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BARBE
BARBE
Patronne des mineurs, des artilleurs et des pompiers. Fête le 4 décembre.
Sainte Barbe - Église de Courcy (Calvados)
« BARBE - Sainte Barbe est la patronne des arquebusiers, des chasseurs et des marins. On donne son nom à la partie du vaisseau qui renferme la poudre. Elle préserve des incendies et du tonnerre, parce que ceux qui lui firent souffrir le martyre furent miraculeusement tués par la foudre du ciel (1).
A dire le vrai, on ne sait ni le temps, ni le pays où elle vécut, ni le nom de son père, qui lui fit couper la tête parce qu'elle était chrétienne. Cependant les légendes racontent longuement l'histoire de sa vie et de ses miracles. Mais les légendaires étaient peut-être aussi inspirés par l'esprit saint.
Quoi qu'il en soit, le corps de sainte Barbe était à la fois en Egypte, à Venise et à Plaisance. Il est encore dans ces deux dernières villes ; et en même temps l'on montre à Rome, dans l'église qui porte son nom, sa tête et son voile. Les feuillants de la rue Saint-Honoré, à Paris, avaient aussi des reliques de cette sainte; et tant d'églises se vantaient de participer au même avantage, que toutes les reliques de sainte Barbe auraient chargé plusieurs voitures à six chevaux. On en a perdu quelques débris dans ces derniers temps. On raconte que, comme sainte Barbe était vierge, lorsqu'on lui coupa la tête, elle ne saigna que du lait (2) ; et l'on montrait dans plusieurs couvents, surtout en Italie, des fioles pleines du lait de sainte Barbe. (1) Voyez Ribadéneira , 4 decembre. (2) Henri Etienne , Apologie pour Wrodntc , chap. 36. »
Extrait de Critique des reliques et des images miraculeuses par J.-A-S. Collin de Plancy. Tome Premier, Paris Guien et Compagnie, Libraires, Bd Montmartre 1821.
GRAYE-SUR-MER :
"M. le Curé m'a confirmé l'ancienne existence d'une très vieille confrérie ; d'autre part, nous savons que le prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge était patron. Souvenir de cette confrérie ou de ce prieuré : un "portrait" de la sainte, en profil, réencadré, est relégué dans le bas de la nef de Graye. C'est une naïve peinture du XVIIIème siècle."
in "Saints guérisseurs, saints imaginaires, dévotions populaires" par Jean Seguin, 1929, rééd. Lib. Guénégaud Paris 1978.
MOLAY-LITTRY (Le) :
"Sainte Barbe avait sa fête patronale (dimanche suivant l'Ascension) à la mine de Littry".
in "Saints guérisseurs, saints imaginaires, dévotions populaires" par Jean Seguin, 1929, rééd. Lib. Guénégaud Paris 1978.
MÉZIDON-CANON :
"Toute la légende de sainte Barbe tourne, autour de l’ambiguïté du feu : vivant à Héliopolis (la ville du soleil) en Egypte, elle n'en voit pas les rayons puisque son père la séquestre dans une tour hermétique. Après son martyre, un 4 décembre, son indigne père est frappé par la foudre. Pour cela elle est patronne des mineurs, des artilleurs et des pompiers. Sa célébrité en Pays d'Auge provient du fait que son plus ancien lieu de culte en France, enrichi de reliques venues d'Edesse en Orient, se situe à Ste.-Barbe-en-Auge (prieuré du XIe siècle situé en Ecajeul près de Mézidon)."
in Randonnées et Patrimoine en Pays d'Auge, T.III, de J. Lalubie (1987).
“Création de Mézidon : En 987, Hugues Capet monte sur le trône de France. Quelques années plus tard, en 1035, Guillaume le Bâtard devient duc de Normandie. Ce dernier réside souvent à Falaise et a en grande estime le seigneur d'Ecajeul, Odon Stigand. Son fief est situé sur les bords de la Dives, sur la rive droite, non loin d'un endroit où l'on peut passer ce cours d'eau à gué. Ce passage relie un petit hameau d'Ecajeul, nommé Ecajolet, à la rive gauche qui s'appelait alors Canon. Il y a encore entre la Dives et son affluent le Laizon, qui coule plus à l'Ouest, de nombreux bois qui s'étendent du nord de Falaise jusqu'au confluent des deux rivières. Ce sont d'ailleurs ces bois et bosquets qui sont à l'origine du nom d'une petite paroisse avoisinante : Le Breuil.
