluin, aux prières de son ami Nicolas Coquin, prieur du Plessis-Grimoult, et à l'autorité de deux conciles qui le nommèrent archevêque de Cantorbéry. En qualité de Légat du pape, il réforma les diocèses d'Angleterre dont il était primat et rétablit dans les monastères l'étude des sciences et des arts. Il couronna roi d'Angleterre Guillaume le Roux, fils de Guillaume Le Conquérant (1082). Il mourut le 28 mai 1087 et fut inhumé dans sa cathédrale. Milon Crespin, moine du Bec, son contemporain, a écrit sa vie. Les moines de Cantorbéry célébraient son anniversaire avec toute la pompe due à un saint. Bien qu'aucun culte public n'ait jamais été autorisé, les populations s'inclinant devant son génie, dépensé tout entier pour la défense et la grandeur de l'Eglise, ont proclamé Lanfranc bienheureux. Il fut l'homme nécessaire à cette époque pour allier les choses les plus discordantes et transformer des hommes encore barbares en peuple civilisé. 

     

    Saint Ortaire (29 mai) : En l'an 1637, Dom Pierre Pecquet, sous prieur et bibliothécaire du monastère du Plessis-Grimoult, fut chargé de prêcher la fête de saint Ortaire en l'église d'Etavaux, près Caen. N'ayant aucune donnée sur ce saint local, le prédicateur s'adressa au curé qui lui présenta une vie du saint, copiée sur un vieux lectionnaire conservé dans l'église de la Bazoque (Eure). Dom Pecquet l'envoya aux Bollandistes qui l'ont admise comme authentique. Depuis cette époque un grand  nombre d'écrivains régionaux ont écrit sur saint Ortaire. Une abondante bio-bibliographie a paru dans la revue Baïocana (t. I, p. 36 et 118). Ce saint naquit au VI siècle, dans le diocèse de Coutances, d'une famille patricienne. A l'âge de 12 ans, il se retira dans un ermitage situé, d'après la tradition, en la paroisse de Beaumesnil. Il reçut le sacerdoce, se consacra à la conversion des païens dans les contrées voisines. Un jour il apprend que l'abbé de Landelles, monastère voisin, vient de mourir. Il s'y rend pour prendre soin de sa sépulture. D'un accord unanime les moines le nomment leur abbé. Pour échapper à cet honneur, Ortaire se réfugie dans une grotte presque inaccessible, située en la paroisse de Malloué, à deux lieues au nord de Landelles. Les religieux l'y découvrent et le persuadent de revenir au monastère. Il avait alors 58 ans. Mettre en culture des landes improductives, faire croître des légumes à la place des buissons, transformer des forêts vierges en vergers, tel était alors le travail matériel des moines. Saint Ortaire quittait souvent le monastère, parcourait les villes et les campagnes, semant partout la parole de Jésus-Christ. Les miracles confirmaient ses prédications : il guérit un lépreux, ressuscita un mort, etc. Il mourut en 625, à l'âge de 98 ans, et fut inhumé dans un oratoire qu'il avait élevé à la Vierge Marie. Son tombeau fut, le théâtre de nombreux miracles qui déterminèrent l'évêque de Coutances, dont Landelles dépendait, à lever son corps, ce qui était l'autorisation d'un culte public. Ses restes furent déposés à peu de distance dans une chapelle élevée en son honneur, et qui fut détruite par les protestants en 1562. En 1706, l'abbé Jouenne, curé de Landelles, réédifia. le sanctuaire et remit en honneur le tombeau du saint, quoique vide de ses reliques. Saint Ortaire est très vénéré dans les trois diocèses de Basse-Normandie : Bayeux, Coutances et Séez. Nous trouvons trace de son culte à l'ancienne chapelle de Saint-Clair, près Vire, à Estry, à Etavaux, où l'on célébrait très solennellement sa fête. Les abbayes de Saint-Jean de Falaise et de Barbery étaient des centres de dévotion. Le pèlerinage de Saint-Ortaire à la Roque-Baignard existe toujours, et la bibliothèque de Lisieux conserve un ancien manuel spécialisé pour cette dévotion locale. Au diocèse de Coutances, nous trouvons son culte à Poilley, Mesnil-Drey, Périers, Mesnil-Hue, Villebaudon, Cuves, le Désert, Saint-Clément, etc.... Mesnil-Gondouin, Ecouché, Saint-Pierre-de-Montsort et Saint-Michel des Andaines, au diocèse de Séez, ont des autels sous le vocable de Monsieur Saint Ortaire. Ces nombreux sanctuaires peuvent fixer bien des points de son passage. Les fidèles l'invoquent pour les rhumatismes, la goutte et toutes les douleurs qui torturent le corps, d'où il est quelquefois dénommé Saint “Tortaire”. 

     

    Saint Evremond (10 juin) : Saint Evremond, que plusieurs disent frère de saint Evroult, naquit à Bayeux au VIIe siècle d'une illustre famille. Il vécut à la cour des rois Clovis II, Clotaire III et Childéric II et obtint une des premières charges du royaume. Tout lui souriait dans le monde, mais touché de, la grâce de Dieu, et conseillé par Annobert, abbé d'Evrecy, il quitta la cour, fit de pieuses largesses de sa fortune, décida son épouse à entrer dans un monastère, fit couper ses cheveux et sa barbe, alors marques distinctives de la noblesse, et se retira dans la forêt d'Ecouves à trois lieues de Séez. Il y fonda plusieurs ermitages tant d'hommes que de femmes, puis un monastère qui prit le nom de Fontenay. Son ami Annobert, devenu évêque de Séez, lui envoya son archidiacre Fortunat, puis alla lui-même le visiter, l'ordonna prêtre et l'établit abbé de Montmerrey. Il fonda trois églises en l'honneur de la Sainte Croix, de la Vierge et de Saint-Martin de Vertou. Revenu à son monastère de Fontenay-les-Louvets il y mourut et y fut enterré. De grands miracles illustrèrent ses funérailles. Au IXe siècle ses reliques furent portées en l'abbaye d'Ouche, fondée par saint Evroult, puis en 946 à Saint Pierre d'Orléans. Bernard, comte de Senlis, les mit en sauvegarde au château fort de Creil, où il fit bâtir une magnifique collégiale. Le 7 novembre 1567 les protestants brisèrent la châsse de saint. Evremond. Seuls échappèrent au vandalisme les bras du saint ; l'un donné à Saint-Rieul de Senlis, l'autre conservé à Creil avec le chef du saint jusqu'à la Révolution. En 1791 le curé de Creil, fit cacher secrètement en terre par un ouvrier de confiance le reliquaire de saint Evremond, mais tous deux ont emporté leur secret dans la tombe. La splendide collégiale de Creil n'existe plus, mais le saint est toujours honoré en cette ville ainsi qu'à Senlis. Il était patron de trois paroisses du diocèse de Coutances : Saint-Evremond de Bonfossé, la Barre de Semilly et Saint-Evremond-sur-Loson, réuni en 1801 à Saint-Louet-sur-Loson. Les anciens bréviaires de Saint-Quentin, de Beauvais et de Senlis, possédaient un office de saint Evremond remontant au XIe siècle. Mgr de Matignon, évêque de Coutances, fit insérer cette fête dans les livres liturgiques. Aujourd'hui, les diocèses de Bayeux, et de Séez sont les seuls autorisés à faire l'office de saint Evremond. Cependant sa mémoire est toujours en honneur à Fontenay-les-Louvets et à Montmerrey. ”

     

    “Saint Leufroi (21 juin) : Au retour d'un voyage dans le Cotentin, saint Ouen. évêque de Rouen, traversa le pagus Madriacensis (ou Méresais), au diocèse d'Evreux. Son grand âge l'empêchant de se tenir à cheval, il voyageait dans un chariot, tiré par deux mules. Il s'égara aux approches de la nuit. Soudain lui apparut une croix lumineuse, qui lui indiqua sa route. Prenant l'aiguillon d'un laboureur, il le disposa en croix et le planta à ce carrefour, qui prit le nom de Croix Saint-Ouen. Vingt ans plus tard, saint Leufroi y fonda un monastère, sous le vocable de La Croix Saint-Leufroy. Ce saint naquit à Evreux, d'une famille de grands fonctionnaires. Epris de vie monacale, il se retira, malgré ses parents, chez l'écolâtre de Saint-Taurin, en sa ville natale. Ayant été autorisé à suivre sa vocation, il étudia aux écoles de Condé-sur-Iton et de Chartres, puis, revint à la maison paternelle, où il se mit à instruire les enfants du voisinage. Bientôt, il part en quête d’une solitude. Chemin faisant, il rencontre un pauvre en haillons : il lui donne son manteau ; plus loin, il en trouve un autre, à peine vêtu : il se dépouille encore, pour le couvrir. Presque nu, Leufroi cherche un abri au monastère de la Varenne (commune de Montérolier, près Neuf-châtel). En vain, les religieuses veulent le retenir ; il se retire chez l'ermite Bernard, qui habitait les solitudes de Cailly, près Clèves. Puis il va trouver saint Saëns, qui lui donne l'habit monacal et bientôt lui confie la direction de son monastère naissant. Là, il connut saint Ansbert, évêque de Rouen, qui, voulant utiliser son zèle, le chargea de retourner évangéliser son pays. Leufroi se mit en route, et, fortement inspiré, s'arrêta à La Croix Saint-Ouen, où s'opéraient de, nombreux miracles. Il y bâtit un oratoire, qui fut le centre d'une communauté. Des méchants le diffamèrent auprès de Didier, évêque d’Evreux, qui, accompagné de ses officiaux, se rendit au monastère, admonesta vivement l'abbé et l'emmena à sa suite pour l’emprisonner. Le cortège n’avait pas fait une lieue, que le cheval du Pontife tomba mort, blessant gravement son cavalier. Voyant en cet évènement le doigt de Dieu, Didier renvoya Leufroi et lui rendit justice et honneur. Notre saint fut un thaumaturge : il arrêta soudain un violent incendie, fit jaillir une source dans une région désolée par la sécheresse. il se rendit en Lorraine pour s'entretenir avec Charles Martel, qui gouvernait l'Austrasie au nom du jeune roi Dagobert III. Après son départ, Griphon, troisième fils du gouverneur, tomba gravement malade. Charles fit courir après Leufroi, qui revint de Laon et rendit la santé à l'enfant. Il bâtit pour les pauvres un hôpital dans son monastère. L'impiété et la grossièreté du peuple voisin lui donnèrent beaucoup à souffrir, mais Dieu était toujours avec lui. Une femme qui l'avait tourné en dérision, à cause de sa calvitie, vit à l'instant tomber ses cheveux et ses descendants naquirent chauves. Un voleur qui avait dérobé les meules du monastère et traité le saint de calomniateur, perdit toutes ses dents et transmit cette infirmité à sa descendance. Des paysans qui labouraient le dimanche, se moquèrent de saint Leufroi : le champ fut frappé de malédiction et ne produisit plus que des chardons et des ronces. Après la mort d'un religieux, on trouva, dans ses habits, trois pièces de monnaie, indice d'une faute contre le vœu de pauvreté. L'abbé fit enterrer le défunt hors du cimetière commun et jeta l'argent sur sa dépouille. Puis il se livra au jeûne et à la prière durant quarante jours, pour obtenir la grâce du pécheur. Dieu lui révéla que son âme était délivrée du Purgatoire. Aussitôt le corps fut ramené dans le cimetière conventuel. Leufroi mourut le 21 juin 738, après avoir gouverné sa maison pendant 48 ans. Il fut inhumé dans l'église abbatiale dédiée à Saint Paul. Le 22 juin 851 Guntbert, évêque d'Evreux, transféra son corps dans l'église de la Croix-Saint-Ouen qui prit le nom de Saint-Leufroi. Les moines Leufridiens voyant leur monastère incendié par les Normands, prirent la fuite, chargés des reliques de leur patron, de saint Agobard, son frère, et de saint Thurien, évêque de Dol, qui, sur la fin de sa vie, s'était fait moine dans leur maison, et le portèrent à Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Guy, évêque de Carcassonne, les transféra dans une nouvelle châsse en 1222, et en céda quelques parcelles à l'abbaye de Saint-Leufroi, qui les honorait le 8 juin. La paroisse de Suresnes, vassale de Saint-Germain-des-Prés, possède encore des reliques de ce saint. Le 2 mars 1741, Mgr de Rochechouard, évêque d'Evreux, supprima le monastère de Saint-Leufroi, et le bras du saint, qui y était conservé, fut transféré dans l'église paroissiale, où il est demeuré. L'inventaire des reliques apportées de Rouen au prieuré de Saint-Himer (Calvados), en 1756, mentionne deux ossements de saint Leufroi. Les imagiers représentent cet abbé avec un ou plusieurs enfants près de lui, parce qu'il est invoqué pour les petits malades ; faisant jaillir une source pour récompenser un paysan qui lui avait donné à boire ; dissipant une nuée de moucherons qui avaient infesté le réfectoire des religieux, etc... ”

