• LOUP

    LOUP ou LEU

    Troisième évêque de Bayeux selon la tradition au Vème siècle (vers 465). Deux communes du Calvados portent son nom : Saint-Loup-de-Fribois et Saint-Loup-Hors. Fête : 25 octobre.

     

    BAYEUX :  

             "Cinquième siècle. Né à Bayeux, dans une maison de la rue Laitière, en face de la porte de l'ancien palais épiscopal. Inhumé à Saint-Exupère."

    in Monographie d'un canton type : Canton de Bayeux par E. Michel (1911), Office d'édition & de diffusion du livre d'histoire 1994.

    "Des six premiers évêques du diocèse de Bayeux, il y a de cela un millénaire et demi environ, cinq ont été mis au rang des saints de l'église catholique. Seul le second, Rufinien, échappa - Dieu sait pourquoi ... - à cette canonisation que conféraient, en ces temps lointains, la faveur et la ferveur populaires, bien avant les patientes procédures du Saint-Office. Du troisième, Saint Loup, on ne connaît que peu de choses : les dates approximatives de son apostolat, - entre 440 et 470, - et une légende miraculeuse, qu'il partage d'ailleurs avec d'autres saints évêques. La renommée du Saint Loup de Bayeux n'est guère que locale. Dans l'Histoire, il a, en effet, été éclipsé par un contemporain et homonyme connu : Saint Loup, évêque, lui, de Troyes. Né vers 383 à Toul, ce moine du monastère des Iles Lérins, fondé vers 410 par Saint Honorat, fut élu évêque par les chrétiens de Troyes un jour qu'il prêchait par là, en 426. I1 y mourut en 479, dans la vénération due à sa défense victorieuse de sa cité épiscopale, en 451, contre les Huns d'Attila. Car Saint Loup - celui de Bayeux comme celui de Troyes, - vécut en des temps particulièrement troubles, à cette époque charnière ou ce qui n'était pas encore la France commençait à surgir de ce qui n'était déjà plus l'Empire Romain. Au Nord, les Francs mérovingiens poussent vers la Seine. En Aquitaine, les Wisigoths, chrétiens mais hérétiques - ils sont ariens, - se sont taillés un royaume qui débordera bientôt des Pyrénées pour occuper les trois quarts de l'Espagne. Au Sud, les Burgondes ont agrandi la Bourgogne, à laquelle ils vont donner leur nom, jusqu'à la Méditerranée. A l'extrême Ouest, la Bretagne est repeuplée par les cousins Celtes grands-bretons qui fuient leurs propres envahisseurs barbares, venus par mer, et elle devient indépendante. Du territoire gallo-romain, il ne reste plus guère que ce qu'on va nommer le royaume de Soissons, dont la province romaine dite "Seconde Lyonnaise" - la future Normandie,- constitue une bonne moitié Nord, la frontière Sud se situant sur la Loire. Mais si l'Empire Romain s'émiette, il lui reste encore de bons généraux. Ainsi le Patrice Aétius, dont l'évêque Loup de Bayeux, a probablement, pour le moins entendu parler. Dans cette Gaule ou, au gré des circonstances, Francs, Bretons, Wisigoths, Alamans, Burgondes, Gallo-romains, tantôt se combattent et tantôt s'allient - notamment contre les nouveaux envahisseurs, - Aétius réussit à rassembler une coalition qui bat, sans doute le 18 juin 451, Attila et ses hordes hunniques, à Moirey, aujourd'hui un hameau du département de l'Aube : les fameux "Champs Catalauniques". Son principal allié, le roi wisigoth Théodoric, reste sur le carreau. Et, trois ans plus tard, Aétius sera trucidé par son propre empereur, Valentinien III, épouvanté de la popularité du général. Pendant son épiscopat à Bayeux, Loup connaîtra au moins par ouï-dire - mais comment savoir s'il les a jamais rencontrés? les rois francs Mérovée, au pouvoir en 448, et son fils Childéric Ier, élu en 458. Mais pas l'illustre Clovis, qui ne règne qu'à partir de 481. Et aussi, en même temps, les gouverneurs gallo-romains Aétius, puis Aégidius, son lieutenant, entre 457 et 464 ou 467, et même les premières années de fonction du fils et successeur de ce dernier, Afranius Syagrius, celui-là même que Clovis vaincra, capturera et fera exécuter lors de la fameuse bataille de