Et Mézidon, me diriez-vous ? Eh bien, il n'en n'est pas question à cette époque. Et nous voici en l'an de grâce 1050. Odon, seigneur d'Ecajeul, reçoit son suzerain le duc Guillaume. Ce dernier, qui sait que le seul gué sur la Dives depuis la mer est celui situé sur les terres d'Odon, décide de protéger ce point stratégique et demande au seigneur d'Ecajeul de construire une forteresse près du gué. Bientôt un véritable château s'éleva à l'endroit prévu par Guillaume. Il est difficile aujourd'hui d'en situer l'emplacement exact; cependant, on peut supposer qu'il se dressait entre les deux bras existant alors. L'ensemble principal, avec une première enceinte, devait couvrir de chaque côté de la route actuelle les maisons et jardins avoisinants. Une deuxième enceinte, plus éloignée, devait englober la mairie actuelle, l'église Notre-Dame construite sur l'emplacement de la chapelle du château et la caserne des pompiers.
Je me souviens que les ouvriers qui firent la tranchée pour recevoir la citerne à essence de la station-service se heurtèrent à d'énormes dalles de pierre qui ne pouvaient être venues là naturellement. On en trouva également sous le préau de l'école (la caserne des pompiers). Ces découvertes semblent confirmer cette hypothèse. Ce château, qui devait être assez important, était donc construit à Ecajolet, dont la petite église Saint-Martin était située à gauche de la voie qui conduisait à Ecajeul. Le nouveau fief ainsi créé sur la paroisse d'Ecajeul fut agrandi de terres retirées à Canon sur la rive gauche de la Dives. Odon Stigand ajouta alors à ses titres celui de baron de Mézidon, en latin Mansion Odonis, autrement dit maison d'Odon. Peu à peu, ce nom se transforma pour devenir Mezedon, puis Mézidon, forme que nous connaissons aujourd'hui. J'ai pu constater que cette orthographe existait déjà sur une très vieille carte du XVIe siècle. Les armoiries de Mézidon étaient "de gueule à écusson d'argent en abîme accompagné de huit étoiles d'or".
Ce premier baron de Mézidon était un personnage connu et estimé. Au début du xi- siècle, il avait accompagné le duc Robert le Diable à Jérusalem en 1035. Ce dernier étant décédé là-bas, il y était resté quelque temps après la mort du duc. De retour en 1050, il se vit confier la construction de la forteresse par Guillaume. Il était de ceux qui se trouvaient souvent auprès du duc de Normandie. Il nous est d'ailleurs resté un texte qui illustre les sentiments de celui-ci à son égard.
En 1064, après avoir battu Herbert, comte du Mans, Guillaume ramena en Normandie la jeune sœur de ce dernier, Marguerite, fiancée à Robert Courteheuse, héritier du duché. Guillaume la confia à Odon pour l'élever, en prendre soin et l'éduquer d'une manière digne d'elle. Voici la traduction du texte historique, œuvre du moine Ordéric Vital, qui nous a laissé de nombreux témoignages sur son époque : "Le duc envoya la belle Marguerite à Stigand, qui était le puissant Seigneur de Mézidon, afin qu'il l'élevât convenablement. Mais, avant d'avoir atteint l'âge de se marier, elle fut heureusement soustraite par la mort aux séductions du monde et on l'inhuma dans le monastère de la Sainte-Trinité de Fécamp.”
En 1066, lorsque Guillaume va s'embarquer pour la conquête de l'Angleterre, Odon, trop âgé, ne peut suivre, mais il va faire un voyage à Rouen vers la fin octobre, et c'est dans cette ville qu'il s'éteint le 17 novembre 1066. Il est inhumé dans le cloître de la grande abbaye de Saint-Ouen de Rouen, en présence de Manville, archevêque de Rouen, de Roger de Beaumont, chancelier du duché, et d'un grand nombre de seigneurs normands. Tous ces détails nous permettent de conclure qu'il était un personnage hautement honoré dans le duché.
Au moment de la fondation de Mézidon, Odon avait trois fils : Odon, Robert et Maurice, et deux filles, Cécile et Agnès. Cécile se consacrera à Dieu dans la grande abbaye que la reine Mathilde avait fondée à Caen, sous le vocable de la Sainte Trinité en 1066. Ce couvent (abbaye aux Dames) existe encore de nos jours.