     

    Saint Wambert : Un ordinal de, l'abbaye de Saint-Pierre-sur-Dives, écrit vers 1273, et cité par Dom Martène dans son grand ouvrage sur les cérémonies monacales porte cette mention : “Tous les ans les religieux de la maison célèbrent la fête de saint Wambert, évêque et martyr, dont le corps et la tête sont conservés dans l'église”. St-Pierre-sur-Dives et la région de Falaise étaient jadis du diocèse de Séez, qui faisant coin entre les diocèses de Bayeux et de Lisieux, s'avançait jusqu'à Mézidon. Wambert, désigné comme évêque, n'occupa aucun siège épiscopal. C'était un chorévêque, c'est-à-dire une sorte de préfet apostolique, auquel l'évêque de la cité déléguait une partie de ses pouvoirs, afin de lui permettre de remplir certaines fonctions épiscopales dans les bourgs et les campagnes encore païennes. Au IXe siècle, Wambert fut chargé par l'évêque de Séez d'évangéliser le pays d'Hiesmois, dont le bourg actuel d'Exmes formait le centre. A Caen, la rue Saint-Jean qui conduisait vers ce pays portait le nom de Rue Exmoisine. C'était au temps des invasions normandes. Ces barbares remontèrent la Dives sur leurs barques légères, pillant et brûlant tout sur leur passage. Wambert s'avança au devant des envahisseurs et leur demanda d'épargner son troupeau. Il ne fut pas écouté : le bourg fut dévasté, l'église incendiée et lui-même fut massacré. De pieux fidèles recueillirent secrètement les restes de leur dévoué pasteur. Voici le cérémonial de la procession qui dès le XIIII, siècle, se faisait le 26 juin en l'église Saint-Pierre : Tous les moines assistaient, revêtus de chapes, aux offices du jour. La messe célébrée comme aux plus grandes fêtes, était suivie d'une procession autour du cloître. Au retour, deux religieux élevaient la châsse qu'ils portaient, et tous les assistants passaient par-dessous pour se mettre sous la protection du saint martyr. A l'issue des vêpres, la communauté se rendait processionnellement à la chapelle de l'infirmerie, dédiée en 1214 en l'honneur des saints Eloi et Wambert, par Sylvestre, évêque de Séez. Le culte du saint martyr fut longtemps populaire. En 1869, un nommé Aubin trouva à Donville, paroisse réunie à Saint-Pierre-sur-Dives, une médaille ancienne, en cuivre, de forme ovale. L'avers représentait le buste du saint ayant devant lui une crosse et une tête de cerf avec cette inscription : Sainct Wambert. Le culte de ce saint a été rétabli en l'église de Saint-Pierre-sur-Dives. Son office y est célébré solennellement le 26 juin, d'après les prescriptions de l'ordinal de l'Abbaye et les rubriques d'un ancien graduel soigneusement conservé à la paroisse. ”

     

    Le Bienheureux Geffroy (8 juillet) : La collection de Boze à la Bibliothèque Nationale renferme un curieux plan des tombeaux de l'abbaye de Savigny (No 9028). Cette pièce nous montre la pierre tumulaire du Bienheureux Geffroy dans la circata de l'autel, entre un des maîtres piliers et la première colonne, dans l'espace situé devant la chapelle Saint-Nicolas. Ce saint naquit à Bayeux au XIe siècle. Son père, nommé Alain, était gouverneur d'un château qui ne pouvait être que la forteresse de la ville. Pendant que sa mère le portait dans son sein, un violent incendie réduisit en cendres une grande partie de la cité. Alors que le feu consumait l'église de la Madeleine, construite en bois, cette future mère sauva les précieuses reliques qui y étaient vénérées. Ce fut pour elle une bénédiction. L'enfant qu'elle mit au monde, prénommé Geffroy, devint un prodige de science et de piété. Après avoir complété ses études à Paris, il entra à l'abbaye de Saint-Vigor-de-Cerisy, au diocèse de Bayeux, où il se montra un novice modèle. Bientôt il opta pour l'abbaye de Savigny, fondée par son compatriote saint Vital de Tierceville, qui y faisait fleurir la règle de saint Bernard. Il devint le coadjuteur de l'abbé, à la mort duquel les moines le proclamèrent son successeur. L'abbé Geffroy fonda dix-huit nouveaux monastères, dont les Vaux-de-Cernay, au diocèse de Paris, et Beaubec, au diocèse de Rouen. En homme avisé et prudent, il avait soin de pourvoir chaque maison d'un avenir assuré. La règle portait que tous les couvents de l'ordre devaient déléguer annuellement un de leurs membres pour assister à un concile général qui se tint jusqu'à l'époque où l'abbé Serlon unit sa congrégation à celle de Saint-Bernard-de-Clairvaux. Geffroy mourut en 1139 et fut inhumé dans l'église conventuelle. Un grand nombre de miracles, dont la résurrection d'un mort, s'opérèrent à son tombeau. Jusqu'en 1153 les évêques usèrent du droit d'accorder les honneurs publics à un martyr ou à un confesseur dans les limites de leur diocèse, réserve faite au Souverain Pontife d'étendre ce culte à l'église universelle : c'était une véritable béatification. Le corps du bienheureux Geffroy fut alors levé de terre et déposé dans une châsse placée tout près de l'autel, où il jouit d'un culte local. Il était surtout invoqué pour la guérison des fièvres et sa fête était solennellement célébrée, dans l'abbaye. Des parcelles de ses reliques sont conservées dans le maître-autel de l'église paroissiale de Savigny-le-Vieux. Les papes n'ayant pas sanctionné, peut-être faute de demande, la proclamation populaire, le culte du bienheureux demeura confiné dans son monastère qui a disparu à la Révolution. 

     

    Saint Berthevin (11 juillet) : Une tradition uniforme et constante nous apprend que ce saint naquit à Parigny, au diocèse d'Avranches. On montre encore, au village de l'Orberie, l'endroit où il reçut le jour. Sous le clocher de l'église paroissiale existe une chapelle qui fut élevée au-dessus de son tombeau. Chaque lieu de dévotion à saint Berthevin possède une vie spéciale, inspirée par des actes primitifs, mais que l'amour du clocher a plus ou moins déformée. Autant de cloches, autant de sons. La plus ancienne rédaction connue se trouve dans un manuscrit du Mont-Saint-Michel, conservé à la bibliothèque d'Avranches sous le n° 167. Berthevin remplissait les fonctions de diacre dans la cathédrale d'Avranches lorsque cet édifice fut détruit par les Normands vers 850. Echappé au massacre, il se réfugia dans une solitude nommée le Val-Guyon près Laval. Le seigneur du lieu, nommé Bertaire, voulant mettre à profit les qualités et vertus de l'ermite, le chargea de l'administration de ses biens et de l'intendance de sa maison. Malgré ces occupations, Berthevin se rendait chaque jour à la ville pour se perfectionner dans l'étude des lettres, sans manquer d'aller prier dans l'église Saint-Nicolas, élevée sur la rive opposée de la Mayenne. Le bac de passage venait spontanément le chercher et le ramener sans nautonier, ni voile, ni aviron. Il devint bientôt le confident de ses maîtres, ce qui excita la jalousie des autres serviteurs. N'ayant pu le perdre par la délation, ils l'assassinèrent et jetèrent son corps dans l'étang voisin de la chapelle où il allait prier. Effrayés par les recherches de leur maître, les assassins repêchèrent le cadavre pour le cacher dans une grotte d'où ils le retirèrent pour l'ensevelir dans le lit du Vicoin, rivière voisine. De là ils le hissèrent dans une caverne, située au sommet de la falaise qui surplombe la rive. Tout est demeuré dans cet état. La marraine du martyr, sur une inspiration céleste, attela deux génisses indomptées à un char, et les laissa cheminer à leur gré. Arrivées au pied de la falaise, elles la gravirent, s'arrêtèrent à l'ouverture de la caverne le temps de charger le corps et le reconduisirent à son pays natal. La légende raconte qu'une des génisses tomba de lassitude à l'arrivée et brisa une de ses cornes qui est conservée dans l'église de Parigny. Au cours du voyage, une biche, serrée de près par les chasseurs, vint se réfugier sous le chariot qui portait les reliques et les chiens n'osèrent l'approcher. Le seigneur fit élever sur le tombeau du saint une chapelle qui est devenue l'église de Parigny. Une fontaine jaillit auprès et les fidèles y viennent pour obtenir la guérison de la vue. Ceci se passait vers 872. Des pèlerins revenant du Mont-Saint-Michel enlevèrent le corps et le transportèrent à Lisieux, moins exposé aux ravages des Bretons, et depuis il y a toujours été en grand honneur. Le 24 avril 1399, l'évêque Guillaume d'Estouteville fit ouvrir la grande châsse de sa cathédrale en présence du roi Louis XI et de Jean Boucard, évêque d'Avranches : il y trouva le corps de saint Berthevin auprès des restes de saint Ursin. Il est patron de Saint-Berthevin-les-Laval, de Saint-Berthevin-les-Tannières et de Saint-Berthevin-de-Précey (Manche). A la Révolution, les reliques de Lisieux furent cachées par deux chanoines qui moururent avant d'avoir eu le temps de révéler leur secret. 

     

    Le Vénérable Hugues, évêque de Lisieux (17 juillet) : Nombre d'hagiographes donnent à Hugues d'Eu, évêque de Lisieux, le titre de vénérable et mentionnent sa fête au 17 juillet. Cet illustre prélat était fils de Guillaume, comte d'Eu et d'Hiesmes, et de Lesceline. Orderic Vital et Guillaume de Poitiers, historiens contemporains, vantent sa puissante intelligence et sa rare sagesse. Il fut d'abord chanoine en la cathédrale de Lisieux. Grâce à la protection de Guillaume le Conquérant, son parent, il succéda à Herbert, évêque de ce diocèse, mort en 1050. Bientôt, assisté d'Osbern de Crépon, un de ses archidiacres et futur évêque d'Evreux, il donna la bénédiction abbatiale à Thierry de Mathonville, abbé de Saint-Evroult, et, l'année suivante, en l'abbaye de Fécamp, il conféra le diaconat à Eude de Conteville, frère utérin du duc Guillaume. Hugues acheva la construction de sa cathédrale, commencée par son prédécesseur et, à l'occasion de sa dédicace (8 juillet 1060), fit venir les reliques de saint Ursin, évêque de Bourges. Sous son pontificat, se tint le concile de Lisieux (1055), présidé par Hermenfroi, évêque de Sion-en-Valais, légat du pape, qui prononça la déchéance de Mauger, archevêque de Rouen. L'abbaye de Saint-Evroult fut l'objet constant de ses soins : il y rétablit l'ordre troublé par le prieur Robert de Géré, y bénit une chapelle dédiée aux saints Evroul, Benoit, Maur et Leufroi, reçut l'abdication de l'abbé Thierry et, sous la pression du duc de Normandie installa en sa place Osbern, prieur de Cormeilles. Nous le voyons assister à la dédicace de la cathédrale de Rouen et au concile qui suivit (1063), à une donation en faveur de Saint-Etienne de Caen, au concile de Lillebonne, à la dédicace des abbatiales de Sainte-Trinité de Caen (1066), de Jumièges (1067), aux assemblées convoquées pour combattre l'hérésie de Béranger, etc... Il fut témoin du don fait par Guillaume à son frère Odon, des biens du traître, Grimoult et à la fondation d'un prieuré augustinien en la paroisse du Plessis. Protecteur déclaré des religieux, il releva et fonda plusieurs monastères, notamment celui de Saint-Désir, à Lisieux, où il transféra les moniales de Saint-Pierre-sur-Dives, auxquelles succédèrent des moines bénédictins. Le meilleur et le plus authentique témoignage que nous ayons sur ce prélat, est celui de Guillaume de Poitiers, qui fut son archidiacre ; cet historien nous le montre débordant de zèle et aussi charitable pour les autres que sévère pour lui, dévoué gardien de la justice, rempli d'humilité et d'abnégation. D'une activité inlassable, il entreprit, malgré la vieillesse et les infirmités, une nouvelle visite de son diocèse. Il tomba gravement malade à Pont-l'Evêque et manifesta le désir d'être transporté dans sa ville épiscopale. La mort le surprit à mi-chemin, au coin d'un herbage (17 juillet 1077). “Les rayons du soleil, écrit Orderic Vital, furent le voile funèbre qui enveloppa le corps du prélat expirant ; une croix, nommée dans la suite Croix l’Evêque, fut érigée en souvenir de cet événement.” Malgré les contestations du chapitre, son corps fut inhumé dans le chœur de l'église abbatiale de Saint-Désir. Hugues d’Eu fit attribuer à lui et à ses successeurs le titre de Comte de Lisieux, annexa à son diocèse l'exemption de Saint-Cande de Rouen, comprenant les paroisses de Saint-Cande, Sotteville, Rouvrai, le Petit-Couronne et Etrépagny en Vexin. Son obit était célébré solennellement à l'abbaye de Saint-Evroul le 17 juillet. Sa biographie détaillée constituerait une des plus intéressantes pages de l'histoire de Normandie. 