Soissons, en 486. A quoi ressemblait Bayeux au temps de l'évêque Loup? Les textes administratifs latins du Bas-Empire, confirmés par l'archéologie, en donnent une idée. Depuis l'Edit de Constantin, en 313, l'Empire avait été lentement christianisé par les fonctionnaires impériaux. Les diocèses avaient donc été naturellement calqués sur les circonscriptions administratives romaines avec les mêmes chefs-lieux, dont la fonction initiale était principalement militaire. Comme Evreux, comme Lisieux, le Bayeux des premiers temps chrétiens était donc bâti à la façon d'un camp romain en dur : une enceinte rectangulaire de remparts, avec des portes au bout des axes principaux, le "decumanus" Est-Ouest et le "cardo" Nord-Sud. Tout autour, quelques champs cultivés par des paysans sans doute encore païens (les deux mots ont la même origine) et, surtout, la grande forêt gauloise, dont la forêt de Balleroy n'est plus qu'un maigre vestige. Elle devait même être très proche du bourg fortifié, cette forêt gauloise, puisque l'une des portes de Bayeux, au Sud, était nommée Porte Arborée : la porte des arbres. Et c'est là que l'évêque vit le loup. C'était un grand méchant loup que ce loup, un solitaire, un mangeur d'hommes, qui avait élu domicile dans le bois voisin, repaire proche de ses proies favorites : boeufs et moutons, mais aussi bergers et bergères. A ce régime, il était devenu énorme, et d'autant plus redoutable. Cet ancêtre bayeusain de la bête du Gévaudan s'aventurait même, en plein jour, jusqu'aux remparts au point qu'il avait fallu garder la Porte Arborée comme en temps de guerre. A cette époque agitée, ce devait d'ailleurs être une précaution habituelle. La population terrorisée demanda à son évêque, l'extermination du monstre. Saint Loup sortit par la Porte Arborée et marcha droit sur le loup, que tant d'audace figea sur place. L'évêque en profita pour lui passer son étole autour du cou. Puis il le traîna ainsi jusqu'à la Drome, à deux bons kilomètres à vol d'oiseau par des pentes assez raides. Et, plus cruel que son futur confrère Saint François d'Assise, qui au XIIIème siècle, se contentera de convertir au végétarisme le loup de Gubbio, Saint Loup noya le sien dans la rivière, à un endroit qu'on montrait encore, paraît-il, au siècle dernier. Mais le loup de Saint Loup était-il vraiment un loup? Tout porte à croire, en effet, que cette version de la légende est moderne, avec un jeu de mots sur l'homonymie entre l'évêque et sa victime. Il suffit de visiter l'église de Saint-Loup-Hors (hors les murs de Bayeux, s'entend), bâtie, dit-on, à l'endroit même de la capture de l'infernal animal. A l'intérieur la statue moderne, du saint évêque est sans intérêt animalier. On y trouve aussi l'écusson de la paroisse, également moderne et sans équivoque: une tête de loup noire, langue pendante, le cou serré dans une étole - d'un rouge cardinalice plutôt que du violet épiscopal, - qu'une main venant du ciel tient fermement. Mais tout cela est récent. L'église actuelle, rebâtie aux XIIème et XIIIème siècles, et fort remaniée ensuite, n'est classée que pour ses parties les plus anciennes, dont le clocher. Et, au tympan de la porte d'accès à ce beau clocher roman, un bas-relief sème déjà le doute. Il représente le saint et sa prise, et même si l'ensemble est très dégradé aujourd'hui, il est peu probable que l'animal rampant représenté là ait jamais ressemblé à un loup. Mais il y a plus probant encore, à l'intérieur même de l'église. Au fond de la petite chapelle Saint-Marcouf, une toile ovale dans un cadre de bois n'attire guère l'attention. Pourtant, ce tableau encrassé, mal éclairé, troué, souillé de déjections d'oiseaux, est éloquent : Saint Loup tenant sa prise en laisse. Et jamais aucun loup n'a possédé cette gueule ophidienne, ces pattes courtaudes et écartées, ni, de l'autre côté du tableau, cette queue glabre, charnue et sinueuse, qui soulève le bas de la chape épiscopale...

