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GERBOLD
GERBOLD ou GERBAUD
Evêque de Bayeux au VIIème siècle : mort vers 690-695. Moine d'Ebriciacum sous l'abbé Alnobert, il devint ensuite abbé fondateur de Livray, puis évêque de Bayeux. Fête : 12 juin ou le 7 décembre.
BAYEUX :
"689 (Evêque de Bayeux). Inhumé à Saint-Exupère."
in Monographie d'un canton type : Canton de Bayeux par E. Michel (1911), Office d'édition & de diffusion du livre d'histoire 1994.
Concernant ce saint, voir aussi l’article ci-après extrait de : Les saints dans la Normandie médiévale – colloque de Cerisy-la-Salle, 1996 ; Presses Universitaires de Caen, 2000. Chapitre : “ Les reliques de la cathédrale de Bayeux ” par F. Neveux.
"Église St Exupère : La fondation de l'église remonte à une époque très ancienne. Plusieurs des premiers évêques de Bayeux y furent inhumés. L'église actuelle a été remontée au XIXe.
En 1679 Mr Bier curé de St Exupère, à l'occasion de travaux dans le choeur, étudia les sépultures des saints évêques. Il en trouva 7. Les ossements furent partagés entre diverses personnes afin d'en faire des reliques. On trouve : St Rufinien sous le maître autel, St Manvieu au pied du mur méridional, entre l'autel et la tour ; St Contest, au nord devant l'autel de St Clair; St Patrice, au midi devant l'autel de la Sainte Vierge ; St Gerbold, contre le mur septentrional, entre l'autel et la sacristie ; St Frambold, sous le crucifix ; St Geretrand, proche, à sa gauche.
Le curé dit aussi s'être procuré les restes de St Regnobert et St Zénon, son diacre qui, ainsi que St Exupère et St Loup furent enterrés dans cette église.
Le tombeau de St Exupère est sous le maître autel. En 1853, l'abbé E. Le Comte, curé de St Exupère, fit des fouilles dans les caveaux où furent inhumés les premiers chefs de l'église de Bayeux. Cette recherche récente fut couronnée de succès. Une crypte a été construite à cette époque pour recevoir tous ces vénérables restes."
in Églises et chapelles du Bessin de Dominique Achard ; éditions de Neustrie 1999.
BAYEUX-VER-SUR-MER :
"Il s'était fixé en Angleterre chez un riche seigneur. Des jaloux l'accusèrent auprès de son hôte d'avoir abusé de sa confiance. Ce dernier n'écoutant que sa colère conçut contre le fautif une terrible vengeance. Après lui avoir attaché au cou une très lourde pierre il le fit jeter à la mer. Miraculeusement, la pierre se mit à flotter, procurant au saint ermite une providentielle embarcation qui, le vent aidant, le conduisit sur le rivage du Bessin. On était aux jours les plus rigoureux de l'hiver, et cependant, à l'instant où saint Gerbold posa ses pas sur le sol normand la campagne se couvrit de verdure et de fleurs. Le lieu s'appela désormais Ver c'est-à-dire printemps. Le saint établit à Crépon un ermitage. Sa piété fut si grande, si communicative sa ferveur, que la population le désigna par élection pour occuper le siège épiscopal de Bayeux. Mais, hier comme aujourd'hui, l'opinion du peuple était fort versatile. Le saint tant vénéré fut bientôt bassement critiqué au point qu'il décida de quitter la ville et de renoncer à jamais à ses fonctions épiscopales, en jetant son anneau à la mer et en affirmant qu'il ne reviendrait à Bayeux que le jour où il rentrerait en possession de cet anneau. Or, il arriva que peu de temps après son départ une effroyable épidémie de dysenterie décima la population de la région. Effrayés et convaincus qu'ils subissaient une punition divine, les Bayeusains envoyèrent une délégation auprès du saint pour implorer son pardon et demander son retour. L'ermite rappela son exigence de ne revenir à l'évêché qu'en possession de son anneau. C'est alors qu'un nouveau miracle se produisit. Un pêcheur se présenta ayant découvert le dit anneau dans le ventre d'un poisson qu'il venait de pêcher. Alors Bayeux retrouva son évêque et la santé."
in Légendes de Basse-Normandie par E. Colin (1992).