     

    Saint Clair (18 juillet) : C'est une extraordinaire odyssée que les pérégrinations de saint Clair dans la Neustrie et  Bien que jalonné par des monuments qui gardent le souvenir de son passage, son itinéraire est difficile à suivre, parce que cet apôtre, fuyant la popularité et les embûches de ses ennemis, ne séjournait pas dans les villes, mais fondait des ermitages aux environs, d'où il évangélisait les campagnes. Il naquit à Rochester, en Angleterre, sous le règne d'Edmond l'Ancien, qui régna de 841 à 846. Son père, nommé Edouard, premier ministre du roi, le promit en mariage à une riche princesse. Tout autre était le désir de Clair, qui s'enfuit sur un vaisseau et débarqua en Neustrie, près de Cherbourg. Il se réfugia dans un ermitage voisin. Ce lieu aujourd'hui dénommé Saint-Clair-du-Marais est situé en la commune de Nacqueville. Il y guérit le serviteur des ermites qui s'était blessé avec sa hache, et délivra un possédé du démon. La méchanceté des habitants du pays le fit se retirer au monastère de Malduin, bâti près du ruisseau Costus, maintenant rû Saint Clair. Il y vécut sous l'abbé Odobert et y reçut la prêtrise des mains de Séginaud, évêque de Coutances, vers 868. il ressuscita le fils d'une pauvre veuve. Une femme puissante essaya en vain de le séduire et lui voua une haine mortelle. Pour lui échapper, il parcourut la Neustrie, se fixant momentanément aux environs des villes. Nous trouvons des traces de son passage à Coutances, Carentan, Saint-Lô, où se tiennent les grandes foires Saint-Clair. De là, il gagne les abords de Vire, y séjourne, puis remonte vers le Nord, s'arrête à Banneville-sur-Ajon, puis à la Pommeraie, près Thury-Harcourt, où existe une chapelle que visita saint Louis, puis vient se construire une hutte à Hérouville, près Caen. Une fontaine, une chapelle transformée en église, des traditions y rappellent son séjour. De là il gagne Lisieux, près des ruines de l'antique Noviomagus, en passant par Basseneville et Cambremer. Remontant la Touques, il baptise à Saint-Arnoult, près Touques, et dans la fontaine Saint-Clair aux portes de Honfleur. Nous le retrouvons ensuite dans la région de Bernay, à la Chapelle-Bayvel, sur la route de Lillebonne, où deux foires, la petite et la grande Saint-Clair, commémorent son passage. Non loin se trouve encore la paroisse Saint-Clair d'Arcey. Nous pouvons encore le suivre à Flacourt, près Mantes, et aux ermitages qui devinrent les abbayes Saint-Germain-des-Près et Saint-Victor à Paris. Après un séjour à Gometz-le-Châtel, il passe à Pontoise, Hérouville, revient en Neustrie, s'arrête à Forges-les-Eaux, Saint-Clair-Hardancourt près Gournay et dans un bois entre Flavacourt et Sancourt. Son passage est marqué à Chaumont-en-Vexin et au Pré-Aubry, près Gisors. Vilcassinum (Saint-Clair-sur-Epte) fut sa dernière étape. Son ermitage fut découvert et des sicaires envoyés par la femme qu'il avait méprisée, le décapitèrent le 4 novembre 884. La tradition rapporte que le martyr se levant, prit sa tête dans ses mains et se transporta jusqu'à l'église paroissiale, indiquant ainsi le lieu de sa sépulture. De grands miracles s'opérèrent et s'opèrent encore sur son tombeau, notamment la guérison des maladies des yeux. C'est un des saints. les plus invoqués en Normandie. Sa fête, célébrée le 8 juillet, devint si populaire qu'elle fut choisie dans les pays agricoles comme un terme de l'année et l'époque de la louerie des domestiques. Nombreux sont les églises, chapelles et oratoires qui lui sont dédiés, ainsi que les fontaines qui portent son nom. La chapelle Saint-Clair, en l'église de Gisors, conserve, une longue inscription murale datée de 1678, racontant la vie de son patron. ”

     

    Saint Exupère (1er août) : Les controverses élevées pour et contre l'histoire et la date de l'épiscopat de saint Exupère n'ont pas été moins nombreuses que pour saint Martial de Limoges et saint Saturnin de Toulouse. Saint Exupère est le premier évêque de Bayeux, il a été envoyé par Rome, ceci est sans conteste ; mais à quelle époque ? Les uns font remonter son existence au 1er siècle, les autres la repoussent au IVe. Il y a exagération dans les deux partis. D'après les découvertes épigraphiques et monétaires, il est certain que Vieux et Bayeux, les villes des Viducasses, furent détruites au moment des invasions de 276 que Camille Julian appelle “la grande curée des Gaules”. L'inscription du marbre dit de Thorigny, découvert à Vieux, nous prouve que cette cité était très prospère en 238. Le druidisme proscrit par. Auguste, ensuite par Claude, disparut en Gaule, au moins dans les villes, vers la fin du IIIe siècle. Le poète Ausone, qui était chrétien, nous apprend qu'à cette époque deux druides de Bayeux, Phoebitius et Attius Patera, voyant leur culte tomber, en discrédit, étaient venus professer à Bordeaux. Le docteur Gosselin a trouvé à, Vieux l’inscription tumulaire d'un nommé Castinus, décédé à 90 ans, qui était chrétien dès sa naissance. La pierre était au-dessous de la couche des cendres. Vers 172, Lucius, roi de la. Grande-Bretagne, demanda des missions au pape Eleuthère. Il ne serait donc pas illogique de croire qu'Exupère introduisit la religion chrétienne dans notre pays la fin du IIe siècle ou au commencement du Ille. Exupère était un de ces chrétiens lettrés de Rome que les papes envoyaient évangéliser les contrées lointaines, principalement les villes, où se tenaient des écoles dirigées par les druides, qui professaient déjà le dogme de l'immortalité de l’âme. Il vint à Bayeux, centre de druidisme, y fonda une école où ne tardèrent pas à affluer les enfants des principaux fonctionnaires et propriétaires des environs. Un de ses plus brillants élèves fut saint Regnobert, fils du seigneur de Noron. Il en fit un chrétien dévoué qui devait lui succéder sur le trône épiscopal. A cette époque où le vieux paganisme jouait son dernier atout contre le christianisme déjà fortement enraciné, les possessions diaboliques étaient fréquentes. Un jour, le nouvel évêque délivra sept énergumènes possédés du démon, ce qui lui valut la conversion de plus de 500 païens. Il convertit même un prêtre de Bélénus, nommé Zénon, l'ordonna diacre et le mit à la tête de ses disciples. Selon la coutume des anciens apôtres il dédia à la Vierge Marie, l'oratoire qu'il avait élevé dans la ville de Bayeux, embryon de la future cathédrale. Succombant sous le poids des années et les fatigues de l'apostolat, Exupère alla jouir de la récompense due aux bons serviteurs. Il fut enterré sur le mont Phaunus qui devint le “mont des églises” et le lieu de sépulture des premiers évêques de Bayeux. Au IXe siècle par crainte des Normands qui ravageaient la Neustrie, les restes du pontife furent transférés à Palluau en Gâtinais. Le comte Haimon en 912 leur fit élever à Corbeil une collégiale desservie par 12 chanoines. Les nombreux miracles qui s'y accomplissaient en firent le centre d'un célèbre pèlerinage. Un Bayeusain, Guillaume Chartier, devenu évêque de Paris donna au roi Charles VII pour la Sainte-Chapelle, une relique de saint Exupère. La cathédrale de Bayeux conserve religieusement les ossements de l'avant-bras de son fondateur. Ce saint était invoqué contre la sécheresse et les incendies. En 1648, le feu ayant pris aux moulins à poudre d'Essonne, menaçait Corbeil ; le clergé sortit la châsse de saint Exupère et la ville fut préservée. 

     

    Saint Raven et Saint Rasiphe (24 juillet) : Les saints Raven et Rasiphe rappellent, en beaucoup de points, les saints Cosme et Damien. Ils naquirent en Grande-Bretagne. Très versés dans l'art de la médecine, ils soignaient les pauvres avec le plus grand dévouement. Raven fut élevé au sacerdoce et Rasiphe au diaconat. Leurs exhortations et leurs exemples amenèrent la conversion d'un grand nombre de païens. Le préfet romain qui gouvernait le pays et favorisait le culte des idoles, les persécuta et les condamna à l'exil. Ils abordèrent en Gaule et se réfugièrent au diocèse de Séez, évangélisé par saint Latuin, leur compatriote. Pour échapper à la persécution, les deux saints se cachèrent dans un lieu désert, où s'éleva, plus tard, le bourg de Macé. Là, ils se livrèrent à la prière et à la mortification. Plusieurs guérisons les ayant fait connaître, de nombreuses personnes eurent recours à leur art et trouvèrent la santé de l'âme en même temps que celle du corps. Le bruit de leur renommée parvint aux oreilles de leur persécuteur, qui était venu séjourner dans la ville de Séez. Il envoya contre eux une troupe de soldats, qui les mutilèrent horriblement et les laissèrent pour morts non loin de la fontaine ou ils avaient coutume de baptiser. Ils vécurent encore trois semaines sans que personne osât leur porter secours et moururent, Raven, le 23 juillet, et Rasiphe, le lendemain. Des chrétiens les ensevelirent dans deux cercueils de pierre. Longtemps après, un prénommé Hérembert, éleva sur leur tombeau un oratoire qui devint l'église de Macé. Un pèlerinage s'y établit et il s'y opéra de nombreuses guérisons, notamment celle d'une paralytique de Lisieux, nommée Ebleterre, et d'une démoniaque de Nonant-le-Pin, appelée Edelburge. Craignant que leurs reliques ne fussent profanées par les Normands, qui occupaient la vallée de la Dives, les habitants de Macé les enveloppèrent dans une peau de cerf et se mirent en route vers le Nord-Ouest. Parvenus à Tracy-Bocage, les chevaux refusèrent complètement d'avancer. Deux cavales indomptées, fournies par le seigneur du lieu, devenues subitement dociles, les portèrent jusqu'à Saint-Vaast. Une chapelle fut bâtie en leur honneur, mais le précieux trésor tomba bientôt dans l'oubli. En 1047, sur la révélation d'une moniale de Cordillon, abbaye voisine, Hugues, évêque de Bayeux, leva les corps, les transféra dans la cathédrale qu'il faisait reconstruire, où il leur dédia une chapelle. Ces reliques furent, en 1562, portées à Caen, avec leur châsse, sous prétexte de conservation, mais le duc de Bouillon, leur pseudo protecteur, fit fondre les reliquaires et jeter les précieux restes dans un cloaque. Cependant, le maréchal de Fervaques, qui commandait sous les ordres du duc de Bouillon, recueillit plusieurs des ossements des deux saints et les plaça dans l'église collégiale de son château de Grancey, en Champagne. Ils y sont toujours conservés, mais les authentiques ont été perdus. Avant la Révolution, il y eut à l'oratoire de Saint-Vaast, jusqu'à 97 pèlerinages dans une même année. Cette chapelle a été reconstruite en 1865 par un membre de la famille de Malherbe, au moyen d'un trésor trouvé dans les ruines d'un château voisin. Bien que l'antique ferveur se soit ralentie, les saints martyrs sont toujours invoqués contre les vers blancs. L'église de Tracy-Bocage leur est dédiée. Le prénom de Raven a toujours été très usité et se transmet comme un apanage dans la noble famille de Morel. Nombreux sont aussi les prénommés Rasiphe en Basse-Normandie. 