    Le loup de Saint Loup était donc plutôt un reptile : un lézard géant, un dragon mythique, un serpent à pattes, un semblant de dinosaurien carnassier... Et c'est, finalement, beaucoup moins original. Car, en ces siècles lointains, il semble que ces peu sympathiques bestiaux pullulaient en Normandie, et que leur destruction était une spécialité des évêques.

    Ainsi, sous le règne de Childéric Ier, un contemporain de Saint Loup, Saint Germain, Gallois d'origine et évêque de Dol-de-Bretagne, de passage en Normandie au retour d'une visite au roi, en expédie un, de la même façon, dans la Seine ou dans la Risle. Au siècle suivant, du temps du roi Dagobert, Saint Romain, évêque de Rouen, se fait aider d'un meurtrier, qui sera du coup absous, pour capturer avec son étole la terrible gargouille et la noyer dans la Seine. Au VIème siècle encore, Saint Vigor, sixième évêque de Bayeux, débarrasse d'un autre de ces monstres un gros propriétaire terrien, Volusianus, qui lui donne en remerciement le territoire où le saint va fonder l'abbaye de Cerisy. Saint Victor fera même coup double en trucidant un autre serpent ou dragon, à Harfleur, sur les berges de la Seine, décidément mal fréquentée. Et à une date indéterminée de la même époque, Saint Germain à la Rouelle, évêque errant qui naviguait sur une roue de charrue, tuera raide, d'un coup de crosse, le serpent géant du Trou Baligan : cette grotte n'a disparu qu'en 1976, avec la construction de la centrale nucléaire de Flamanville."

    in Le Journal du Calvados N°32 mars 1993.

     LOUP

    BAYEUX :  

             F. Pluquet raconte dans Superstitions de l'Arrondissement de Bayeux l'histoire de la Bête de Saint-Loup : "Au commencement du cinquième siècle, un loup furieux ravageait les environs de Bayeux et pénétrait jusque dans les faubourgs. Saint Loup, alors évêque de cette ville, eut pitié de ses diocésains ; il s'avança courageusement vers la bête, dont le repaire était dans un bois, proche de la porte Arborée. A l'approche du saint, elle resta immobile ; il lui passa son étole au cou et la noya dans la rivière Drôme. A certaines époques de l'année, cette bête revient encore rôder autour de l'église Saint-Loup. Si vous doutez de cette histoire, on vous montrera le lieu où saint Loup a jeté la bête, le bas-relief qui est sur la porte de l'église, et un tableau conservé dans l'intérieur, qui représentent ce miracle."

     

    BAYEUX :  

             "L'abbé Béziers, dans son Histoire sommaire de Bayeux, P.99, en parlant de l'église de Saint-Loup, située au sud de Bayeux, dit : "On y voyait autrefois une pierre que la crédulité du peuple avait jugée digne de sa vénération. Cette pierre grosse comme un baril, sans aucune taille ni forme, était enclavée dans la muraille proche du lavatoire du maître-autel. On y remarquait aisément, dit le manuscrit, la forme d'un pied assez grand, que l'on tient être la mesure du pied de S. Loup, que miraculeusement et sans artifice, il imprima marchant sur icelle. Elle fut ôtée en 1687, comme un objet de superstition."

    in Coutil : Inventaire mégalithique du Calvados (1902) (Cf. Saintyves).

     