Frédéric Pluquet raconte la légende : "Saint Gerbold vivait dans le septième siècle ; il demeurait en Angleterre, chez un riche seigneur, lorsqu'il lui arriva précisément la même aventure qu'à Joseph chez Putiphar. Son maître irrité lui fit attacher une meule de moulin au cou et le fit jeter à la mer. Aussitôt la pierre devint légere comme du liège ; la corde se détacha, et le saint, placé sur sa meule, vogua paisiblement vers les côtes du Bessin. Il aborda à Ver, dans la saison la plus rigoureuse de l'année, et la verdure et les fleurs naquirent de tous côtés sous ses pas ; c'est depuis ce temps que ce lieu a été appelé Ver. Le saint s'établit à Crépon, sur les bords du ruisseau de Provence, où il se construisit un petit ermitage. Sa sainteté, et surtout ses miracles le firent nommer à l'évêché de Bayeux. Lorsqu'il en prit possession, les rues par où il passa se trouvèrent miraculeusement jonchée des fleurs les plus rares et les plus odorantes. Malgré tout ce luxe de miracles, les Bayeusains ne tardèrent pas à se dégoûter de leur évêque et le chassèrent ignominieusement. Saint Gerbold jeta de dépit son anneau pastoral dans la mer, en disant qu'il ne reviendrait dans son diocèse que lorsqu'il l'aurait retrouvé. Pendant son absence, les habitants de Bayeux furent affligés de lienterie et d'hémorroïdes ; ils ne tardèrent pas à reconnaître leur faute, et envoyèrent prier saint Gerbold de revenir parmi eux. Il eut pitié de leurs maux, retrouva son anneau pastoral dans le corps d'un poisson qu'on servait sur sa table, revint à Bayeux, et la maladie cessa. Les gens de la campagne appellent encore les Bayeusains clichards ou foireux, et c'est à cette vieille tradition que Pathelin fait allusion dans la farce de ce nom.
Hé Dea! j'ai le mau Sainct-Garbot,
Suis-je des foireux de Bayeux?
Les playes Dieu! Qu'esse qui s'ataque
A men cul? Esse une vaque,
Une môque ou un escarbot?
Jehan du Quemin sera joyeux.
Bée, par Sainct-Jehan, je bérée
Voulentiers à li une fée.
Dans le supplément au Glossaire de Du Cange (Glossarium mediae et infimae latinitatis), au mot Senescalcus (Sénéchal), on trouve l'épitaphe suivante, qui a aussi rapport à cette tradition :
Cy gist l'Encal Cranctor,
Ly fut qui cacha S.Gerbot ;
Len mal le prit le jour de Pagues,
D'enpeux sen ventre n'ut relague.
Ha Dieu! Combien il chia!
Dite po ly Ave Maria." (in F. Pluquet)
Marthe Moricet ajoute : "Rabelais, lui, essaie de rattacher à l'histoire de Gargantua la tradition des foireux ou des clichards de Bayeux. Il raconte que Gargantua s'en vint au Pays d'Auge pour y goûter le cidre tant vanté. Mais il en but tant que la diarrhée le prit. "Et quand il fut à Bayeulx, il fut forcé qu'il se destachast ses chausses à la martingale : et déclicqua en sorte et manière qu'il couvrit toute la ville de cidre qu'il avait beu, en telle manière que les rues ne sont pas encore bien nettes ; et pour ceste cause, on les appelle les foyreux de Bayeulx". Tous ces textes fournissent - notons au passage ce nouveau cas - un exemple d'interférences entre une tradition orale et des écrits qui s'en inspirent. A noter encore qu'il existait, à Ver-sur-Mer, voici un siècle environ une autre croyance traditionnelle relative à Saint-Gerbold. Près de la chapelle du saint, poussait une herbe qui rendait invisible celui qui la cueillait (Jules Lecoeur, Esquisses... T.1)."
in Récits et Contes des Veillées Normandes de Marthe Moricet (1963).