     

    Sainte Basile (16 août) : Sainte Basile était la patronne de l'église de Couvert, au canton de Balleroy. Selon M. de Caumont, les parties anciennes de l'édifice sont antérieures au IXe siècle. Le cimetière a fourni nombre de cercueils renfermant des objets de l'époque carolingienne et mérovingienne. Le bénéfice en fut donné à l'Hôtel-Dieu de Bayeux en 1258. Un document nous prouve que le culte de sainte Basile était en grand honneur à Couvert en 1216. C'était un lieu de pèlerinage très fréquenté. Par les temps de sécheresse le peuple y venait demander de la pluie. Au mois de juin 1625, le curé de Saint-Michel de Vaucelles de Caen y conduisit une procession de 900 personnes. Selon la tradition, au nord du bourg actuel s'élevait une villa gallo-romaine nommée Baccaïe. Des tuiles à rebords, des monnaies, des objets en bronze, trouvés à diverses époques, viennent confirmer cette opinion. Basile, fille d'un des grands propriétaires du pays, embrassa le Christianisme nouvellement prêché dans la région. C'était au temps des persécutions de Gallien, vers 260. Le lieutenant de l'empereur romain en mission dans le pays la fit arrêter, charger de chaînes et amener devant sa tente. Sur son refus obstiné de sacrifier aux idoles, il la fit décapiter. La tête de la vierge, dit la tradition, bondit sept fois sur le sol, et à chaque place surgit une source d'eau vive. On montre encore le pré qui fut le théâtre du martyr. Sur le tombeau de la sainte fut élevé un oratoire transformé plus tard en église. De très vieux martyrologes , mentionnent au 16 août, la vierge Basile, martyrisée dans le Bessin, au bourg de Bassilly. Un passionnaire du XIIe siècle, conservé à la bibliothèque d'Avranches dit que cette sainte mourut dans la cité de Baccaïe. En 1658, les religieuses de l'Hôtel-Dieu de Bayeux qui avaient le patronage de Couvert, obtinrent les reliques d'une sainte Basile, récemment exhumées de la catacombe romaine de ce nom. D'où une confusion dans le culte des deux saintes. Et au XIXe, siècle, le chanoine Laffetay, un peu influencé par les religieuses, crut prouver que les deux personnages n'en faisaient qu'un seul. Il semble pourtant difficile d'admettre qu'une sainte romaine dont le corps entier a été découvert en 1654, ait joui à Couvert d'un culte immémorial, que les vieux martyrologes et passionnaires se soient trompés dans l'ensemble, que la tradition soit complètement fausse, etc… Honorons donc, comme nos aïeux, notre sainte Basile Normande. ”

     

    Saint Ouen (24 août) : La légende de saint Ouen est figurée dans les bas-reliefs des portails de la Calende à la cathédrale de Rouen, des Marmousets à l'abbatiale Saint-Ouen et dans une verrière de l'église Saint-Ouen à Pont-Audemer ; son histoire a été écrite par l'abbé Vacandard. Sancy, au diocèse de Soissons, vit naître saint Ouen en 600. Son père Authaire et sa mère Aigu, de race franque, reçurent dans leur villa d'Ussy-sur-Marne, saint Columban, le modèle de la vie cénobitique. Sa visite impressionna vivement le jeune Ouen, âgé de 10 ans. Adulte, il reçut à la cour de Clotaire II l'éducation palatine et devint bientôt référendaire ou chancelier du roi. A la mort de saint Romain, évêque de Rouen, le clergé désigna pour lui succéder ce haut dignitaire, qui fut sacré dans sa cathédrale en 641. Ouen dépensa ses richesses à soulager les pauvres et les prisonniers, à racheter les esclaves ou  rendre leur sort meilleur. Il organisa son diocèse, élevant les oratoires des villas au titre d'églises et les pourvut d'un prêtre, assisté de clercs. Il parcourait souvent son diocèse, prêchant, baptisant et confirmant. Son épiscopat fut l'ère des fondations monastiques : alors surgirent les abbayes de Saint-Wandrille, Saint-Germer, Saint-Saëns, Jumièges, Fécamp pour les hommes, de Pavilly et de Montivilliers pour les femmes. En visitant la province dont il était le métropolitain, vers 655, Bernuin abbé de Nanteuil en Cotentin, le pria de lever le corps de saint Marcouf. Le prélat désirait s'en réserver le chef ; il dut se contenter d'une parcelle. En revenant, il déposa momentanément sa relique dans l'église Notre-Dame de Caen, aujourd'hui Saint-Sauveur ; une vieille inscription rappelait cet épisode. Passant par le pays de Mérezais, au diocèse d'Evreux, il jeta les fondements d'un monastère qui prit le nom de La Croix Saint-Leufroy. Saint Ouen fut un des signataires du concile de Chalon-sur-Saône, tenu en 647 pour réformer la discipline de l'Eglise. A 80 ans, il se rendit à Cologne pour réconcilier Warathon, maire du palais de Neustrie, avec Pépin, roi d'Austrasie. Il revint chargé de reliques. Ce voyage l'épuisa et il mourut à Clichy, le 24 août 684, en grand serviteur de l'Eglise et de l'Etat. Son corps, inhumé dans la basilique Saint-Pierre, à. Rouen, fut levé en 688 et placé dans une châsse derrière l'autel. Le monastère fut brûlé en 841 par les Normands et les reliques transférées à Gasny, près Mantes, d'où elles furent rapportées à Rouen en 918. Une nouvelle translation se fit en 989 ; à cette occasion, Richard Ier, duc de Normandie, donna à Saint-Ouen de Rouen sa villa de Rots (Calvados). Les reliques de ce grand prélat furent brûlées par les Protestants le 3 mai 1562. Aucun saint normand ne compte plus d'églises sous son patronage. Au XVIIe siècle, Dom Pommeraie en mentionnait 40 dans le diocèse de Rouen ; nous en trouvons 29 dans celui d'Evreux, 13 à Séez et 11 à Coutances. Dans notre diocèse, existent ou existaient sous son vocable : St-Ouen-du-Château et St-Ouen-des-Faubourgs, à Bayeux ; St-Ouen-de-Villers, à Caen St-Ouen-des-Besaces, St-Ouen-du-Mesnil-Oger, St-Ouen-le-Houx, St-Ouen-le-Pin, Hérils, Périers-sur-le-Dan, Rots, Bures (Troarn), Les Iles-Bardel, Le Pré-d'Auge, Livarot, Monteilles, La Vespière, Brocottes, Genneville, Le Reculey, Le Mesnil-au-Grain. Un vieil auteur a écrit : si Rome est heureuse d'avoir saint Pierre, la Normandie n'est pas moins heureuse d'avoir saint Ouen. A la Croix-Saint-Ouen (Oise), des pèlerins viennent invoquer saint Ouen pour la surdité ; le malade descend dans un caveau, passe la tête dans une niche de pierre et implore l'assistance du thaumaturge. La consonance des mots Ouen et ouïr semble expliquer cette invocation. Pour le même motif, les cuisiniers et rôtisseurs d'oues (oies) de Rouen avaient choisi ce saint comme patron. 

     

    Saint Regnobert (16 mai et 1er dimanche de septembre) : Les actes des saints, les anciennes listes épiscopales, les traditions prouvent que saint Regnobert fut le second évêque de Bayeux, le successeur immédiat de saint Exupère et qu'il n'a rien de commun avec le Ragnebert, évêque de Bayeux, qui souscrivit à un concile en 625. La date de l'épiscopat du premier évêque demeurant indéterminée, il est impossible, faute d'autres documents, de fixer la date du second. D'origine germaine ou plutôt gauloise, Regnobert était le fils du comte de Noron. Tandis que ses parents allaient adorer les idoles au Mont Phaunus, près Bayeux, le jeune homme se rendait au petit oratoire fondé par saint Exupère en l'honneur de la Sainte Vierge. Instruit par les prédications de l'évêque, il fut admis au nombre des catéchumènes, reçut le baptême et se mit aussitôt à prêcher la parole de Dieu. Ayant rencontré à la porte du temple païen un aveugle qui implorait sa guérison, il le conduisit à Exupère, qui lui rendit la vue. Regnobert prit part à la guérison de sept énergumènes, opérée par le même Pontife. Elevé au sacerdoce, il fut, après la mort de saint Exupère, proclamé évêque à sa place. Au retour de son sacre, un paralytique se porta à sa rencontre pour demander sa guérison. Le saint lui fit remettre son bâton pastoral par son diacre Zénon. A peine le malade l'eut-il pris entre ses mains, qu'il se mit à marcher sans effort. Quelques jours plus tard, alors qu'il était assis dans sa chaire pontificale, l'évêque délivra miraculeusement une femme d'un flux de sang, dont elle était affligée depuis cinq ans. Il guérit en même temps plusieurs autres infirmes, ce qui lui valut la conversion d'un bon nombre de païens. Regnobert agrandit l'oratoire bâti par saint Exupère au centre de Bayeux, éleva tout près une chapelle en l'honneur de saint Etienne, premier martyr, et une autre dédiée à saint Jean, sur le mont Phaunus. L'historien Ceneau lui attribue l'érection de trois églises à Caen, ce qui parait bien invraisemblable, et la fondation de la chapelle de Notre-Dame de la Délivrande. Fatigué par un très long épiscopat, Regnobert mourut et fut enterré avec Zénon, son diacre, auprès de saint Exupère. En 847, une troupe de Bretons prit Bayeux et profana l'église où reposaient les évêques. Alors, un Lexovien, nommé Hervé, enleva les corps de saint Regnobert et de son diacre et les transporta à la faveur d'un brouillard épais jusqu'à Norolles, près Lisieux. De là, le convoi se rendit processionnellement jusqu'à Saint-Victor-d'Epines. Un peu plus tard, ils furent transférés dans une église bâtie par Hervé, en un lieu nommé Suiacum, qui fut consacrée pat, Fréculphe, évêque de Lisieux, Baltfrilde, évêque de Bayeux, et Ansegaud, évêque d'Avranches. 'Pour les soustraire aux invasions des Normands, ces reliques furent portées d'abord à Quingey, près Besançon, puis dans la collégiale Sainte-Eugénie de Varzy, où, elles furent conservées dans un sarcophage de pierre jusqu'au XIIIe siècle. Alors Hugues, évêque d'Auxerre, en fit la translation dans une châsse, tout en s'en réservant quelques parcelles pour la dédicace d'une église qu'il élevait en l'honneur du saint dans sa ville épiscopale. En 1771, l'évêque de Bayeux obtint, pour sa cathédrale un fémur de son deuxième pontife, qu'elle a conservé jusqu'à nos jours. Une reconnaissance des reliques faite à Varzy, en 1884, a fait découvrir des authentiques de l'époque mérovingienne, vrai monument de paléographie dont l’une portait en latin cette inscription : Ici est le corps de saint Regnobert, évêque de Bayeux, et une partie du corps de saint Zénon, son archidiacre. L’église de Fauguernon, du canton de Lisieux, est sous l'invocation de saint Regnobert. 