Le vieil Odon avait donc accompagné le duc Robert à Byzance. Il faut souligner que les empereurs appréciaient particulièrement les compagnies de mercenaires normands qui leur servaient de gardes du corps. Lorsque le duc Robert meurt à Nicée en 1035, Odon rentre peu après en Normandie, puisque son fils, également appelé Odon, naît en avril 1036. Ce dernier, comme d'ailleurs son plus jeune frère Robert, se rendra au Moyen-Orient. Il y sera très apprécié par l'empereur Isaac 1er Comnenus, qui en fera le commandant de sa garde personnelle. Cette faveur était due à ses qualités de soldat, mais aussi à sa connaissance parfaite du grec et d'autres langues, dit la chronique. Il servait donc d'interprète. La garde était précédemment composée d'eunuques, mais Isaac ler voulait se libérer de cette coutume.
La chronique dit également que le jeune Odon a des connaissances pour soigner les hommes, les chevaux et les oiseaux. Il s'est intéressé et tente de préserver l'héritage médical de l'antiquité. Ceci, d'ailleurs, en continuation de la politique suivie en la matière par les empereurs de Constantinople. Les oiseaux sont particulièrement protégés dans leurs jardins et leurs réserves. Odon est chargé de cet entretien. C'est sans doute pourquoi, rentré en Normandie, il créa le premier zoo d'Europe de l'Ouest en Angleterre.
Son jeune frère Robert rapportera quelques reliques de sainte Barbe, ce qui représente un réel privilège. Il existait une chapelle dédiée à cette sainte dans le palais impérial. Ces reliques lui furent donc données par l'empereur, en récompense des bons et loyaux services des deux frères. Robert rentre vers 1055. Si l'on sait que Odon, son frère aîné, était encore à Constantinople pour le couronnement de Constantin X le 25 décembre 1059, les deux frères ont dû s'y trouver ensemble. Mais tandis qu'Odon, commandant de la garde, interprète, médecin et vétérinaire, séjourne habituellement au Moyen-Orient, Robert lorsqu'il rentre, profite de la renommée de son aîné pour en tirer quelques profits. En effet, outre les reliques de sainte Barbe, il rapportera de l'or et des pierres précieuses, en particulier des topazes très à la mode chez les Normands. En 1066, il prend part à la conquête de l'Angleterre avec le duc Guillaume.
Sainte-Barbe supplante saint Martin : Lorsque Robert rentre du Moyen-Orient avec les reliques de sainte Barbe, martyre de Nicomédie, son frère Maurice est très gravement malade. Les reliques opèrent une guérison miraculeuse et, très vite, il est hors de danger. Le vieil Odon, qui avait cru perdre son fils, conçut alors une très grande vénération pour la sainte et fit transporter solennellement ses restes dans l'église Saint-Martin d'Ecajolet. Il dotait l'église de revenus suffisants à l'entretien de six chanoines qu'il chargeait de garder les restes précieux et de chanter quotidiennement l'office divin. Un dixième des droits perçus lors du marché du samedi matin qu'il avait créé revenait à la communauté ainsi qu'un liard versé par chaque propriétaire foncier au lendemain de la foire Saint-Martin le 12 novembre. Désormais cette église, devenue un sanctuaire protégé par le vénéré baron de Mézidon, allait connaître une popularité croissante. On accourait de toute la Normandie et, dit-on, de nombreux miracles s'accomplissaient.
Le culte ainsi rendu à sainte Barbe fit oublier celui de saint Martin et, peu à peu, le lieu changea de nom et l'on parla de Sainte-Barbe en Auge.
En 1058, Odon Stigand renouvela et compléta ses donations par une charte qui fut confirmée par le duc Guillaume. Pour la première fois, nous relevons dans le texte latin le nom du seigneur de Mézidon : Stigandus de Manso Odonis, soit en français : Stigand de Mez Odon, mez signifiant maison au nord de la Loire.
En 1066, Odon laissait en dot à sa fille Cécile, qui prenait le voile à l'abbaye de la Sainte-Trinité de Caen, le patronage et les dîmes des églises de Falaise et de Guibray qui lui appartenaient.