"Donc, voici qu'aborde à l'embouchure de la rivière de Ver un chrétien qui deviendra évêque de Bayeux. Tout lecteur averti aura fait le rapprochement avec la vie de saint Vigor de Reviers. L'ordo diocésain soigneusement révisé, ne nous propose qu'une date presque certaine sur saint Gerbold : "vers 689". Mais, alors que saint Vigor reçoit un culte dans 26 églises du diocèse (plus celles d'autres diocèses, et dans deux monastères (dont Saint-Vigor-le-Grand), le rayonnement de saint Gerbold est bien plus modeste malgré l'abondance et la variété des légendes greffées sur sa vie. Il est le patron de 5 ou 6 paroisses du diocèse. Mais, quelle que soit la faiblesse des données historiques, un pèlerinage s'est réellement établi à Ver, sans qu'on en connaisse bien l'histoire, en ces années obscures des temps mérovingiens. Commençons par les données historiques, puis nous évoquerons rapidement les légendes, enfin nous nous étendrons plus longuement sur les traces de son culte qui subsistent même dans les noms des rues de Ver et dans le hameau de la Rivière. Au milieu du XVIIe siècle, la revue "Neustria Pia", utilisant un auteur fiable du siècle précédent, nous apprend que Gerbold assista au concile provincial de Rouen, tenu, probablement en 682 ; sous la présidence de l'archevêque Ansbert. C'est peut-être dans la vie, XIe siècle, de cet archevêque que les auteurs ont puisé leurs renseignements. L'abbé J. Laffetay, dans "Histoire du diocèse de Bayeux", parue en 1855, écrit : " L'abbé Delarue dit que l'on trouve, dans le VIIIe siècle un monastère à Evrecy. Cedulfus en fut le premier abbé et fondateur. Sous l'épiscopat de saint Gerbold les moines se révoltèrent contre leur abbé qui voulait les obliger à la stricte observance de la règle. Ce qui fut la cause que saint Gerbold réunit l'abbaye d'Evrecy à celle de Deux-Jumeaux, et mit saint Annobert, abbé d'Evrecy, à la tête des deux communautés réunies." Un prêtre contemporain, l'abbé Marcel Jullien, curé de Guéron, qui a passé au crible les récits de la vie des premiers évêques de Bayeux et recherché l'endroit de leurs sépultures, écrit, en 1964, que les écrivains du diocèse sont partagés sur la fin de la vie de saint Gerbold : les uns voulant qu'il ait été inhumé dans le monastère de Livry qu'il avait fondé, d'autres que ce soit à Bayeux, "hors les murs", au lieu où sera édifiée l'église de Saint-Exupère "apud sanctos", c'est à dire près des tombes des "saints" (premiers évêques). Les partisans de Livry se basent sur une indication fournie par Molanus en ses "additions au martyrologue d'Usuar" qu'il il édita en 1663 : "Apud Baiocas, in monasterio Liberiaco, depositio Sti-Gerebaldi, praefatae urbis episcopi" - à Bayeux, au monastère de Livry, inhumation de saint Gerbold, évêque dudit évêché - Molanus précise que c'est le même jour où l'on célèbre tel autre saint, permet de dire : le 7 décembre. La thèse de l'inhumation à Bayeux a eu l'appoint de l'autorité épiscopale, mais c'est à propos des enquêtes sur les sarcophages du sous-sol de l'église Saint-Exupère et les conclusions de ces recherches, basées sur des a priori, paraissent bien arbitraires. Voilà tout ce que nous savons sur la vie de saint Gerbold. Tout le reste, même s'il fut longtemps dans les leçons des bréviaires bayeusains, n'est que légendes, colportées par des conteurs et des ménestrels, "remake", en affabulations exaltées, de la vie, elle aussi en partie légendaire quoique plus basée, du grand saint Vigor, de Reviers. Nous en donnerons des aperçus, en annexe de ce chapitre. On y verra que notre personnage, arrive lui aussi par mer (les Saxons!) à l'embouchure de la Riparia de Ver, se fit remarquer par sa sainteté, fut élu évêque par la ferveur populaire, puis, rejeté dut se réembarquer, ce qui accabla, en représailles, de malheurs les riverains. Gerbold revint sur une meule de moulin, tout refleurit sur son passage et les habitants lui établirent un lieu de culte. Beaucoup de contes populaires rajoutent encore d'autres détails, pas toujours du meilleur goût, sur les maux de la population quand elle eut rejeté le saint évêque. Il nous faut maintenant exposer en détail le développement du culte de ce saint car c'est là que nous trouverons des preuves qui renforceront les maigres données authentiques de sa vie.