     

    Saint Sulpice (4 septembre) : Le récit de la mort de saint Sulpice et celui de la translation de ses reliques peuvent seuls nous documenter sur cet évêque de Bayeux. La tradition le fait naître à Livry au début du IXe siècle. Saint Gerbold y avait en 670 fondé un monastère d'hommes, que nous trouvons plus tard mentionné au nombre des possessions de l'abbaye bénédictine de Fontenelle ou Saint-Wandrille, au diocèse de Rouen. Ce fut sans doute là que le jeune Sulpice reçut son instruction et son éducation. Regnobert, évêque de Bayeux, étant venu à mourir vers 840, il fut appelé à lui succéder. C'était alors l'époque des invasions normandes. En 844 ou 845. les pirates ravagèrent la région, ruinèrent le monastère de Deux-Jumeaux et s’avancèrent jusqu'à Livry. L'évêque Sulpice, qui y séjournait, voulut s'opposer à leur fureur, mais il fut massacré sans pitié : le monastère fut pillé et livré aux flammes. Après le départ des envahisseurs, les chrétiens qui avaient fui, reviennent et retrouvent le corps de leur pontife au milieu des ruines fumantes. Ils lui creusent un tombeau près d'une fontaine voisine qui depuis a pris son nom. Au-dessus de sa tombe, ils élèvent un oratoire qui bientôt devint célèbre par les miracles qui s'y accomplissaient, si bien que le lieu prit le nom de Val Saint. En 986 Simon, abbé du monastère de la Celle Saint Ghislain, près Mons-en-Haynaut, se rendant au Mont Saint-Michel, fit étape à Livry. Il y remarqua trois chapelles dont l'une abritait le corps du martyr. De retour il prend avec lui quelques compagnons et vient demander l'hospitalité au Val Saint. Il enivre le gardien et pendant la nuit dérobe les reliques et les emporte dans son abbaye. Elles y furent longtemps honorées dans un tombeau sur lequel était cette inscription “Ici repose Saint Sulpice, évêque de Bayeux.” Cependant la chapelle de Livry continuait d'être fréquentée par les pèlerins. Au XIIe siècle, l'abbé de Saint-Wandrille fit remise à Robert, abbé d'Ardenne, de la portion du bois de Livry, située entre le vieux fossé et le chemin de Saint-Germain-d'Ectot à Thorigny, avec la chapelle et le cimetière adjacent. L'oratoire et son ermitage sont mentionnés en 1432. Nous lisons dans l'obituaire d'Ardenne au 5 mai : Toussaint de Vaux, prieur de Saint-Contest et de Saint-Sulpice. (il avait succédé à Ursin Penon en 1556) ; au 21 mai : François Osmon prieur de Saint. Sulpice et de Lébisey (à Hérouville). Jean Honorey, chapelain, signe en 1613 et 1630. Détruite par les protestants en 1662, la chapelle fut réédifiée en 1578 et restaurée en 1656. Edouard Booth, abbé d'Ardenne, fieffa en 1776 à Louis Armand Lehoux, d'Amayé, les biens de la chapelle, qui comprenaient, outre l'oratoire, 20 acres de labour, divers bâtiments et du bois. Vendu comme bien national en 1794 et démoli, le sanctuaire fut rebâti en 1805, acheté en 1865 par Monseigneur Didiot, reconstruit et érigé en chapelle de secours par Mgr Hugonin. En 1655, frère Artus du Monstier, auteur du Neustria Pia, écrivit à Robert du Hamel, sous-prieur d'Ardenne, pour lui demander des renseignements sur la chapelle. Celui-ci lui répondit : “Cette chapelle est très célèbre par l'affluence des pèlerins qui viennent y demander la guérison, notamment des maladies de la peau”. Le P. Hilaire Pinet, du monastère de Saint-Vigor près Bayeux, obtint en 1662 une partie notable des reliques de saint Sulpice. La fête du saint figure au 27 août dans les vieux missels bayeusains, jour où elle était célébrée dans l'église Saint-Sulpice, qui lui était dédiée et qui relevait du prieuré de Saint-Vigor. Elle figure dans l'Ordo au 4 septembre. Des pèlerins se rendent le 17 janvier et le 1er dimanche de septembre à Maisoncelles-sur-Ajon à cause d'une fontaine dédiée à saint Sulpice, qui est second patron de la paroisse. 

     

    Saint Rufinien (5 septembre) : Dans l'église primitive des clercs étaient spécialement chargés d'écrire les actes ou biographies des confesseurs de la foi et des martyrs. Ces actes étaient précieusement conservés dans les églises où le saint était honoré. La torche des barbares envahisseurs trouva un aliment facile dans les sanctuaires construits en bois, et presque toutes les archives périrent. Ces perturbations nous ont privés des actes de saint Rufinien, qui nous auraient donné des détails sur sa vie et son épiscopat. Les anciens catalogues manuscrits, les peintures des voûtes de la cathédrale, nos vieux historiens locaux le proclament saint et le regardent comme le troisième évêque de Bayeux. Hermant nous dit qu'il était Romain de naissance et de l'illustre famille des Rufins, mais il est facile de reconnaître que la similitude des noms et l'usage de Rome d'envoyer des missionnaires dans les régions païennes forment la base chancelante de son affirmation. Les actes très authentiques de saint Loup, successeur immédiat de saint Rufinien, nous fournissent les seules données que nous possédions sur l'épiscopat de cet évêque. Sa vertu et sa sainteté y sont hautement proclamées. La majeure partie de la population étant encore païenne, Rufinien fut surtout un évêque missionnaire comme ses contemporains. Parmi ses convertis se trouvèrent deux Bayeusains, jeunes gens de famille, de piété et d'intelligence remarquables, sur lesquels il fonda de grandes espérances. Loup et Etienne étaient les noms de ces deux clercs, que Rufinien ordonna diacres. Au cours de la cérémonie, Etienne, divinement inspiré, s'écria en désignant son compagnon : “ Seigneur Pape (ainsi nommait-on les évêques jusqu'en 1093) “ sachez que celui que vous ordonnez diacre à cette heure vous succèdera dans la garde du troupeau de Dieu”. L'évènement confirma la prédiction. Deux ans plus tard, l'évêque consécrateur étant mort, le clergé et le peuple de Bayeux proclamèrent saint Loup pour leur évêque. Il fut consacré par le métropolitain Sylvestre, qui gouverna l'église de Rouen de 434 à 442. A sa mort, Rufinien fut inhumé auprès de ses prédécesseurs, derrière le grand autel de l'église Saint-Exupère, du côté gauche. Longtemps Son tombeau. fut honoré par les fidèles qui s’y rendaient nombreux pour réclamer son intercession. Ses reliques furent profanés en 1793. Ce saint était jadis Invoqué dans les grandes litanies du diocèse et du Saussay l'a inscrit dans son martyrologe des saints de France. En 1688 Monseigneur de Nesmond, évêque de Bayeux, en permit l'office sous le rite semi-double, le cinq septembre. Ce culte n’a pu trouver grâce devant la commission de révision de 1862, qui froidement a évincé du Bréviaire cet évêque dont la tradition et les voûtes de la cathédrale proclament la sainteté. 

     

    Saint Révérend (12 septembre) : Saint Révérend, un des saints les moins connus du diocèse de Bayeux, est, d'après les maîtres de la critique, celui dont les actes sont les plus authentiques. L. Duchesne écrit: “La série Exupère, Regnobert, vient du canon de la messe ou des litanies, en tout “cas d'un document liturgique, où les deux saints étaient nommés l'un après l'autre”. Explication dont l'arbitraire saute aux yeux, clame Dom Leclercq en son Dictionnaire d'archéologie: “La vie de saint Exupère est un accommodement de la vie de saint Regnobert, laquelle procède de la vie de saint Révérend seule sincère”. Aux hypercritiques de trancher la question, si possible. Cette vie de saint Révérend a été écrite par un prêtre nommé Joseph vers 877. Lorsque saint Exupère annonça le premier la religion chrétienne en la cité druidique de Bayeux, il eut parmi ses plus fervents disciples un adolescent de quinze ans, de noble famille, nommé Révérend. Il l'instruisit et le baptisa. Dès le lendemain de son baptême, le jeune néophyte se mit à prêcher sur la place publique. Un jour qu'il s'était rendu au mont Phaunus, il remarqua à la porte du temple païen, un aveugle de naissance, qui réclamait des idoles le bienfait de la vue. “ Crois au Christ, fils de Dieu, lui dit Révérend, et tu seras exaucé”. Tous deux se mettent en route pour aller trouver l'évêque, tout en parlant de la doctrine du Christ. Arrivés aux portes de la ville les yeux de l'aveugle s'ouvrirent et bientôt il reçut le baptême des mains d'Exupère. Le peuple instruit des miracles de saint Révérend, lui amena sept démoniaques qui furent aussitôt guéris ; ce fait émut profondément les assistants et détermina la conversion de plus de cinq cents personnes. Semeur de miracles, le jeune chrétien fut honoré du sacerdoce. Il redoubla de zèle dans son apostolat et les foules se pressaient devant lui. Dans une de ses excursions apostoliques, il entendit un paralytique qui demandait à lui parler, mais ne pouvait avancer à cause de son infirmité. Révérend lui envoya sa houlette pastorale et aussitôt que le malade l'eut saisie, il se mit à marcher. Le saint guérit une multitude de malades, dont une femme affligée d'une perte de sang, si bien qu'il convertit plus de huit cents païens. Son zèle ardent rencontra presque un échec devant les païens du mont Phaunus, centre de la religion druidique; cependant, il put y élever un baptistère dédié à saint Jean, qui devint par la suite une chapelle de saint Révérend. L'apôtre parvenu à un très grand âge fut saisi d'une grosse fièvre, dont il mourut, le premier jour des ides de septembre. Son évêque le fit inhumer dans le sanctuaire bâti par saint Exupère, embryon de la cathédrale de Bayeux. Dans la suite, le corps fut transféré dans un lieu, nommé Cerisy, peut-être Cerisy-la-Forêt (Manche). Vers 934 Fromerius, évêque de Poitiers, rétablissant le monastère de saint Cyprien, ruiné par les Normands, y déposa les reliques de saint Révérend, qui, par crainte des barbares, furent dix ans plus tard, transférées par l'abbé Aymon dans l'abbaye de Sainte Radegonde, où elles furent honorées pendant tout le Moyen-Age. Une parcelle conservée à la cathédrale de Bayeux fut détruite par les Protestants en 1562. Au Sud du hameau de Pouligny, à Saint-Vigor-le-Grand, se trouve une fontaine de Saint Révérend, et la tradition locale dit que le saint avait construit une cellule en ce lieu pour y séjourner. De nombreux objets de l'époque gallo-romaine y ont été découverts. Le manuscrit 121 de la bibliothèque du chapitre de Bayeux, écrit au XIIe siècle, mentionne la fête de saint Révérend, et nous trouvons inscrit dans l'inventaire de 1476 du trésor de la cathédrale “le baston de sainct Révérend, couvert et vêtu de drap de soie, et l'ung des boutz est virolé d'argent blanc”. Le Journal de Trévoux d'avril 1754, publia un article bien documenté sur saint Révérend. ”

     