Après la mort d’Odon Stigand, la baronnie échut à son fils Maurice, qui alla habiter le château fort, construit en bois comme cela se faisait à l'époque, ce qui explique son incendie futur. Il abandonnait ainsi le vieux manoir ancestral du Bois du Prieuré. En souvenir de sa guérison, il entreprit la construction d'une nouvelle église ; en effet, en raison de l'affluence des pèlerins, l'ancienne chapelle était devenue trop petite. Cette nouvelle église, beaucoup plus grande, comportait deux clochers. On construisit également deux cloîtres, un mur d'enceinte et des bâtiments dont quelques-uns ont échappé aux destructions de la période révolutionnaire. Le portail actuel de la ferme de Sainte-Barbe a été reconstruit sur l'emplacement de l'ancien. Il nous reste deux bâtiments: la grange aux dîmes, acquise dernièrement par la ville, et un bâtiment de la ferme appelé le dortoir des moines. Sa toiture a brûlé et a été détruite. Elle a été refaite en matériaux modernes en 1988.
Le baron de Mézidon, seul rescapé de la Blanche Nef
A la mort de Maurice, son frère Robert étant décédé sans descendant en 1086, il n'y eut pour hériter qu'une jeune fille, Agnès, que l'on a pensé être la sœur de Maurice et de Robert. Je croirais plutôt qu'il s'agissait de la fille de Maurice, qui portait le même prénom que sa tante, peut-être aussi sa marraine. Cette petite-fille de Odon Stigand se trouvait être d'un âge beaucoup plus en rapport avec celui de son mari Rabel ou Raoul de Tancarville, qui devint ainsi le troisième baron de Mézidon.
Ce dernier reprocha à ses beaux-parents d'avoir été trop généreux avec les chanoines installés à Sainte-Barbe. En tant que suzerain, il refusa de ratifier une donation faite au profit de la communauté par l'un de ses vassaux guéri miraculeusement. Il réclama pour lui-même les biens du défunt. Hélas, peu après, il tomba gravement malade. Sur les instances de sa femme, il promit alors de se montrer plus juste et de signer la ratification de la donation. Ayant ainsi soulagé sa conscience, il ne tarda pas à recouvrer la santé ; de plus, il devait par la suite échapper à une bien plus terrible catastrophe.
Le royaume de Guillaume le Conquérant était tombé dans les mains de son troisième fils Henri après la mort de son frère Guillaume le Roux. Mais le deuxième fils Robert s'était fait reconnaître duc de Normandie par une assemblée de barons normands. Henri ler avait donc été obligé de venir reconquérir son duché. Vainqueur de Robert et de ses alliés de Flandre et d'Anjou, il avait fait reconnaître son fils Guillaume comme héritier par les seigneurs normands. Cela fait, il envisageait de rentrer en Angleterre.
La traversée devait s'effectuer sur le vaisseau royal, mais tous les jeunes nobles décidèrent de suivre sur le vaisseau de Thomas, fils d'un guerrier normand Étienne, à bord duquel le Bâtard était parti pour la conquête de l'Angleterre. Le bateau de Thomas était neuf et déployait ses voiles blanches - d'où son nom, La Blanche Nef - dans le port de Barfleur. Joyeusement, les enfants du roi et toute la jeunesse se précipitèrent sur le nouveau vaisseau. Ils suivaient la route du bateau du roi quand un choc terrible éventra la carène. La mer pénétra en grondant dans la coque et les malheureux naufragés ne purent que pousser un grand cri de misère qui fut entendu de la nef du roi, où l'on pensa qu'il s'agissait de cris de jeux. Un seul jeune homme put se cramponner à la grande vergue. C'est de lui que l'on connut des détails de ce drame. Il s'appelait Rabel de Tancarville, baron de Mézidon. Nous étions en 1120 et Raoul, pensant à une nouvelle intervention miraculeuse de sainte Barbe en sa faveur, décida d'accorder de nouveaux bienfaits à la communauté.
En 1128, les chanoines successeurs de ceux qu'avait installés Odon n'avaient pas une conduite très édifiante. Raoul décida de les remplacer par des chanoines réguliers de l'Ordre de Saint-Augustin, de sorte que Sainte-Barbe, de collégiale qu'elle était, devint prieuré. Raoul lui donna ce qu'il possédait sur la rive droite de la Dives, couvert comme aujourd'hui de riches pâturages. Cette donation fut ratifiée par une charte de Henri ler, duc de Normandie et roi d'Angleterre. Les témoins furent le comte de Gloucester, Guillaume de Varenne, Robert de Leicester, Jean évêque de Lisieux, Toutain archevêque d'York et le fils de Raoul, Guillaume de Tancarville.