Le culte de saint Gerbold : Toute affirmation reposant sur une ancienne tradition, toute relique, authentique ou non, peuvent créer un centre de prière ou de pèlerinage qui, s'ils ne devient pas des dogmes reçus ou de la vraie morale reconnue, peuvent devenir sources de grâces. Cela ne veut pas dire que les reliques de base soient par la même authentifiées, mais que, vu la faiblesse des investigations, un riche centre de prière a pu se créer de bonne foi. L'Ordo liturgique du XVIIIe siècle, peu critique, se contente de dire que le culte de saint Gerbold est "ancien et traditionnel". Des édifices religieux lui sont dédiés, et c'est important, car il est fort rare que l'on change le saint patron d'une église ou d'une paroisse. Ces églises sont : Venoix, Bernières-le-Patry, Blainville-sur-Orne et peut-être Secqueville-la-Campagne et Englesqueville (où il y aurait eu autrefois une procession à Saint Gerbold). Il est patron secondaire d'autres édifices, comme par exemple, Pont-Farcy. Hors du diocèse, on cite Dailly. Il serait invoqué dans une grotte, à Notre-Dame-des-Cloüettes (devenu "des Chouettes"), diocèse de Sées. Chapelle et statue à Saint-André-de-Chartres. Mais, surtout, selon "Neustria Pia", 1663, "il est prié dans une chapelle de la paroisse de Ver près de l'endroit où il aurait débarqué". Nous aurons, plus tard, des précisions absolues sur ce lieu. Voilà pour les références anciennes. Son culte a continué puisqu'il avait sa fête indiquée dans la liturgie bayeusaine, avec leçons au bréviaire reprenant assez complaisamment sa légende. On a scrupuleusement conservé et rénové la fresque qui le représente en buste et en ornements, sur la voûte du sanctuaire de la cathédrale. Son nom est aussi indiqué dans la dernière chapelle latérale, côté midi, avant le transept. Et la revue Bajocana 1915-1917 complète, page 284 : "In capella Sti Petri et Pauli sunt tria benefficia ; primum de ipsis Petro et Paulo, secundum sancto Gerebaldo, tertium Sancta Radegunda." La même revue Bajocana donne, page 316, une photo pleine page d'un bas-relief qui était en cette chapelle, pierre de 0,88 m sur 0,61, mutilé en 1562. Derrière la chape du saint qui présente un personnage à la Vierge laquelle tient son enfant, on voit nettement une roue avec une chaîne, représentation traditionnelle des "armoiries" de saint Gerbold, thème repris au XIXe siècle dans une sculpture à l'intérieur de l'église de Ver, envers de la façade, un peu cachée par l'adjonction plus tardive d'une tribune. Encore une autre précision rapportée dans un numéro du bulletin "Agriculture, sciences et belles-lettres de Bayeux", page 211, au sujet de cette chapelle Saint-Gerbold : "La tierce est fondée en l'honneur de M. Saint-Gerbold dont le chapelain doit une messe par septmaine ; et est ladite chapelle, en la donation du septmainier" - "Cette fondation avait 100 livres de revenu".
Le fait que l'église paroissiale de Ver soit dédiée à saint Martin alors qu'on s'attendrait à une église Saint-Gerbold peut être utilisé en preuve de l'antiquité du culte de saint Gerbold. Il ne peut y avoir, dans une paroisse, deux édifices dédiés au même saint. L'église, construite vers 1100, fut dédiée à saint Martin parce qu'il y avait déjà une chapelle Saint-Gerbold.
La chapelle Saint-Gerbold de Ver-sur-Mer : L'existence d'un lieu de culte et de pèlerinage à Saint-Gerbold à Ver ne peut être niée. De nombreuses cartes reproduisant le territoire de Ver portent, à l'endroit où le ruisseau se jette dans la mer "Hameau Saint-Gerbold" ou "Saint-Gerbold" seulement ; parfois aussi "la Rivière". De tout temps on a montré ou indiqué une "Source Saint-Gerbold" à 300 mètres en aval du Moulin de la Roque et à 200 mètres du lieu dit "les Sources", près de la ferme de la famille Calenge. Le chanoine Michel Béziers, du Chapitre de Bayeux, historien apprécié, écrit, dans le tome II de son oeuvre "Histoire du diocèse de Bayeux", vers 1770, en parlant du lieu de ce petit pèlerinage : "On y voit encore les ruines d'une chapelle qui fut abattue en 1562 par les calvinistes. Elle était sur le penchant d'une colline qui regarde la mer, auprès d'une fontaine, et sur le bord de la petite rivière Provence. On montrait encore, au temps de Cénalis (1483-1560, évêque d'Avranches) la pierre appelée Perron de Saint-Gerbold sur laquelle il aurait abordé..." Même affirmation de l'abbé Laffetay, en 1855 : "La chapelle de Saint-Gerbold, à Ver, était située au lieu même où aborda le saint évêque, après avoir été miraculeusement sauvé des flots. Les protestants la ravagèrent en 1562 ; plus tard, elle fut ruinée par un incendie. Il existait aussi à Englesqueville un pèlerinage en l'honneur de saint Gerbold ." L'abbé Laffetay est un historien bien documenté ; on lui reproche parfois un manque de sens critique : prudence de chanoine? Il n'apporte pas sans raison une petite modification au texte de Béziers. Maintenons donc : chapelle ravagée, puis incendiée. Monsieur Gérard Pouchain va nous apporter, dans son intéressante monographie sur Asnelles et son histoire, une nouvelle précision. Après avoir évoqué les légendes greffées sur la vie de saint Gerbold, il écrit : "Une chapelle fut construite à Ver, comme l'indique la bulle du 20 novembre 1495 d'Alexandre VI, qui accorde une indulgence de cent jours aux pèlerins qui se rendent à cette chapelle le premier jour de fête après Pâques : On y fit des fouilles après sa destruction par les calvinistes." Résultat négatif. Curieusement, c'est la guerre qui allait réactualiser le site du hameau Saint-Gerbold.