    Saint Floxel (17 septembre) : Au début du XVIIIe siècle, la multiplicité des églises de la ville de Bayeux causa l'abandon de l'église Saint-Floxel, sise au faubourg de ce nom. Elle avait succédé à une chapelle élevée au VIe siècle en l'honneur de tous les saints, sur le mont Phaunus, par saint Vigor, évêque de Bayeux. Très nombreuses sont les récensions anciennes de la vie de saint Floxel, mais toutes ont pour origine une légende coutançaise du VIIIe siècle, inspirée d'actes primitifs. Ce saint naquit en Cotentin, sur la fin du IIIe siècle. De condition illustre, sa famille l'envoya auprès de Constance Chlore, gouverneur des Gaules, pour y recevoir une éducation conforme aux exigences de son avenir. Ce dernier agrandit et fortifia la vieille cité de Cosedia, qui prit le nom de Constantia, devenu Coutances. Il se rendit à Bayeux, alors Augustodurum, où il voulait officiellement sacrifier à Bélénus, qui avait un temple célèbre sur le Mont Phaunus. Pour rehausser l'éclat de la cérémonie, Constance emmenait avec lui trente jeunes gens de son entourage. De ce nombre était Floxel, qui, loin de vouloir honorer la fausse divinité, mit tout en œuvre pour en détourner ses compagnons. Dénoncé par l'un d'eux, nommé Camarinus, il fut arrêté dans un oratoire chrétien, où il se tenait en prière. Il est amené devant le tribunal du préfet, nommé Valérien, chargé des exécutions. Ni les promesses, ni les menaces ne l'émeuvent. Il est étendu sur le chevalet, flagellé, a la mâchoire brisée, mais les tourments ne font que l'affermir. Le préfet le fait jeter dans un cachot, avec un lion affamé. Un païen, dont le fils était sourd, aveugle et muet, inspiré par l'énergie et les paroles du jeune martyr, pénètre jusqu'aux grilles de la prison et demande la guérison de son fils, qu'il obtient. Et lorsque les bourreaux se présentent, ils trouvent le captif environné de lumière, chantant les louanges divines, auprès du lion étendu mort à ses pieds. Le préfet attribue ces prodiges à des maléfices et fait élever un bûcher pour brûler sa victime. Le jeune homme est précipité dans un brasier ardent, allumé sur le forum. Aussitôt une pluie torrentielle éteint les flammes et Floxel demeure sain et sauf. Valérien lui fait transpercer les mains et la langue ; le martyr supporte ces nouveaux tourments. Enfin, il est décapité en dehors des portes de la ville, le 17 septembre, au milieu d'une foule de chrétiens en pleurs et de païens profondément émus : compagnons, officiers et soldats, dont plusieurs se convertirent. Des mains pieuses ensevelirent le cadavre dans un lieu secret. Quatre mois plus tard, des pêcheurs de son pays d'origine, avertis en songe, vinrent chercher les restes de leur compatriote et le ramenèrent à Duurix. Le 27 février, le corps fut déposé solennellement dans un tombeau au-dessus duquel s'éleva plus tard l'église de Saint-Floxel. Survinrent les invasions des Normands. Transférées d'abord au Mans, les reliques furent ensuite portées à Ruffey, en Bourgogne (912), puis dans une chapelle de Beaune (966), et enfin à la collégiale de cette ville (1265), où, malgré de nombreuses vicissitudes, elles continuent à être honorées. A Bayeux, l'église et paroisse Saint-Floxel furent supprimées en 1709. Le culte lui-même disparut officiellement et ne retrouva sa place, dans les offices bayeusains qu'en 1862. Jadis, les évêques de Coutances, avant de prendre possession de leur siège, se rendaient à une chapelle de Saint-Floxel, patrie du saint, redevient un centre actif de pèlerinages. A Ligny-Saint-Flochel, au diocèse d'Arras, le culte du saint, établi par des pèlerins, soit normands, soit bourguignons, est toujours en honneur. C'est notre Tarcisius normand. Des vitraux modernes de la cathédrale et de l'église Saint-Exupère de Bayeux retracent des scènes de sa vie de martyr. Plusieurs œuvres de jeunesse se sont mises sous son patronage. Il est question d'élever un monument qui rappellerait le lieu de son martyr et l'emplacement de l'ancienne église. ”

     

    Saint Aquilin (19 octobre) : Saint Aquilin est un de ces évêques d'origine gallo-romaine, qui, grâce à l'illustration de leur naissance, à leur éducation soignée et à leur vertu, eurent une grande influence sur la civilisation de leur temps. Le moine bénédictin Hécelon rédigea sa vie vers la fin du XIe siècle, et nous trouvons au siècle suivant son nom mentionné dans un calendrier de Cluny. L'abbé Chevalier mentionne son culte établi à Vienne, en Dauphiné, en 1239. Fils de grands fonctionnaires, Aquilin naquit à Bayeux vers 620 ; après de fortes études, il contracta un riche mariage. Son esprit et sa diplomatie le firent remarquer par le roi Clovis Il, qui se l'attacha et le chargea d'importantes négociations. Habile général, il arrêta les barbares qui sans cesse franchissaient, à l'Est, les barrières du royaume. A son retour, il rencontra sa femme, qui était venue à Chartres pour le féliciter et l'avertir qu'elle avait fait vœu de chasteté pour que Dieu lui conserve la vie sauve. Aquilin accepta volontiers de partager le sacrifice. Les deux époux se retirèrent à Evreux, s'occupant uniquement du soin des malades, de sorte que leur maison devint un véritable hôpital. L'évêque Œtherius étant mort en 650, Aquilin fut proclamé son successeur. Il accepta malgré lui, préférant la vie d'anachorète à celle d'administrateur. En récompense de ses jeûnes, de ses prières et de ses veilles. Dieu le favorisa du don des miracles, à. ce qui lui donna une grande influence sur les païens, encore nombreux dans le pays. Nous le trouvons en 689 avec ses deux compatriotes et amis Annobert, évêque de Séez, et Gerbold, évêque de Bayeux, au concile de Rouen, tenu par saint Ansbert pour la réforme du chant ecclésiastique.  Le biographe de saint Aquilin nous apprend que celui-ci avait prié Dieu de le rendre aveugle, afin que la vue des créatures ne lui fit pas oublier le ciel, et qu'il fut exaucé. Le Pontife mourut après un long épiscopat et fut enterré dans une chapelle qu'il avait élevée dans un faubourg d’Evreux. L'humble oratoire transformé en église paroissiale, est devenu en 1839 la chapelle du petit séminaire. Pour soustraire les reliques du saint à la fureur des Normands, Guntbert, évêque d’Evreux, les transporta en Auvergne. Plus tard, saint Bernon les reçut à Gigny, en Bourgogne, où elles sont conservées et honorées le 19 octobre. Il est patron de Saint-Aquilin-d'Augerons et de Saint-Aquilin-de-Pacy, au diocèse d'Evreux, de Saint-Aquilin-de-Corbion, au diocèse de Séez, et de Frangy, au diocèse de Genève ; l'église de Chignin (Savoie) conservait des parcelles de ses reliques. L'iconographie le représente agenouillé devant un autel avec sa femme, pour rappeler leur vœu mutuel de continence. 

     

    Saint Loup (25 octobre) : D'après les critiques les plus autorisés, les actes de saint Loup sont d'une incontestable authenticité. Ils nous apprennent que ce saint fut le troisième évêque de Bayeux après saint Exupère et qu'il succéda à saint Rufinien. Il gouverna l'église de Bayeux au temps d’Egidius, qui administra les Gaules de 450 à 465. Loup est notre compatriote par sa naissance. Un vieux compte de la paroisse de Saint-Patrice mentionne 90 sols de rente à prendre “sur la maison de saint Loup, faisant le “coin de la rue Laitière”. Il y avait, dans cette maison, une peinture, existant encore au XVIIIe siècle et représentant le saint entre deux anges. Au-dessous, subsistait ce fragment d'inscription : “En l'an 440, du temps de Clodion, roi de France...”. Il fut instruit par saint Rufinien, qui le baptisa, puis l'ordonna diacre avec un autre lévite, nommé Etienne. A la mort de son maître, Loup, qui n'était pas encore prêtre, fut spontanément déclaré évêque par le clergé et le peuple. (Ces élections dites per saltum, étaient exceptionnelles, mais nous en retrouvons des traces dans l'église primitive). Saint Sylvestre de Rouen lui conféra l'épiscopat. Le nouvel évêque fut le père de ses fidèles et un ardent propagateur de l’Evangile. A cette époque de dévastations, les loups infestaient le pays. L'un d'eux, qui avait son repaire dans un bois situé près de la porte Arborée à Bayeux, était la terreur des habitants. Il avait dévoré 28 enfants. Les soldats de la garnison, envoyés contre lui, ne purent l'atteindre. Touché de l'infortune de ses fidèles, l'évêque célèbre le saint sacrifice de la messe et revêtu de ses ornements se dirige vers le repaire de l'animal. A sa vue le loup s'élance sur lui. Le pontife lui saisit le cou avec son manipule, le serre fortement et, l'emmène jusqu'à la rivière prochaine où il le noie. Ce récit pourrait bien être plus qu'une allégorie, Les loups jadis nombreux étaient la terreur de nos ancêtres, et une ancienne voie se dirigeant vers la Drôme est nommée la “Crauloup”. Thaumaturge, saint Loup guérit deux aveugles; favorisé du don de prophétie, il prédit le jour de sa mort et celle de son prêtre Ansioc. Tous deux moururent le 25 octobre 461. Leurs corps mis dans des cercueils de bois, furent enterrés dans l'église Saint-Exupère. 70 ans plus tard, leurs restes furent exhumés et transférés dans une église voisine qui prit le nom de Saint Loup. Le bas relief du XIIe siècle sculpté au-dessus de la porte du clocher représente l’épisode du loup. Au XIe siècle, l'abbé Yves porta les reliques du saint évêque au monastère de Cormery en Touraine, d'où elles furent transférées à Corbeil, auprès de celles de saint Exupère. Un vieil ouvrage intitulé : Les vies et miracles de Saint Spire et Saint Leu, evesques de Bayeux, relate une multitude de miracles dus à l'intercession de ces saints. Au XVIIIe siècle il y avait encore dans l'église Saint-Loup de Bayeux, une grosse pierre sur laquelle se voyait l'empreinte du pied du saint lorsqu'il attendait le monstre. Ce saint est patron de Saint-Loup-Hors, de Saint-Loup de Fribois, de Saint-Loup-Canivet, réuni à Soulangy, de Réveillon réuni à Vaudeloges, et second patron de Saint-Germain-d’Ectot et d'Avenay. 

     

    Saint Vigor (5 novembre) : Saint Vigor est un des célèbres évêques missionnaires de l'époque mérovingienne ; c'est le saint Martin Normand. Sa vie a été écrite entre le VIIe et le IXe siècles, probablement par un curé de l'église Saint-Pierre, fondée par lui, et devenue Saint-Vigor-le-Grand. Il eut pour origine une famille considérable de l'Artois, qui le mit à lécole de saint Waast, évêque dArras. Bientôt l’élève fut admis au nombre des clercs de la maison épiscopale. Il désirait se consacrer entièrement à Dieu. Trouvant dans sa famille un obstacle insurmontable, il la quitta secrètement, en compagnie d'un ami, nommé Théodemir. Après un voyage mouvementé, ils arrivèrent à Reviers. Cette localité, située au croisement de deux voies romaines, leur parut un champ propice pour l'évangélisation. Les disciples vinrent en grand nombre et Vigor fonda un monastère qui fut détruit par les Normands. Là, il ressuscita, à la prière de sa mère, un enfant qui venait de mourir. Un riche seigneur du Bessin, nommé Volusien, dont les terres étaient désolées par un cruel serpent, pria Vigor de l'en délivrer. Le saint aborde le monstre, lui passe son étole au cou et ordonne à Théodemir d'aller le précipiter dans la mer. En récompense, il reçoit le domaine de Cerisy, où fut édiflée une puissante abbaye. Contest, évêque de Bayeux, étant mort, Vigor fut proclamé son successeur et sacré en 515. Il consacra tout son épiscopat à détruire le vieux paganisme. Chassés des villes, les païens s'étaient réfugiés dans les campagnes, principalement sur les hauteurs où ils avaient leurs fana, ou temples. Sur le mont Phaunus, près Bayeux ils adoraient Bélénus, et une statue de femme, qui, semble-til, représentait la Diane antique. Un jour que l'évêque s'y était rendu, il fut accablé d'injures. En vertu de la loi qui accordait au fisc les lieux consacrés au culte païen, le roi Childebert fit don de cette colline à saint Vigor, qui substitua au temple un baptistère dédié aux saints Pierre et Paul. Le mont Phaunus devint le mont Chrismat. Les vieux légendaires rapportent que ce saint chassa des serpents d'un grand nombre de lieux : Cerisy, Saint-Vigor-d'Ymonville, près le Havre, Cambremer, etc. C'est l'image du triomphe du christianisme sur le démon l'antique serpent. Tous les pagi de son diocèse furent évangélisés : le Pays d'Auge avec Cambremer, Crèvecoeur, Saint-Pair-du-Mont, le Cinglais, où nous trouvons sous son vocable les églises de Bretteville, de Donnay, de Villers-Canivet, et des chapelles à Cesny-Bois-Halbout et à Urville ; le pays de Caen avec Colleville, Rots, Colomby-sur-Thaon, Reviers, Louvigny, Maiset, Cheux, Coulombs, Authie; le Bocage où il existe des traces de son passage à Saint-Vigor-de-Maiserets, Danvou, Coulvain, Saint-Vigor-des-Monts, Athis et le Mesnil-Gondouin ; dans le Bessin pullulent les sanctuaires élevés en son honneur. Saint Vigor mourut le ler novembre 637 et fut inhumé dans le sanctuaire du Mont Chrismat, détruit par les Normands au IXe ou Xe siècle. Un clerc de Bayeux, nommé Avitien, s'empara des reliques, ensevelies sous les ruines, et les transporta au monastère de Saint-Riquier. Dans la suite, les ossements furent partagés entre diverses églises, dont Pont-de-lArche, Pontoise, Saint-Waast dArras, Saint-Cyprien de Poitiers, Saint-Vigor près Bayeux sont les principales. Très nombreux sont les monuments concernant saint Vigor : d'anciens fonts baptismaux et un siège en marbre de Vieux (Ve s.), .une inscription de l'église d'Authie (XIe s.), une clef de voûte de l'église de Cheux (XIIe s.), un médaillon de la cathédrale de Bayeux (XIIIe s.), une statue provenant de Crèvecoeur, conservée au Musée des Antiquaires, à Caen, une autre dans l'église de Saint‑Supplix, près Bayeux (XVe s.), etc... Jadis, ce saint était très invoqué contre les incendies. 