    Saint Loup (25 octobre) : D'après les critiques les plus autorisés, les actes de saint Loup sont d'une incontestable authenticité. Ils nous apprennent que ce saint fut le troisième évêque de Bayeux après saint Exupère et qu'il succéda à saint Rufinien. Il gouverna l'église de Bayeux au temps d’Egidius, qui administra les Gaules de 450 à 465. Loup est notre compatriote par sa naissance. Un vieux compte de la paroisse de Saint-Patrice mentionne 90 sols de rente à prendre “sur la maison de saint Loup, faisant le “coin de la rue Laitière”. Il y avait, dans cette maison, une peinture, existant encore au XVIIIe siècle et représentant le saint entre deux anges. Au-dessous, subsistait ce fragment d'inscription : “En l'an 440, du temps de Clodion, roi de France...”. Il fut instruit par saint Rufinien, qui le baptisa, puis l'ordonna diacre avec un autre lévite, nommé Etienne. A la mort de son maître, Loup, qui n'était pas encore prêtre, fut spontanément déclaré évêque par le clergé et le peuple. (Ces élections dites per saltum, étaient exceptionnelles, mais nous en retrouvons des traces dans l'église primitive). Saint Sylvestre de Rouen lui conféra l'épiscopat. Le nouvel évêque fut le père de ses fidèles et un ardent propagateur de l’Evangile. A cette époque de dévastations, les loups infestaient le pays. L'un d'eux, qui avait son repaire dans un bois situé près de la porte Arborée à Bayeux, était la terreur des habitants. Il avait dévoré 28 enfants. Les soldats de la garnison, envoyés contre lui, ne purent l'atteindre. Touché de l'infortune de ses fidèles, l'évêque célèbre le saint sacrifice de la messe et revêtu de ses ornements se dirige vers le repaire de l'animal. A sa vue le loup s'élance sur lui. Le pontife lui saisit le cou avec son manipule, le serre fortement et, l'emmène jusqu'à la rivière prochaine où il le noie. Ce récit pourrait bien être plus qu'une allégorie, Les loups jadis nombreux étaient la terreur de nos ancêtres, et une ancienne voie se dirigeant vers la Drôme est nommée la “Crauloup”. Thaumaturge, saint Loup guérit deux aveugles; favorisé du don de prophétie, il prédit le jour de sa mort et celle de son prêtre Ansioc. Tous deux moururent le 25 octobre 461. Leurs corps mis dans des cercueils de bois, furent enterrés dans l'église Saint-Exupère. 70 ans plus tard, leurs restes furent exhumés et transférés dans une église voisine qui prit le nom de Saint Loup. Le bas relief du XIIe siècle sculpté au-dessus de la porte du clocher représente l’épisode du loup. Au XIe siècle, l'abbé Yves porta les reliques du saint évêque au monastère de Cormery en Touraine, d'où elles furent transférées à Corbeil, auprès de celles de saint Exupère. Un vieil ouvrage intitulé : Les vies et miracles de Saint Spire et Saint Leu, evesques de Bayeux, relate une multitude de miracles dus à l'intercession de ces saints. Au XVIIIe siècle il y avait encore dans l'église Saint-Loup de Bayeux, une grosse pierre sur laquelle se voyait l'empreinte du pied du saint lorsqu'il attendait le monstre. Ce saint est patron de Saint-Loup-Hors, de Saint-Loup de Fribois, de Saint-Loup-Canivet, réuni à Soulangy, de Réveillon réuni à Vaudeloges, et second patron de Saint-Germain-d’Ectot et d'Avenay. 

    in Cinquante Saints Normands, étude historique et archéologique de Frédéric Alix ; Société d’Impression de Basse-Normandie, Caen 1933.

     

    "Église St Exupère : La fondation de l'église remonte à une époque très ancienne. Plusieurs des premiers évêques de Bayeux y furent inhumés. L'église actuelle a été remontée au XIXe.

    En 1679 Mr Bier curé de St Exupère, à l'occasion de travaux dans le choeur, étudia les sépultures des saints évêques. Il en trouva 7. Les ossements furent partagés entre diverses personnes afin d'en faire des reliques. On trouve : St Rufinien sous le maître autel, St Manvieu au pied du mur méridional, entre l'autel et la tour ; St Contest, au nord devant l'autel de St Clair; St Patrice, au midi devant l'autel de la Sainte Vierge ; St Gerbold, contre le mur septentrional, entre l'autel et la sacristie ; St Frambold, sous le crucifix ; St Geretrand, proche, à sa gauche.

    Le curé dit aussi s'être procuré les restes de St Regnobert et St Zénon, son diacre qui, ainsi que St Exupère et St Loup furent enterrés dans cette église.

    Le tombeau de St Exupère est sous le maître autel. En 1853, l'abbé E. Le Comte, curé de St Exupère, fit des fouilles dans les caveaux où furent inhumés les premiers chefs de l'église de Bayeux. Cette recherche récente fut couronnée de succès. Une crypte a été construite à cette époque pour recevoir tous ces vénérables restes."

    in Églises et chapelles du Bessin de Dominique Achard ; éditions de Neustrie 1999.

     

    Concernant ce saint, voir aussi l’article ci-après extrait de : Les saints dans la Normandie médiévale – colloque de Cerisy-la-Salle, 1996 ; Presses Universitaires de Caen, 2000. Chapitre : “ Les reliques de la cathédrale de Bayeux ” par F. Neveux.


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