En mai 1944, les membres de la famille Lélédier, voyant que les maisons ne donnaient pas un abri sûr contre les bombardements, continuèrent une tranchée commencée par les Allemands, dans un pré leur appartenant et situé juste en face de leur demeure. A leur grande surprise, ils rencontrèrent de nombreux ossements, desséchés, mais non réduits en poussière. En continuant la tranchée, ils remarquèrent qu'ils n'étaient pas jetés là, comme dans un charnier, ni séparés comme dans un cimetière. Au bout d'une dizaine de mètres, ils s'aperçurent que les ossements déviaient à angle droit, comme si les ensevelisseurs avaient rencontré un obstacle. Comme nous commencions, en 1994, à étudier l'histoire de Ver, il vint à la pensée de différentes personnes que nous pouvions très bien nous trouver sur les fondations de la chapelle dédiée à saint Gerbold. M. Angenault nous fit savoir que, sur le cadastre Napoléon - 1809 - étaient en effet signalées en cet endroit, les ruines d'un petit édifice carré ne devant pas dépasser 25 m2. Par tout cela se trouvait confirmée l'existence d'un site religieux antique à l'extrêmité de Mont-Fleury et près de l'endroit où, traditionnellement, on montrait la source dite "de Saint-Gerbold". Récapitulons : à l'extrêmité nord du promontoire, une surélévation en forme de carré d'environ 2 mètres de hauteur pouvant indiquer un petit camp gallo-romain - nous en avons parlé. Au même lieu, sépultures creusées à même le roc et recouvertes de dalles de pierre comme le prouvent les photocopies communiquées par la famille Leledier, tombes reconnues par une société d'archéologie qui les aurait datées du IIIe siècle Regrettons que les résultats, sans doute écrits quelque part, n'aient pas été communiqués aux vérois. Une grosse carrière a du, autrefois, ébouler la plus importante partie de ces tombes. En contrebas, source dite de Saint-Gerbold, toujours existante, juste en face de la carrière - puis les mystérieux ossements humains à 200 mètres, au carrefour du chemin du Voie et de la rue de la Rivière - avec possibilité que le petit bâtiment ruiné soit celui indiqué d'une façon précise comme chapelle par le chanoine Béziers avant la Révolution. Vous venez de lire "Chemin Du Voie". Toujours intéressé par l'éthymologie des noms - ce qui lui avait permis de donner, il y a 23 ans, l'explication du nom Calvados, "Calvum dorsum" ou "Calva dorsuosa" - l'auteur de ces pages fut intrigué par le nom de cette petite route qui borde son pavillon de retraite. Que le masculin : "du Voie" ait été conservé - les cadastres en font foi - après tant de siècles de grammairiens (nous sommes au pays de Malherbe !) posait un problème en rendant impossible l'identification avec le mot "voie" au féminin, "la voie", "via" en latin. En pensant que le V et le W francisques avaient dû se prononcer "ouad", comme le W anglais, l'auteur trouva dans un dictionnaire une dérive latine du mot "Wadum", "Vadum" = gué, devenu "voie", que l'on retrouve en ce sens à l'origine des noms de trois ou quatre bourgades en France dont le sens est reconnu et expliqué par le mot "gué" (Par exemple : Voipreux - Marne - en latin "Vadum Petrosum" : gué pierreux). Le ruisseau de Ver, la Riparia du XIIIe siècle descendant de 55 mètres en moins de 6 kilomètres devait être, plus que de nos jours, sujet à des crues. On y remédia par l'amélioration industrieuse d'un gué qui permettait aux voyageurs ou pèlerins d'approcher de la source et de la chapelle Saint-Gerbold en évitant le voisinage marécageux des sources cent mètres plus bas. "L'Impasse de la rivière" pourrait être l'organe témoin du chemin menant au gué et le chemin du lavoir sa continuation sur l'autre rive. Le "Perron de Saint-Gerbold" reste mystérieux. Des traditions disent qu'au XVe siècle on montrait encore la pierre de la légende là où le saint avait débarqué. Le sens actuel du mot perron ne remonte pas au-delà du XVIe siècle. Auparavant, il signifiait énorme pierre, endroit caillouteux, mais aussi chemin de pierres (près du gué de la rivière?) Si ce mot perron ne peut s'identifier au mot éperon ("l'éperon rocheux") qui, lui, dérive du mot germanique utilisé pour le cheval, il resterait cependant, en forçant un peu dans les suppositions, que le Perron Saint-Gerbold put désigner, dans les temps très anciens, la hauteur visible de loin, surtout en mer, du camp gallo-romain à sépultures, dominant l'endroit où aurait débarqué le saint ? !...
La légende de saint Gerbold : La légende de saint Gerbold ne vaut la peine d'être racontée que pour expliquer la manière dont le saint évêque est évoqué, surtout dans les bas-reliefs anciens où on le voit accompagné d'une roue. Il serait venu d'Angleterre où il avait été condamné à cause des mensonges d'une femme dont il aurait repoussé les avances. - On reconnaît ici le passage du récit biblique où Joseph, fils de Jacob, est emprisonné à cause des calomnies de la femme de Putiphar, - (le bas d'un vitrail de l'église reproduit ce thème). Condamné à être noyé, on l'attacha à une meule de moulin... qui flotta - Gerbold est un nom saxon, comme nous l'avons expliqué ; il vint donc, lui ou ses aïeux, de la Saxe, et par la mer. Miraculeusement, il arrive sur sa meule à Ver - le saint de Ver ne pouvait en avoir moins fait que son voisin de Reviers (dont la vie est moins fantaisiste : saint Vigor = Vigh Hard). Quand il monte la hauteur, tout refleurit sur son passage, d'où le nom de Mont-Fleury. Et on explique que Ver vient du mot latin Ver qui veut dire printemps. Malheureusement pour la démonstration, Ver vient de verne, nom d'un arbre, l'aune. Gerbold va à Crépon (plus connu au Moyen-âge que Ver) où il est remarqué puis choisi comme évêque de Bayeux - ce qu'il était vraiment en 687-689. Mais les commandements de Dieu sont exigeants, et on n'aime pas qu'un évêque les rappelle avec trop d'insistance. Bousculé, indigné, Gerbold s'embarque à Ver, jette dans la mer son anneau pastoral et déclare qu'il ne reviendra pas avant que les habitants l'aient repêché. Malheurs sur malheurs pour les habitants du Bessin punis. Et là, les trouvères en rajoutent à plaisir et un peu vulgairement... (passons). On recherche, on retrouve l'anneau et Gerbold revient acclamé - enfin ! - par tous. On ne nie pas que le Seigneur puisse faire tous les miracles, mais que ceux-ci aient eu lieu à Ver, c'est une autre chose!..."
in Histoire de Ver-sur-Mer par l'abbé Jean Marie, éditions Charles Corlet 1995.
“Chapelle Saint Gerbold : Il n'en reste rien aujourd'hui mais Arcisse de Caumont (Statistiques Monumentales Tome III ‑ 1857) pense qu'elle se trouvait à 2 km de l'église, près d'un cimetière. La légende prétend qu'elle fut bâtie là où St Gerbold futur évêque de Bayeux, débarqua d’Angleterre après une navigation miraculeuse sur une meule de pierre. Voici ce que nous dit Jules Yard : "Un gracieux récit, glané dans la vie de Saint Gerbold, nous le montre, traversant miraculeusement la Manche, sur la meule d'un moulin, qu'une haine jalouse lui avait imposée, en vue d'un inéluctable trépas. Ayant abordé sur une plage neustrienne, il s’aventure dans la campagne ravagée par l'hiver. Malgré la mauvaise saison, les fleurs et la verdure se seraient épanouies sous ses pas, charmants souvenirs perpétués par les appellations de "Val Fleury" et de "Mont Fleury", colline que domine actuellement un phare très important au triple éclat de lumière. Le nom latin de printemps anticipé (VER) a marqué pour les siècles le village de Ver..."
En 1495 une bulle pontificale de Rodrigo Borgia plus connu sous le nom de Alexandre VI fut émise en faveur des habitants de Ver. C'est sur le lieu où St Gerbold érigea sa cabane d'ermite que fut construite la chapelle que nous évoquions plus haut. Tous venaient là invoquer le Saint ermite évêque à propos du salut éternel, bien entendu, mais surtout lorsque la "dyssentrie tenaillait les entrailles". On vénérait aussi la "pierre flottante" appelée "le perron de Saint Gerbold".
Par bulle pontificale, Alexandre VI accorda le 20 novembre 1495, une indulgence “ à perpétuité, de 100 ans aux personnes visitant la chapelle", également dédiée à Saint-Martin, le premier jour de fête après Pâques.... On attribue aux calvinistes la disparition de la Chapelle et du Perron de Saint-Gerbold. A Ver, accolée aux terres de l'église, on trouve enfin la grange aux dîmes, perçues jadis au profit du Chapitre de la Cathédrale de Bayeux.”
In Eglises et chapelles du Bessin par D. Achard, Caen Ed. de Neustrie 1999.
BLAINVILLE-SUR-ORNE :
Dans l'église, "devant la chaire une statue, peinte en diverses couleurs, représente Saint-Gerbold patron de l'église. Quand le curé Richard restaura l'église, il voulut mettre Saint Gerbold à l'extérieur. D'après la tradition le curé fut atteint de dysenterie "ce mal dont St.-Gerbold frappa les bayeusains ingrats". Le curé Richard ne fut guéri qu'après avoir remis la petite statue en place."
in La Côte de Nacre et son arrière pays de Y. Bocquel (1982).
“Saint Gerbold (4 décembre) : L’opinion commune fait naître saint Gerbold à Livry, dans le Bessin, où il aurait, dans la suite, fondé un établissement religieux. Il fut élevé au monastère d'Evrecy, gouverné par saint Annobert. L'amour des voyages lointains lui fit gagner les contrées septentrionales, alors désignées sous le nom général de Scythie. Il devint bientôt l'intendant et le familier d'un grand seigneur du pays. Gerbold ayant repoussé avec indignation les honteuses sollicitations de la femme de son maître, fut calomnié et disgracié. Le seigneur le fit jeter à la mer, avec une meule de moulin suspendue au cou. Or, par un miracle éclatant au lieu de s'enfoncer, la pierre surnage, sert de nacelle à la victime et la porte en Neustrie, sur le rivage de Ver. A son arrivée, malgré l'hiver, la campagne et les arbres se couvrent de verdure et de fleurs, ce qui valut à ce lieu le nom de Val-Fleury. Le naufragé s’y bâtit un ermitage et, dans la suite, la renommée de sa sainteté le fit choisir pour successeur à Ragnebert, évêque de Baveux, qui venait de mourir. Lorsque le nouvel élu traversa le village de Saint-Vigor, près Bayeux, pour aller prendre possession de son siège, les fleurs s'épanouirent soudainement sur son passage, d'où le nom de Champ-Fleury, conservé à ce lieu. Désirant restaurer le monastère de Deux-Jumeaux, où des chanoines avaient remplacé les premiers ermites, Gerbold pria Annobert, son ancien maître, d'y envoyer quelques-uns de ses religieux pour y rétablir la règle primitive. Sur ces entrefaites, l'abbé d'Evrecy devint évêque de Séez et il se rencontra, en 689, au concile de Rouen, avec son élève et ami. Rempli de zèle, le pontife travailla activement à réformer les mœurs encore païennes de ses fidèles, et ne pouvant y réussir par la douceur, il les menaça de la colère divine. Ils résistèrent. Dieu les affligea d'une cruelle dysenterie, qui fit de nombreuses victimes. Irrités, les survivants chassèrent ignominieusement leur évêque. En s'éloignant, Gerbold, découragé, jeta, dans la rivière l'Aure, son anneau pastoral, symbole de l'union qu'il avait contractée avec son église, en protestant qu'il ne reviendrait jamais, à moins qu'on ne le lui rapportât. L'épidémie redoubla jusqu'au jour ou un pêcheur retrouva l'anneau dans l'estomac d'un poisson. Frappé de ce miracle, Gerbold rentra à Bayeux et le fléau cessa. L'évêque mourut le 7 décembre 695 et fut inhumé dans l'église Saint-Exupère. Son tombeau fut retrouvé en 1853 et ses reliques furent transférées en la cathédrale de Bayeux, le 6 septembre 1892. Ce saint est le patron de Blainville, la Chapelle-Engerbold, Bernières-le-Patry, Secqueville-la-Campagne, Venoix, Englesqueville, Ailly, réuni à Bernières. Il existait jadis, à Ver, une chapelle de Saint-Gerbold. Le monolithe qui lui tenait lieu de seuil était dénommé Perron saint-Gerbold et passait pour être la meule qui avait été attachée au cou du saint. Le culte de saint Gerbold fut jadis en très grand honneur à Blainville. Un bas-relief sculpté sur le linteau monolithe d'une des fenêtres romanes de l'église, représentait la légende de l'ancienne statue retrouvée par un mouton. Des actes du XIVe siècle mentionnent le "Quemin Saint Grebout". Une curieuse, statue du saint de la même époque figure encore dans l'église, et elle a sa Légende Dorée. Le prénom de Gerbold était jadis souvent donné au baptême. Le patronage de cette paroisse, mentionné sous le titre de Notre-Dame, dans lOrdo diocésain, résulte d'une mauvaise lecture du rédacteur, qui a confondu Bléville, ancien nom de Blainville, avec Biéville, paroisse voisine dédiée à la Sainte Vierge. L'auteur de la farce de l'Avocat Pathelin, connaissait la légende du saint et y fit emprunt dans son ouvrage.”
in Cinquante Saints Normands, étude historique et archéologique de Frédéric Alix ; Société d’Impression de Basse-Normandie, Caen 1933.
“ Statue de saint Gerbold, XVe et XVIe siècles en pierre polychrome, dans l’église Saint-Gerbold : Cette petite statue représente saint Gerbold, patron de l'église paroissiale. Selon la tradition locale, le curé Richard aurait voulu, tandis qu'il restaurait l'église, mettre la statue à l'extérieur. Il aurait alors été atteint de dysenterie, “ ce mal dont saint Gerbold frappa les Bayeusains ingrats ” et n'aurait guéri qu’après avoir remis la statuette à son emplacement initial. ”
in Le Patrimoine des Communes du Calvados, Flohic éditions 2001.
ENGLESQUEVILLE-LA-PERCÉE :
“ Chapelle Saint-Gerbold au hameau de Crosville du XIIIème siècle en pierre. Confondue avec les bâtiments d'une ferme, la petite chapelle gothique Saint-Gerbold a été en grande partie reconstruite depuis le XIIIème siècle, toutefois des fenêtres en lancettes existent encore. Elle était autrefois un lieu de pèlerinage très fréquenté, le lundi des Rogations et le lundi de la Pentecôte, par les paroisses des doyennés d'Isigny et de Trévières. D'après la tradition, un saint évêque de Bayeux, persécuté, est venu habiter à cet endroit, où on lui rapporta l'anneau pastoral qu'il avait jeté dans l'Aure avant son départ. A 300 mètres se trouve la fontaine où le saint venait puiser l'eau. Le premier chapelain en est Guillaume du Maresc en 1224, et le dernier est Jacques Féret pendant la Révolution. Rien ne subsiste du mobilier de la chapelle, qui sert aujourd'hui de grange, à l'exception d'une statue de saint Gerbold. L'équipage du chalutier Saint-Gerbold la sort à chaque fête de la mer à Port-en-Bessin. ”
in Le Patrimoine des Communes du Calvados, Flohic éditions 2001.
LE TRONQUAY / LIVRY / LA CHAPELLE-ENGERBOLD / ENGLESQUEVILLE-LA-PERCÉE :
“ Dans le Calvados, le culte s'est maintenu, Gerbold ayant été évêque de Bayeux. On le prie ainsi au Tronquay (canton de Balleroy) où des reliques du saint sont conservées dans l'église Saint‑Jacques. Il est présent à Livry (canton de Caumont-l'Eventé). Dans l'église placée sous son vocable à La Chapelle-Engerbold (canton de Condé‑sur‑Noireau), se trouve, en particulier, une toile le représentant. Le saint y est prié. A Englesqueville‑la‑Percée (canton d'Isigny-sur‑Mer), existe une chapelle dédiée à saint Gerbold. Anciennement, de nombreux pèlerinages s'y rendaient. Il existe une fontaine toute proche dont l'eau aurait des vertus miraculeuses. ”
in Les saints qui guérissent en Normandie, tome 2, d'Hippolyte Gancel, éditions Ouest France 2003.
TRONQUAY (LE) :
“ Reliques de Saint Gerbold, église Saint-Jacques : Dans la chapelle, côté sud, le tabernacle de l'autel est vitré à la façon des cinq reliquaires qui l'entourent. Trois d'entre eux enchâssent des reliques de saint Gerbold, évêque de Bayeux qui, selon la légende, aurait débarqué à Ver-sur-Mer avec une meule de pierre au cou. Il arrive d'Angleterre où un seigneur, le soupçonnant de trahison, le fait jeter à la mer. Par miracle, il ne coule cependant pas. Les reliques du saint, mort en 695, sont transférées au Tronquay vers la fin du XIXe siècle, après la reconstruction de l'église. ”
in Le Patrimoine des Communes du Calvados, Tome 1, Flohic Editions 2001.
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