     

    Saint Space (10 novembre) : La vie de saint Space est très obscure. Robert Céneau, évêque d'Avranches, dont l'Histoire de la Gaule parut en 1557, nous a laissé seulement trois lignes sur la biographie de ce saint. Du Saussay en son Martyrologe Gallican a copié son prédécesseur en l'amplifiant. Hermant, notre historien diocésain, a développé les données de ses prédécesseurs. Il est vrai qu'à défaut de documents certains, il connaissait les traditions. Il invoque le témoignage de Sébastien Rouillard, en son Histoire de la Ville de Melun, éditée en 1628. Ce dernier semblait craindre que le publie ne confonde saint Aspais, patron de Melun, dont la fête tombe le 2 janvier, avec notre saint Space, inhumé aux Andelys et fêté le 10 novembre. Suivant la tradition, Space naquit hors des murs de la ville de Bayeux, au faubourg Saint-Patrice, devant le marché, dans la maison dite des Poitevins. Ses parents le firent instruire dans la religion chrétienne et il se prépara au sacerdoce. Il se dirigea vers le diocèse de Rouen, soit pour recevoir les ordres sacrés - Bayeux était peut-être privé d'évêque - soit pour exhorter les chrétiens de cette région qui subissaient une violente persécution. Au cours de ses pérégrinations, il fut découvert par les soldats de l'Empereur aux Andelys. Ni les menaces, ni les promesses n'ébranlèrent sa foi : il subit le martyre avec ses compagnons vers l'an 363. A l'oratoire élevé sur son tombeau, succéda d'abord un monastère bâti par sainte Clotilde, puis après sa destruction par les Normands, une collégiale du titre de Notre-Dame, fondée au XIIe siècle. Il ne reste qu'un vague souvenir de ces faits. Hermant raconte qu'il existait dans le chœur et la nef de l'église, de petites cloches nommées les “petits saints”, en mémoire des saints martyrs inhumés en ce lieu. Il ignorait que jadis les cloches se nommaient signa, d'où tocsin, puis saints, et les fondeurs de cloches, saintiers. Le même auteur ajoute qu'en 1682, les chanoines d'Andely, creusant en ce lieu, trouvèrent les tombeaux vides. Sans doute, les reliques avaient été enlevées au temps des invasions normandes, ce qui expliquerait la présence, à la cathédrale de Bayeux, d'un pied et d'un bras de saint Space. En 1562, les Protestants saccagèrent Bayeux et pillèrent les reliques. Un bourgeois de la paroisse Saint-Symphorien, nommé Sénot, acheta ces ossements à celui qui les avait dérobés. Pendant les sécheresses ou les pluies abondantes, il portait secrètement autour de ses champs le précieux trésor caché sous son manteau et il en avait éprouvé l'efficacité. Protestant, ainsi que son père, le fils de cet homme se convertit et restitua les ossements à la cathédrale, où ils sont encore vénérés aujourd'hui, ainsi qu'à l'Hôtel-Dieu de cette ville. Pour conclure, le culte de ce saint est très ancien et n'a jamais été interrompu dans notre diocèse. Le Bréviaire Bayeusain de 1425, conservé à la Bibliothèque Nationale (fonds latin n° 1298), mentionne saint Space au 10 novembre. 

     

    Saint Gerbold (4 décembre) : L’opinion commune fait naître saint Gerbold à Livry, dans le Bessin, où il aurait, dans la suite, fondé un établissement religieux. Il fut élevé au monastère d'Evrecy, gouverné par saint Annobert. L'amour des voyages lointains lui fit gagner les contrées septentrionales, alors désignées sous le nom général de Scythie. Il devint bientôt l'intendant et le familier d'un grand seigneur du pays. Gerbold ayant repoussé avec indignation les honteuses sollicitations de la femme de son maître, fut calomnié et disgracié. Le seigneur le fit jeter à la mer, avec une meule de moulin suspendue au cou. Or, par un miracle éclatant au lieu de s'enfoncer, la pierre surnage, sert de nacelle à la victime et la porte en Neustrie, sur le rivage de Ver. A son arrivée, malgré l'hiver, la campagne et les arbres se couvrent de verdure et de fleurs, ce qui valut à ce lieu le nom de Val-Fleury. Le naufragé s’y bâtit un ermitage et, dans la suite, la renommée de sa sainteté le fit choisir pour successeur à Ragnebert, évêque de Baveux, qui venait de mourir. Lorsque le nouvel élu traversa le village de Saint-Vigor, près Bayeux, pour aller prendre possession de son siège, les fleurs s'épanouirent soudainement sur son passage, d'où le nom de Champ-Fleury, conservé à ce lieu. Désirant restaurer le monastère de Deux-Jumeaux, où des chanoines avaient remplacé les premiers ermites, Gerbold pria Annobert, son ancien maître, d'y envoyer quelques-uns de ses religieux pour y rétablir la règle primitive. Sur ces entrefaites, l'abbé d'Evrecy devint évêque de Séez et il se rencontra, en 689, au concile de Rouen, avec son élève et ami. Rempli de zèle, le pontife travailla activement à réformer les mœurs encore païennes de ses fidèles, et ne pouvant y réussir par la douceur, il les menaça de la colère divine. Ils résistèrent. Dieu les affligea d'une cruelle dysenterie, qui fit de nombreuses victimes. Irrités, les survivants chassèrent ignominieusement leur évêque. En s'éloignant, Gerbold, découragé, jeta, dans la rivière l'Aure, son anneau pastoral, symbole de l'union qu'il avait contractée avec son église, en protestant qu'il ne reviendrait jamais, à moins qu'on ne le lui rapportât. L'épidémie redoubla jusqu'au jour ou un pêcheur retrouva l'anneau dans l'estomac d'un poisson. Frappé de ce miracle, Gerbold rentra à Bayeux et le fléau cessa. L'évêque mourut le 7 décembre 695 et fut inhumé dans l'église Saint-Exupère. Son tombeau fut retrouvé en 1853 et ses reliques furent transférées en la cathédrale de Bayeux, le 6 septembre 1892. Ce saint est le patron de Blainville, la Chapelle-Engerbold, Bernières-le-Patry, Secqueville-la-Campagne, Venoix, Englesqueville, Ailly, réuni à Bernières. Il existait jadis, à Ver, une chapelle de Saint-Gerbold. Le monolithe qui lui tenait lieu de seuil était dénommé Perron saint-Gerbold et passait pour être la meule qui avait été attachée au cou du saint. Le culte de saint Gerbold fut jadis en très grand honneur à Blainville. Un bas-relief sculpté sur le linteau monolithe d'une des fenêtres romanes de l'église, représentait la légende de l'ancienne statue retrouvée par un mouton. Des actes du XIVe siècle mentionnent le "Quemin Saint Grebout". Une curieuse, statue du saint de la même époque figure encore dans l'église, et elle a sa Légende Dorée. Le prénom de Gerbold était jadis souvent donné au baptême. Le patronage de cette paroisse, mentionné sous le titre de Notre-Dame, dans lOrdo diocésain, résulte d'une mauvaise lecture du rédacteur, qui a confondu Bléville, ancien nom de Blainville, avec Biéville, paroisse voisine dédiée à la Sainte Vierge. L'auteur de la farce de l'Avocat Pathelin, connaissait la légende du saint et y fit emprunt dans son ouvrage. 

     

    “Saint Evroult (29 décembre) : L'auteur anonyme de la vie de saint Evroult au VIIIe siècle, écrit que les fidèles venaient depuis longtemps en pèlerinage au tombeau du saint et qu'il s'y faisait de nombreux miracles. Evroult naquit à Bayeux en 627. L'illustration de sa famille le fit admettre à la cour du roi Childebert, où il épousa une femme de haute naissance et de profonde vertu. Après quelques années, les deux époux se séparèrent d'un mutuel consentement pour embrasser la vie religieuse. Evroult se réfugia au monastère de Deux-Jumeaux, près Bayeux, nouvellement fondé par saint Martin de Vertou et que lui-même avait aidé de ses aumônes. Pour lui c'était un port où il serait préservé des écueils de la vie. La gloire qu'il avait fuie en quittant la Cour le poursuivit dans la solitude. Désirant s'adonner complètement à la vie contemplative, il gagna avec trois compagnons la forêt d'Ouche au pays Hiémois. Là les quatre religieux se bâtirent des buttes de feuillage et une chapelle un peu moins indigne, située au-dessus d'une limpide fontaine. Un jour que les moines s'occupaient de défrichement, ils furent surpris par un des brigands qui avaient pour repaire les grottes de la forêt. Voyant qu'il n'avait rien à prendre et touché par la vie austère de ces reclus volontaires, il se convertit et demanda d'être admis dans leur compagnie. La sainteté d'Evroult, confirmée par des miracles, rendit florissante l'abbaye d'Ouche qui prit plus tard le nom du saint. Détruit par les guerres, le monastère fut reconstruit au XIe siècle, par Guillaume Géré, seigneur d'Echauffour, qui y fit venir le célèbre Lanfranc, le futur abbé de Saint-Etienne de Caen et archevêque de Cantorbéry. Elle fut illustrée par Orderic Vital, le premier de nos historiens normands. Saint Evroult mourut le 29 décembre 707. L'église de Mortain est dédiée à ce saint ainsi que de nombreuses chapelles des diocèses de Coutances, Séez, Evreux, Laval, Chartres et Blois. Le diocèse de Bayeux se contente de commémorer sa fête.”

     

    Saint Ursin (30 décembre) : Les origines de saint Ursin sont demeurées, une énigme, mais nous savons qu'il choisit Lisieux pour sa patrie posthume. Sa vie ne nous est guère connue que par un passage de Grégoire de Tours, le père de nos historiens. “La ville de Bourges fut pour la première fois évangélisée par saint Ursin, envoyé dans les Gaules par les disciples des apôtres. Cet évêque y fonda une église qu'il gouverna. A sa mort il fut inhumé dans le cimetière commun aux portes de la ville”. Vers 1055, Hugues d’Eu, évêque de Lisieux, voulant rendre plus solennelle la dédicace de sa cathédrale, qu'il venait d'achever, et trouver un protecteur pour son peuple, affligé d’une cruelle épidémie, se fit confier pour un temps les reliques du saint, et aussitôt le fléau cessa. Le clergé de Bourges ayant réclamé son trésor, la châsse fut remise sur le chariot qui l'avait apportée. Arrivées en dehors de la ville au milieu d’un coteau nommé depuis côte Saint-Ursin, les reliques devinrent si lourdes qu'il fut impossible aux chevaux d'avancer. Elles redevenaient très légères, lorsqu'on les ramenait vers Lisieux. La volonté du saint était manifeste. Son corps fut ramené à la cathédrale et déposé derrière le grand autel, avec ceux de saint Patrice et de saint Bertivin. L'église Saint-Jacques de Lisieux possède un tableau, provenant de la cathédrale avec cette inscription : “Comment les reliques de Monsieur Saint Ursin furent apportées par un miracle en cette église, l'an 1055, par les soins de Hugo, évêque de Lisieux. Ce tableau a été refait sur l'original vieil en l'année 1681, aux dépens de la fabrique”. Vers la même époque, le seigneur d'Epron fit bâtir dans son domaine une chapelle dédiée à saint Ursin, qui depuis est devenue église paroissiale. C'était un lieu de pèlerinage fréquenté par les habitants de la région souvent décimée par les fièvres. Un chemin venant du pays d'Auge à Epron, passant par le bac de Colombelles, portait dans la traversée d'Hérouville le nom de Haute Sente Saint-Ursin. L'ancienne paroisse de Courtisigny, près Courseulles, disparue au XIVe siècle, était sous le vocable de ce saint, qui est encore second patron de Saint-Gatien-des-Bois, au doyenné de Honfleur. 