Le prieuré reçut également de Eudes de Canon des terres situées à Mesnil Mauger et ailleurs. La renommée du prieuré s'étendit à toute la région et de nombreux visiteurs et pèlerins affluèrent vers ce centre important de vie intellectuelle et religieuse. ”
In Mézidon-Canon et ses environs, Vie et Images du Passé – Ville de Mézidon-Canon, 1991.
“ Les reliques. On n'imagine guère de nos jours de lieu de culte d'un saint sans sa statue, son "image". Au XIe siècle, il y avait des peintures murales mais pas de statues en ronde-bosse. Par contre il y avait des reliquaires. On sait que, fuyant les pirates Vikings, moines et clercs de nos diocèses emportèrent avec eux, et souvent fort loin, les corps saints de leurs monastères et églises. C'était pour eux des trésors plus précieux encore que les vases sacrés et autres richesses mobilières. Une des conséquences; de cet exode fut de propager, à grande distance le culte de plusieurs saints pré normands dont l’audience serait peut-être restée régionale. Le cas le plus extraordinaire fut sans doute celui du Cotentinais saint Marcoul, devenu à Corbény, non loin de Reims, saint dynastique. La dispersion au loin des châsses fut cruellement ressentie lors de la réorganisation religieuse du duché. Pas de culte possible sans reliques. Or la “récupération ” s'avéra très difficile. L'abbaye Saint-Ouen de Rouen eut la chance de se foire restituer, dès le Xe siècle, le corps de son saint patron, et cela explique certainement son importance comme lieu de pèlerinage au XIe siècle. Quelques corps saints avaient pourtant été "oubliés" in situ. Quelle aubaine de les retrouver après la tourmente. Ce fut le cas de saint Evroul dont le corps fut rependant volé par Hugues de France en 946 et emporté à Orléans. Les moines du Mont-Saint-Michel retrouvèrent le corps de saint Aubert vers 1012. Ceux de Saint-Wandrille, en 1026, le corps de saint Wulfran dont la châsse parcourut le diocèse lors des grandes épidémies médiévales. On retrouva saint Contest à Bayeux, saint Sever au lieu qui porte son nom ; mais un commando venu de Rouen le transporta à la cathédrale métropolitaine. Les rapts de reliques furent choses courantes, masqués par de pieuses légendes, par exemple la châsse qui se fait trop lourde pour aller plus loin d'où l'origine du culte de saint Hildevert à Gournay-en-Bray. Et puis il y eut des supercheries : le pauvre évêque de Bayeux, Odon de Conteville, frère utérin du duc Guillaume, se vit attribuer par les gens de Corbeil, les restes mortels d`un paysan, alors qu'il attendait le corps de saint Exupère. L'évêque de Sées, plus heureux, réussit à se faire restituer les ossements de saint Latuin, son premier prédécesseur que conservait l’église d’Anet, mais cela seulement en ... 1970 !
Finalement on dut, un peu partout, se contenter de parcelles osseuses. Les corps saints, partis intacts au IXe siècle, furent véritablement dépecés. Les châsses firent place aux reliquaires. Notons que les premières statues en ronde-bosse furent presque toutes des reliquaires, telle celle de sainte Foy à Conques. Mais, grâce à cette fragmentation, devenue courante et universelle, la Normandie vit arriver des reliques de saints qui lui étaient totalement étrangers, et ce tut l'origine d'un mouvement d’importation qui allait se poursuivre tout au long des siècles. Ainsi s'implantèrent chez nous au XIe siècle les cultes de sainte Catherine, de sainte Barbe, de sainte Madeleine, de sainte Foy, de saint Valentin, de saint Blaise. C'est l'époque où les monastères commencèrent à se constituer leurs trésors de reliques, le Mont-Saint-Michel par exemple, comme l'indique Robert de Torigni. ”
In Guillaume le Conquérant et son temps - catalogue d’exposition – Art de basse-Normandie n°97 – Hiver 1987-1988.
“ Même origine, et à peu près à la même époque, pour la dévotion à sainte Barbe. Son plus ancien lieu de culte en France pourrait bien être le prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge. Toute légende mise à part, ce fut assurément l'arrivée de reliques venues d'Orient à Saint-Martin-d'Ecajeul qui détermina la fondation du prieuré Sainte-Barbe, dont le premier acte remonte à 1055. ”
in Le culte populaire et l’iconographie des saints en Normandie – Etude générale – par le Dr Jean Fournée – Société Parisienne d’Histoire et d’Archéologie Normandes, N° spécial des cahiers Léopold Delisle, 1973.
PÉRIGNY :
“ Statue de sainte Barbe du XVIème siècle en pierre polychrome dan l’église : Cette statue rustique était autrefois très honorée à Périgny. Les habitants proclamaient que sainte Barbe avait toujours préservé leur paroisse du tonnerre, d'où le dicton “ Tant qu'en cette église Barbe on vénérera, Périgny du tonnerre elle préservera ”. ”
in Le Patrimoine des Communes du Calvados, Flohic Éditions, 2001.
PÉRIGNY / AUBERVILLE / LÉCAUDE / POTIGNY / BANNEVILLE-SUR-AJONC / VIENNE-EN-BESSIN :
“ Vierge et martyre du IIIe siècle. Selon la légende qui nous retrace sa vie, elle est née à Nicomédie (Asie Mineure). Ses parents étaient de riches païens. Elle fut élevée sévèrement et son père, redoutant la présence d'hommes à ses côtés, la fit enfermer dans une tour. Il prétendit lui faire épouser de force un fiancé qu'il avait choisi seul. Elle refusa de lui obéir et se convertit à la religion nouvelle. Son père l'ayant menacée, elle s'enfuit. Elle fut arrêtée et remise au gouverneur romain. Ce dernier lui imposa un supplice d'une grande cruauté. Après les coups, après l'exposition publique, on lui trancha les seins. Finalement, c'est son père lui-même qui la décapita. La tête de la malheureuse, précise la légende, frappa le sol. A ce moment, un orage d'une rare violence éclata et le père fut terrassé par la foudre. Ce fait légendaire explique la vocation protectrice de sainte Barbe (par ailleurs patronne des pompiers) et le culte qui lui est rendu.
Ce culte ne se répandit pas tout de suite en Occident. Le retour des reliques détenues en Orient entraîna une vague de miracles parmi lesquels un certain nombre de guérisons.
En Normandie, sainte Barbe est fêtée en de nombreux endroits. Dans le Calvados, à Périgny (canton de Condé‑sur‑Noireau), la tradition veut que la sainte soit invoquée pour préserver de la foudre. On allait prier au pied de la statue placée dans l'église Saint-Julien. Les sollicitations n'ont sans doute pas totalement cessé. A Auberville (canton de Dozulé) comme à Lécaude (canton de Mézidon‑Canon), la sainte est priée pour la protection contre la foudre. La chapelle Sainte‑Barbe de Potigny, de construction récente, ne semble pas étrangère aux mêmes besoins de sécurité, ici touchant, autrefois, les dangers de la mine. A Banneville‑sur-Ajon (canton de Villers‑Bocage), la sainte protège de la même manière. L’église de Vienne‑en-Bessin (canton de Ryes) possède une statue de sainte Barbe. On considère ici que la protection touche les problèmes liés aux orages et à la mort subite. ”
in Les saints qui guérissent en Normandie, tome 2, d'Hippolyte Gancel, éditions Ouest-France 2003.
VIENNE‑EN‑BESSIN
“ Statue de sainte Barbe, XVIe siècle en calcaire dans l’église Saint‑Pierre‑et‑Saint‑Gorgon : Sainte Barbe est représentée avec ses attributs : la tour, la plume et le livre. La tour rappelle l'histoire selon laquelle elle est enfermée dans une tour par son père et s'en échappe en perçant une fenêtre. La fondation de l'abbaye Sainte‑Barbe-en‑Auge, en 1055, marque certainement le début de ce culte très populaire en Normandie. Sainte Barbe protège contre la foudre et contre la mort subite, elle est aussi la patronne des artilleurs, des carriers et des mineurs. Une légende récente s'attache à cette statue : les anciens du village assurent qu'en 1944, après un bombardement qui touche la commune et épargne l'église, cette statue est retrouvée, retournée face contre le mur. ”
in Le Patrimoine des Communes du Calvados, Flohic éditions 2001.
VIRE :
"La sainte était patronne des tisserands".
in "Saints guérisseurs, saints imaginaires, dévotions populaires" par Jean Seguin, 1929, réédition. Lib. Guénégaud Paris 1978.
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