     

    Saint Baltfride, évêque de Bayeux : La tradition est complètement muette sur saint Baltfride, 23e évêque de Bayeux. Rien de surprenant : il vécut et mourut à l'époque où les Normands, farouches sectateurs d'Odin, ravageaient la Neustrie et voulaient imposer leur religion aux vaincus. Ce prélat dut, par la force des événements, passer une partie de son pontificat hors de son pays. Sa science et son mérite lui valurent l'honneur de faire partie de tous les conciles et grands synodes de l'époque. Sa première souscription donnée en 843, à Germiny, au bas d'une donation pour Corbie, a paru douteuse à Duchesne, mais il souscrivit bien authentiquement à la translation de l'abbaye de Saint-Rémy de Sens faite par l'archevêque Vénilon en 846. Pendant ces temps troublés, les fidèles se dévouaient pour sauver du fanatisme de l'envahisseur les reliques de leurs saints locaux, qu'ils considéraient comme leur plus précieuse sauvegarde. En l’année 846, un Lexovien nommé Hervé, vint secrètement demander à Baltfride, l'autorisation d'enlever les restes de saint Regnobert et de saint Zénon pour les soustraire, à la profanation. Cette question était déjà fortement agitée. L’évêque de Bayeux était alors à Paris, appelé par le roi Charles le Chauve pour se disculper devant un concile d'avoir favorisé le vol de la chasse de saint Regnobert. Les conseillers du roi reconnurent facilement le mal fondé de l'accusation et rétablirent l'inculpé sur le siège épiscopal dont il avait été dépossédé. Rentré à Bayeux, Baltfride accorda avec joie la permission demandée et le 23 mars 847, assisté de Fréculfe, évêque de Lisieux et d'Ansgot, évêque d'Avranches, il consacra à Bayeux, l’église Saint-Sauveur, avec un grand autel qui renfermait les reliques de saint Regnobert et de saint Zénon. Nous le voyons dans la suite assister à tous les conciles de l'époque : au IXe concile de Paris en 849 qui supprima les chorévêques de France ; au concile de Soissons le 26 avril 853, qui confirma Hincmar dans son archevêché de Reims. Enfin, le 25 août 855, il se rendit au concile réuni à Bonneuil-sur-Marne par les métropolitains Amaury, de Tours, Venilon, de Sens, Hincmar, de Reims et Paul, de Rouen, avec 25 évêques et 13 abbés, pour confirmer les privilèges de l'abbaye de Saint-Calais au diocèse du Mans. Les annales de Saint-Bertin nous apprennent que Baltfride fut massacré par les Normands en 858, victime, peut-être, de son attachement aux reliques. La ville de Bayeux fut saccagée et brûlée et le lieu de la sépulture du martyr demeura inconnu. Au XVIIIe siècle, une convulsionnaire extatique nommée Marie Letoc dirigée par l'abbé Heurtin, vicaire d'Evrecy, qui joua un grand rôle dans l'affaire des possessions, voyait dans ses extases Baltfride, évêque de Bayeux, accompagné de Hugues, son grand vicaire. Ils lui disaient qu’ils avaient été martyrisés par les Danois au IXe siècle et que leurs corps reposaient dans une ancienne chapelle attenante à l'église d’Evrecy et bâtie par Baltfride lui-même. Le nom de cet évêque fut peint au XIIIe siècle sur les voûtes de la cathédrale de Bayeux avec l'épithète de saint, que lui décernent aussi, le martyrologe gallican et les historiens locaux. Aujourd’hui sa mémoire et son culte sont tombés dans l'oubli.”

     


    votre commentaire
  • IDE

     Un article extrait du site Ouest-France du 29 septembre 2013 : http://www.ouest-france.fr/normandie/bayeux-14400/sainte-ide-la-belle-inconnue-du-monastere-1040166

    IDE

    « Sainte Ide, la belle inconnue du monastère

    La comtesse Caroline d'Arco-Zinneberg, mère Michelle-Kateri et mère Jean-Marie, Mgr Jean-Claude Boulanger, Véronique Lambert et Horst van Cuyck ont célébré samedi le 900e anniversaire de la mort de sainte Ide. | 

    IDE

    Épouse d'un compagnon de Guillaume et mère de chevaliers des croisades, elle repose depuis 1807 chez les bénédictines. Plusieurs commémorations sont prévues pour les 900 ans de la mort de cette sainte.

    L'histoire
    « Originaire du Pas-de-Calais, je connaissais bien sainte Ide, notamment le culte que lui vouent les habitants de Boulogne-sur-Mer, s'amuse Jean-Claude Boulanger. Nommé évêque de Bayeux, je me suis demandé ce que faisaient ses reliques chez les bénédictines, quand j'ai poussé la porte du monastère. »
    Beaucoup de Bayeusains ignorent que cette descendante de Charlemagne repose depuis plus de deux siècles dans leur ville. Née vers 1040 à Bouillon, dans les Ardennes, Ide ou Ida de Boulogne fait pourtant partie des grandes figures de l'histoire de France. Nièce du pape Étienne IX, elle a épousé le comte Eustache de Boulogne, en 1049. « Eustache faisait partie des compagnons de Guillaume le Conquérant, explique l'historienne Véronique Lambert. Il est d'ailleurs représenté sur la Tapisserie de Bayeux. »
    Mère de Godefroi de Bouillon
    Samedi, une messe célébrée par Mgr Boulanger, suivie d'un repas ont permis de célébrer le 900e anniversaire de la mort de sainte Ide. Une commémoration organisée à l'initiative d'Horst van Cuyck. « Un descendant de Sainte Ide, poursuit Véronique Lambert. C'est lui qui a eu l'idée de mener des recherches sur cette famille. » Une dynastie qui s'est illustrée au Moyen Âge. « Eustache et Ide ont eu trois fils qui ont fait des choses remarquables aux Croisades : le fameux chevalier croisé Godefroi de Bouillon, Baudouin, premier roi de Jérusalem et Eustache, dont le gendre devint roi d'Angleterre. »
    L'histoire des reliques de sainte Ide est tout aussi mouvementée. « En ouvrant son tombeau, quelques années après sa mort, le corps était intact, raconte Véronique Lambert. On a tout de suite pensé au miracle. Décédée le 13 avril 1113, Ide a été béatifiée dès 1130. » Enterrées dans l'église de Le Wast, dans le Pas-de-Calais, ses reliques seront confiées aux sœurs du Saint-Sacrement de Paris en 1669.
    Un hommage lors des Médiévales
    « Après la Révolution, une religieuse les a apportées dans ses bagages chez les bénédictines de Bayeux, poursuit soeur Michelle-Katery, la mère prieure. Depuis 1807, son reliquaire est exposé dans notre église. »
    Le culte de la sainte patronne de Boulogne-sur-Mer est resté bien vivant. « Les jeunes couples venaient à Bayeux pour confier leur famille à Sainte Ide », reconnaît soeur Jean-Marie, mère prieure honoraire. Une tradition qui s'est un peu estompée. « Même si de temps à autre, nous retrouvons une photo d'enfant glissée dans le reliquaire », avoue mère Michelle-Kateri.
    À l'occasion des 900 ans de la mort de sainte Ide, les bénédictines veulent faire connaître cette bienheureuse au parcours hors du commun. « Une autre commémoration est prévue à Bouillon, en Belgique, en août, mais nous souhaitons poursuivre les festivités jusqu'en avril 2014, assure mère Michelle-Kateri. Pourquoi ne pas organiser un hommage à cette figure féminine du Moyen Âge, à l'occasion des Fêtes médiévales de Bayeux. »Éric MARIE. «  OF

    --------------------------------------------------------------------

    Un article extrait de la Voix du Nord du 25 septembre 2016 par BERTRAND SPIERS : http://www.lavoixdunord.fr/49673/article/2016-09-25/chasseuse-de-reliques-elle-retrouve-un-os-de-sainte-ide-dans-un-coffret

    BOULOGNE

    « Chasseuse de reliques, elle retrouve un os de sainte Ide dans un coffret !

    IDE

    On doit à une historienne belge, Véronique Lambert, médiéviste de formation, d’avoir (re)découvert la relique de sainte Ide à la cathédrale de Boulogne. Elle en a même fait sa spécialité  : elle est chasseuse de reliques, en quelque sorte, à travers l’Europe  !

    La généalogie permet de remonter le temps. C’est un peu ce qu’a fait une historienne belge, Véronique Lambert, de Courtrai. À l’origine, c’est à la demande d’un Flamand, Horst Van Cuyk, persuadé d’être le descendant d’une des sœurs de Godefroy-de-Bouillon, dénommée Ide comme sa mère, la fameuse sainte Ide. La jeune Ide épousa le seigneur du pays de Cuijk à la frontière des Pays-Bas et elle est considérée comme fondatrice de sa famille.

    Sollicitée par Horst van Cuyk, Véronique Lambert a fait d’importantes recherches pour retrouver les ossements de sainte-Ide, disséminés un peu partout en France mais aussi en Europe. C’est elle qui a retrouvé le fameux coffret qui se trouvait dans la sacristie de la cathédrale, un peu oublié de tous. Ce qui ne lasse pas de surprendre l’historienne tant la personnalité d’Ide de Boulogne, épouse d’Eustache II qui batailla aux côtés de Guillaume le Conquérant pour prendre le trône d’Angleterre lors de la fameuse bataille d’Hastings (1) en 1066, il y a donc tout juste 950 ans, est un personnagé-clé de cette époque.

    Jusqu’en Autriche On sait peu de choses sur Ide de Boulogne, morte le 13 avril 1113 en l’abbaye de La Capelle qu’elle avait fondée (Les Attaques aujourd’hui près de Calais). Sa dépouille fut transportée à l’église de Le Wast pour y être enterrée. On lui attribue une série de miracles et un culte local mais qui tomba en désuétude. Sa châsse fut ouverte en 1669, cinq siècles après sa mort, et les ossements transportés précieusement à Boulogne puis à Paris. De là, ces reliques prirent la route de Bayeux au XIXe siècle où ils se trouvent encore. Enfin pas tous. Car plusieurs ossements furent placés dans diverses reliques dont celles retrouvées à Notre-Dame-de-Boulogne mais aussi dans l’église d’Ostrohove et celle de Le Wast. L’abbaye de Wisques, près de Saint-Omer, en possède également, tout comme la famille Van Cuyk, dans une chapelle qui lui est dédiée... en Autriche.

    Ces reliques étaient le plus souvent placées dans de précieux coffrets parsemés de pierreries. Celui de la cathédrale de Boulogne a disparu. On le voit encore sur des photos de 1913. Qu’est-il devenu depuis ? Mystère ! Une intrigue supplémentaire placée sur la route de Véronique Lambert, qui finira peut-être un jour par la retrouver...

    Eustache II de Boulogne a-t-il tué le roi Harold d’Angleterre ?

    Au XIe siècle, le comté de Boulogne était très important d’un point de vue stratégique et économique. La majorité du trafic avec l’Angleterre transitait par le port de Wissant, notamment la laine pour la draperie flamande. Eustache II a tenté d’accroître son pouvoir par des alliances politiques et familiales. Ennemi d’Harold Godwinson, le comte le plus puissant de l’Angleterre, Eustache s’allie avec Guillaume le Conquérant et joue un rôle important dans la bataille d’Hastings en 1066.

    Une flèche dans l’œil

    Les récits relatifs à son rôle exact dans la bataille diffèrent. Un autre auteur anglais estime même que c’est lui qui a tué le roi Harold d’une flèche dans l’œil  ! Malgré les largesses du nouveau roi Guillaume en sa faveur, Eustache, qui ne manque pas d’ambition, retourne sa veste une fois rentré à Boulogne et attaque en 1067 le château d’Odon de Bayeux à Douvres. L’attaque est un fiasco : un membre de sa famille est fait prisonnier, le comte condamné et les terres qu’il détenait en Angleterre confisquées. Les ambitions d’Eustache allaient probablement plus loin que l’acquisition de quelques fiefs, peut-être aussi loin que la couronne, estime l’historien américain dans son livre.

    Dans la Tapisserie de Bayeux, si le rôle d’Eustache est bien souligné, la narration laisse place à de nombreuses ambiguïtés. «  Un Normand pouvait lire l’histoire officielle de la conquête de l’Angleterre, tandis qu’un partisan d’Eustache II pouvait interpréter la Tapisserie fort différemment  », précise Véronique Lambert. »


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique