“Saint Contest (19 janvier) : Une tradition nous apprend que saint Contest naquit à Athis-sur-Orne, ancienne paroisse réunie à Louvigny, dont l'église était sous le vocable de ce saint. Plusieurs lui attribuent Bayeux pour berceau. Pour se donner tout à Dieu, il se retira dans une solitude près de Falaise, puis dans les bois de Trun (Orne). Le siège épiscopal de Bayeux étant devenu vacant, Contest fut élu évêque, selon l’usage du temps, par les acclamations du peuple et du clergé. Homme d'action, il se donna tout entier à la conversion des païens encore nombreux, mais son zèle lui attira la haine des puissants, obstinément attachés au culte des idoles. Il se retira dans un ermitage, situé dans la paroisse de Blay, où il vécut comme saint Jean-Baptiste dans le désert. Le démon lui dressa embûches sur embûches. Comme il se présentait à lui sous la figure d'un serpent, le saint enroula son étole à son cou et le mena bien loin de son ermitage avec défense de retour. Ses persécuteurs vaincus par ses mérites se convertirent et l'évêque rentra dans sa ville épiscopale. Prié d'aller à Séez, pour assister l'évêque saint Landry, alors à l'extrémité, il partit avec quelques disciples. Arrivés près d'Athis, dans l'Orne, par une chaleur torride, et encore loin de la Vère, l'unique rivière du pays, ils faillirent mourir de soif. Autre Moïse saint Contest frappa de son bâton un rocher de granit d'où il jaillit à l'instant une source abondante. Le saint ayant donné les derniers secours à saint Landry, reprit le chemin de sa ville épiscopale. En traversant les bois de Castillon, près Balleroy, il y rencontra deux femmes, qui, poussées par le besoin, s'adonnaient au vice. Il leur fournit le nécessaire et les fit renoncer à leur mauvaise vie. A Bayeux, il exerça son ministère pastoral avec un grand zèle et Dieu lui continua le don des miracles. Il mourut un 19 janvier, vers l'an 513, et fut enterré dans l'église Saint-Exupère, devant l'autel Saint-Clair. Le 3 mars 1162, les évêques Philippe de Harcourt de Bayeux, Rotrou d'Evreux, Arnoul de Lisieux, Achard d'Avranches, transférèrent les reliques de saint Contest à l'abbaye de Fécarnp. En 1683, les moines de Saint-Vigor de Bayeux en obtinrent une portion considérable. Récemment la cathédrale de Bayeux et l'église de Saint-Contest, près Caen, ont obtenu quelques-uns de ses précieux ossements. Aujourd'hui encore les pèlerins viennent en l'église de Mille-Savattes (Orne), prier saint Contest pour leurs enfants malades.”
“Saint Gaud (31 janvier) : En l'an de grâce 1131, les paroissiens de Saint-Pair, près Granville, voulurent, à la prière de Gautier, leur curé, reconstruire le clocher de leur église qui tombait en ruines. Les ouvriers qui creusèrent les fondations mirent à découvert un cercueil en pierre de Sainteny. Le sarcophage contenait un cadavre en parfait état de conservation. La tête reposait sur une pierre portant cette inscription : Ici repose le bienheureux Gaud, évêque. Quel était ce saint ? Après la mort de saint Taurin, premier évêque d'Evreux, la ville fut complètement détruite par les barbares et le siège demeura vacant. Un des principaux habitants de la région, nommé Waldus, dont nous avons fait Gaud, voulut rétablir une chrétienté. La paix relative qui suivit la défaite des Huns et des Wisigoths, favorisa ses desseins. Ce laïc missionnaire alla prier Germain, archevêque de Rouen, de donner un nouveau pasteur à son église. Le prélat se rendit à Evreux en compagnie de saint Ereptiole, évêque de Coutances, et de saint Sigisbolde, évêque de Séez. Nommé évêque par les acclamations du peuple et du clergé, Gaud fut immédiatement sacré. La soif du salut des âmes le fit travailler avec un zèle dévorant à détruire les restes de l'idolâtrie et à reconstituer des groupes de fidèles. Les luttes entre les Francs, commandés par Clovis, encore païen, et les derniers Romains menaçaient la sécurité du pays. Brisé par les travaux et accablé par la vieillesse, Gaud remit le fardeau de l'épiscopat à Marusius son disciple et se retira non loin de la ville, là où s’est élevée la chapelle Sainte-Marie de Gaud. Bientôt il gagna la solitude de Scissy, nouvelle Thebaïde où se trouvaient plusieurs saints religieux, Pair, Senier et Scubilion. Plein d'années et de mérites il rendit son âme à Dieu le 31 janvier 491 et fut enterré dans le pieux oratoire, où l'on voyait encore son tombeau en 1740. Non loin de Saint-Pair se trouvent une chapelle et une fontaine Saint-Gaud, très vénérées des pèlerins. Son culte est répandu dans les diocèses de Coutances, d'Evreux et de Baveux. L'abbaye de Cordillon, en la paroisse de Lingèvres, possédait des reliques de ce saint.”
“Saint Sever (1er février) : Saint Sever naquit au Ve siècle, dans le pays de Coutances. L'indigence força ses parents à le mettre au service de Corbecenus, chef des Saxones Bajocassini, qui avait autorité sur le Bessin et le Val de Vire. Le jeune homme fut chargé de la garde des écuries dans un centre de chasse que possédait son maître sur les bords de la Vire et de la Beuvrogne. D'une vie austère, Sever donnait le peu qu'il avait aux plus pauvres que lui. Sa confiance sans bornes en la Providence lui suggéra des audaces téméraires, si Dieu n'avait pris soin de les justifier. N'ayant plus rien à lui, il donne à une pauvre vieille une des juments confiées à sa garde. Irrité, Corbecenus fait mettre la pauvresse avec l'animal sous bonne garde et compte le troupeau. Par la grâce de Dieu, le nombre est trouvé juste. Un jour que, selon sa coutume, il avait donné ses habits aux malheureux, son maître, fatigué de les remplacer, le renvoie presque nu dans la campagne. C'était l'hiver et la neige tombait à gros flocons. Transi de froid, épuisé de fatigue mais fort de sa confiance en Dieu, Sever tombe dans la neige et s'endort. Ses cavales viennent lui faire un rempart de leur corps et le réchauffer de leur haleine. Les dimanches, le jeune pasteur allait prier dans l'église Saint-Martin-de-Sept-Frères ou dans la chapelle voisine de Saint-Quentin. Il fichait sa houlette au milieu de la plaine pour servir de ralliement à son troupeau. Un jour le bâton prit racine et devint avec l'âge le plus bel arbre de la forêt. Emu de tant de merveilles, Corbecenus demanda le baptême. Sever fut son catéchiste et son parrain. Le nouveau converti donna à son parrain un emplacement pour bâtir un monastère. Bientôt il y eut grande affluence. Sever reçut les ordres et fut le premier supérieur de la communauté. A la mort de saint Senier, évêque d'Avranches, le pieux cénobite fut par acclamation nommé son successeur. Le saint hésita d'abord puis s'inclina devant la volonté de Dieu. Compatissant pour les misères humaines, miséricordieux pour les pécheurs, tout brûlant du salut des âmes, il changea la face de son diocèse en établissant solidement le royaume du Christ sur les ruines du paganisme. L'âge, les fatigues le forcèrent d'abandonner le fardeau de l'épiscopat. Il se retira dans son monastère, où il mourut le jour qu'il avait annoncé, vers, 570. Il fut enterré dans l'église conventuelle dédiée à la Sainte Vierge. Sa sainteté éclata par de nombreux miracles opérés sur son tombeau. Vers 950 des pèlerins de Rouen, revenant du Mont Saint‑Michel, passèrent par ce lieu et furent touchés de son presque complet abandon malgré les miracles qui s'y étaient accomplis. Avec la permission de Hugues II, leur évêque, et de Richard Sans-Peur, duc de Normandie, ils entreprirent d'enrichir des reliques du saint la capitale du duché. Ils levèrent le corps et se mirent en route. Ils firent halte à Préaux, près Evrecy, dont ils ne purent repartir qu'après s'être engagés à élever une église ou une chapelle dans tous les endroits où ils s'arrêteraient. Le terme de leur voyage fut Emendreville, faubourg de Rouen. Une église y fut édifiée. Elle a été plusieurs fois reconstruite, mais le culte de saint Sever dont elle a pris le nom, n'a cessé d'y être en honneur.”
“Sainte Honorine (27 février) : Sainte Honorine est plus connue par son culte que par sa vie, sort commun à beaucoup de saints des premiers siècles. Il subsiste deux centres de dévotion à cette vierge : un coin du Bocage Normand, où probablement elle vécut, et les rives de la Basse-Seine où errèrent ses reliques. De son histoire un seul document authentique nous reste : le vieux martyrologe Normand-Sénonnais conservé à la Bibliothèque nationale. Nous y lisons : “Le six des calendes d'avril, au pagus des Bajocasses, dans un vicus nommé Colonica, mort île la vierge Honorine”. Divers auteurs traduisent ce mot par Coulonces. Au XIVe siècle, une paroisse voisine, Saint-Martin-de-Tallevende" possédait une chapelle dédiée à Sainte-Honorine. Dans un voisinage plus ou moins éloigné nous trouvons les églises de Sainte-Honorine-de-Bény, Sainte-Honorine-la-Chardonne, Sainte-Honorine-la-Guillaume, Sainte-Honorine-de-Chailloué, ces trois dernières au diocèse de Séez. Une difficulté, surgit : Coulonces ne faisait pas partie de l'ancien Bessin. En admettant une faute de copiste on pourrait lire Bolonica, c'est-à-dire Boulon, dont la paroisse voisine, Mutrécy, est sous le vocable de Sainte-Honorine. Pendant la persécution de Dioclétien qui ouvrit en 284 l’Ere des Martyrs, des officiers de l'empereur saisirent la vierge Honorine et la sommèrent de sacrifier aux idoles. Sur son refus opiniâtre elle fut condamnée au feu, supplice alors réservé aux magiciens. Aux yeux de ces païens les saints thaumaturges étaient réputés comme tels. Ses ossements calcinés furent transportés à Honfleur et jetés dans la Seine pour éviter la profanation. La marée montante les porta à Graville, où ils furent recueillis et déposés dans un cercueil de pierre. Vers 841 les Normands remontent la Seine en semant la dévastation. Le clergé de Graville enlève les reliques du sarcophage et les transporte à Conflans, où les moines du Bec leur érigèrent au Xe siècle une magnifique église. Une chapelle bâtie au fond d'un vallon, dominé par une côte dénommée Sainte-Honorine, en la paroisse de Mélamare, sur l'ancienne voie de Lillebonne à Harfleur, a fait, sans autres raisons, considérer ce lieu comme le théâtre de son martyre. Nous trouvons encore son patronage à Sainte-Honorine-des-Pertes, Sainte-Honorine-du-Fay, Sainte-Honorine-de-Ducy, Sainte-Honorine-la-Chardonnette et Ammeville, au diocèse de Bayeux, et à Andreville-la-Hubert au diocèse de Coutances. Les paysans du Bessin invoquaient jadis sainte Honorine contre la fièvre. Un sceau du XlIe siècle, représente la sainte debout, tête nue, en bliaud très ajusté à longues manches, tenant en main un fleuron et un livre ouvert. ”
“Saint Frambold (5 mars) : Saint Frambold, quinzième évêque de Bayeux, n'a rien de commun avec saint Frambold, abbé, qui donna son nom à la célèbre collégiale de Senlis et dont le culte est répandu dans les diocèses du Mans et de Séez. Nous ne connaissons rien de précis sur la vie et les œuvres du pontife bayeusain. Il est resté au cours des siècles de profondes impressions, de sa sainteté. L'historien Robert Céneau, évêque d'Avranches, dit que saint Frambold eut une réputation de sainteté éclatante. Au XIIIe siècle il fut peint avec l'auréole aux voûtes, de la cathédrale de Bayeux et son nom se trouvait dans les grandes litanies. Tous les historiens locaux qui citent son nom placent son épiscopat entre celui de saint Gerbold, mort vers 695, et celui de saint Hugues, sacré vers 720. Ce saint était originaire du Bessin et il fut inhumé dans la crypte de l'église Saint-Exupère. Son tombeau fut retrouvé en 1853, mais il resta quelques doutes sur son authenticité et sur l'identité des ossements qu'il renfermait. Saint Frambold était invoqué de temps immémorial dans l'église de Manneville, dont il était titulaire. Cette paroisse, réunie à Banneville-la-Campagne, a une très haute antiquité. On y a trouvé de nombreux cercueils en pierre renfermant des objets de l'époque mérovingienne. La paroisse fut supprimée par le Concordat et pour cette cause il y eut interruption dans le culte du saint, mais la tradition demeura vivace. Lors de la réforme de la liturgie bayeusaine en 1860, le Saint Siège s'opposa d'abord à la reprise du culte, mais un décret du 13 juin 1861 permit d'honorer solennellement saint Frambold, dans notre diocèse.”
“Saint Hugues (9 avril) : Les églises de Rouen, Paris et Bayeux, les abbayes de Fontenelle (Saint-Wandrille) et de Jumièges ont honoré saint Hugues d'un culte spécial. Les anciens auteurs nous fournissent des données certaines sur sa vie et son nom figure dans la plupart des martyrologes. S'il est presque oublié dans le diocèse de Bayeux dont il a été évêque, c'est que probablement il n'y a jamais résidé. Son origine fut illustre : il eut pour père Drogon, due de Bourgogne, fils de Pépin d’Héristal, maire du palais, et pour mère Anstrude, fille de Varaton, autre maire du palais. Né vers 689, il fut élevé dans la piété par Ansflède, son aïeule maternelle. À la mort de son père, en 713, il donna à l'abbaye de Fontenelle, son domaine de Virlay au pays de Talou. Il abandonna son bénéfice de primicier de l'église de Metz pour se faire moine à Jumièges, où il fit profession en 718. En peu d'années il fut nommé archevêque de Rouen, évêque de Paris, évêque de Bayeux, abbé de Fontenelle et abbé de Jumièges. Cinq gros bénéfices, cinq mitres sur une seule tête paraissent chose incompatible avec les canons de l’Eglise, qui prohibent la pluralité des bénéfices. C'était au temps de l'autocratie de Charles Martel, oncle de Hugues, qui voulait maintenir la situation de son neveu, trop prodigue envers les églises et les monastères. Et le Père Anselme, dans son Histoire Généalogique de la Maison de France, nous apprend que Hugues fut jeté en prison pour avoir résisté à la volonté de ce Martel qui écrasait tous ses adversaires. D'ailleurs, l’élu porta sans fléchir un tel fardeau. Aidé de sages et habiles procureurs, il gouverna dignement ses diocèses et abbayes, consacrant ses revenus au soulagement des pauvres et à l'entretien des églises. Sur la fin de sa vie, il se retira en son abbaye de Jumièges, où il mourut en simple religieux, le 9 avril 730. Les moines l'inhumèrent dans l'église conventuelle et lui érigèrent un superbe mausolée. A l'époque de l'invasion des Normands son corps fut transféré à Aspres, au diocèse de Cambrai, où il était conservé dans une chasse d'argent. Dans la suite une partie de ses reliques fut restituée à Jumièges et un inventaire de 1555 nous apprend que la cathédrale de Rouen possédait un bras de ce saint. En mourant, le saint avait légué à Saint-Wandrille. un calice d'or du poids de six livres, une chape d'or enrichie de pierreries et contenant des reliques des saints. Baudry de Dol a écrit sa vie, mais elle fourmille d'erreurs. Le commentaire historique des Bollandistes (Avril, tome I, p. 843) est la plus sûre mine de renseignements. ”
“Saint Pair (16 avril) : Saint Pair est un des rares saints de l'église primitive qui Possède une biographie authentique. Fortunat, évêque de Poitiers, écrivit la vie de son contemporain dont le manuscrit 168 de la Bibliothèque d'Avranches renferme une copie du XIIIe siècle. Saint Pair naquit à Poitiers. Devenue veuve, sa mère, Julitte lui fit donner une éducation soignée. Tout jeune encore, le futur saint entra au monastère d’Ansion, aujourd'hui Saint-Jouïn-de-Marnes, où il se lia d'amitié avec Scubilion, un peu plus âgé que lui. Désirant une vie plus parfaite, les deux amis voulurent gagner une des Iles de la Manche, centre florissant de la vie érémitique. Arrivés sur les bords de la mer aux confins des diocèses de Coutances et d'Avranches, dans un lieu nommé Scissy, un saint homme les arrêta, leur demandant d'évangéliser le pays encore idolâtre. Les deux solitaires s'établirent dans une grotte qui fut l'embryon d'un célèbre monastère. Ordonné prêtre par Léontien, évêque de Coutances, Pair fut l'apôtre du Cotentin, de l'Avranchin, du Maine, du Bessin et du pays de Rennes où il établit de nombreuses communautés. Agé de 70 ans, un jour qu'il était à Scissy, une vive lumière inonda sa cellule. Alors lui apparurent, trois saints évêques, morts récemment : Melantius, de Rennes, Léontien, de Coutances, et Vigor, de Bayeux. Ils lui prédirent que bientôt il serait évêque. A la mort d'OEgidius, évêque d'Avranches, Pair, influencé par ce songe, pressé par le peuple et par le, roi, accepta l'épiscopat. Après treize ans d'un ministère fécond, le vieil évêque voulut revoir sa chère cellule de Scissy et son vieil ami Scubilion, alors abbé de Mandane, mais la mort l'arrêta le 16 avril 562. Scubilion rendit au même instant son âme à Dieu. Et pendant que Lô, évêque de Coutances conduisait à Scissy la dépouille de saint Pair, Lascivius, évêque de Bayeux, y conduisait les restes de saint Scubilion. Les convois se rencontrèrent et les deux amis furent inhumés dans des sarcophages en pierre de Sainteny, d'où ils furent exhumés en 1131 par Gautier, curé de Scissy, alors dénommé Saint Pair. Un hameau de la paroisse de Longueville, dépendant de l'abbaye de Cérisy, se nomme les Madats. Un petit village existe entre Caumont et Sept-Vents, nommé Mandane. Le culte de saint Pair est très répandu huit églises du diocèse de Coutances l'honorent comme patron : Gerville, Morville Digulleville, Marcey, Ducey, Saint-Pair, Sartilly et Saint-Pois. Dans le diocèse de Bayeux, nous trouvons son patronage à Saint-Pair, près Troarn, Saint-Pair-du-Mont, Quatre-Puits, réuni à Vieux-Fumé, Ernes et Lieury. Ces trois dernières communes sont presque voisines, ce qui pourrait indiquer une évangélisation du saint dans cette région. Précurseur des moines civilisateurs, Pair comprit qu'il devait être apôtre et joindre à la vie contemporaine du solitaire la vie active du missionnaire. ”
“Sainte Opportune (22 avril) : Au IXe siècle saint Adelin écrivit les actes de sainte Opportune. C'était un ex-voto en l'honneur de la sainte : grâce à son intercession, le biographe avait échappé aux Normands, dont il était prisonnier. Le père d'Opportune était comte d'Exmes, capitale de l'ancien pays d'Hiémois. Elle appartenait à une famille de saints ; elle eut pour tante, sainte Lanthilde, abbesse du grand monastère d'Almenèches, pour oncle saint Frogent, archidiacre, et pour frère saint Godegrand, évêque de Séez. Toute jeune, elle voulut se consacrer à Dieu et entra dans le petit monastère d'Almenèches, où la règle était rigoureuse. Elle y reçut le voile des mains de saint Lohier, évêque de Séez. L'abbesse du couvent étant venue à mourir, les religieuses élirent Opportune qui d'abord résista, mais finit par céder à leur désir. Elle gouverna parfaitement la maison très austère pour elle, très compatissante pour ses subordonnées. Elle déploya une grande habileté dans l'éducation des novices, tempérant sans faiblesse la justice par la miséricorde. Le temporel du couvent était pour elle une cause de souci. Elle craignait que sa trop grande pauvreté ne donnât aux religieuses des tentations de violer la clôture et de posséder quelque chose en propre. Sa maison devint très florissante. Godegrand, frère d'Opportune, étant parti en Palestine, fut supplanté par son archidiacre Chrodobert, qui réussit à se faire sacrer évêque. Après sept ans, le vrai pontife rentra et rétablit l'ordre, mais l'intrus le fit assassiner à Nonant, pendant qu'il visitait son diocèse. La sainte abbesse prit soin de sa sépulture et le fit solennellement inhumer dans son monastère. Cette mort lui causa une grande douleur ; elle mourut le 22 avril 770 et fut enterrée auprès de son frère. Pour les soustraire à la fureur des Normands ses restes furent transférés à Moussy, au diocèse de Meaux, où il s'opéra de nombreux miracles. Robert de Thorigny nous apprend qu'en 1076, Roger de Montgomeri rebâtit le monastère de sainte Opportune, détruit par les barbares. Ses restes, divisés, étaient honorés en l'église du Moutierneuf, à Poitiers, à la Trinité de Vendôme, à Sainte-Opportune de Paris, où des vitraux et des tapisseries retraçaient la vie de la sainte. Une parcelle fut transportée de Rouen au prieuré de Saint-Himer (Calvados), en 1756. Son culte est très répandu dans le diocèse de Séez. Elle était patronne de l'église Sainte Opportune, au canton d'Athis (Orne), donnée vers 1125 à l'abbaye du Val (Calvados) Quatre anciennes paroisses du diocèse d'Evreux, remontant au IXe siècle, l'ont pour patronne : Sainte-Opportune, près Vieux-Port, Sainte-Opportune-du-Bosc, Sainte-Opportune-la-Campagne et Sainte-Opportune, près Rugles. Almenèches lui a élevé une statue en fonte, bénie le 8 avril 1901, par Monseigneur Bardel. L'abbaye de Sainte-Opportune possédait, au diocèse de Bayeux, les églises de Moult, Cinq-Autels, Saint-Germain-de-Montgommery et Saint-Sylvain. ”
“Saint Marcouf (1er mai) : Après leur sacre à Reims, les rois de France se rendaient en pèlerinage à Corbény (Aisne), pour honorer les reliques de saint Marcouf. Il s'y trouvait une multitude de scrofuleux, accourus pour obtenir leur guérison. Le roi traçait le signe de la croix sur leur front, en disant : Le roi te touche, Dieu te guérit. Et cet attouchement faisait merveille. C'était, rapporte Guillaume de Nangis, une grâce singulière accordée aux rois de France. Une simple habitation de la rue de la Poterie à Bayeux, porte cette inscription : Ici naquit vers la fin du Ve siècle S. Marculphe, abbé de Nanteuil, mort le 1er mai DLVIII. Cette maison a remplacé l'opulente demeure qui fut le berceau du saint. Né en 488 d'une riche famille franque, il reçut une éducation soignée. Orphelin de jeune âge, il distribua sa fortune en aumônes et vint se mettre sous la direction de saint Possesseur, évêque de Coutances. Celui-ci l'ordonna prêtre à l'âge de 30 ans et lui confia l’évangélisation du Cotentin. La sainte vie du missionnaire, confirmée par de fréquents miracles, lui fit opérer de nombreuses conversions et lui attira des disciples, dont les plus célèbres furent Cariulphe (Crioult) et Domard. Le saint les établît dans un monastère qu'il fonda à Nanteuil, devenu Saint-Marcouf de l'Isle, sur une terre aumônée par le roi Childebert. Amant de la solitude, Marcouf se retira d'abord seul dans une île nommée Duolimones, aujourd'hui Saint-Marcouf, puis dans l’île d’Agna (Herm), près de Guernesey. Un jour une bande de pirates anglo-saxons, débarqua dans l'île. “Prenez vos armes, dit Marcouf, aux indigènes effrayés, et combattez avec confiance”. Et pendant que le saint priait, une poignée de pêcheurs repoussait une bande de pirates dans la mer, où une tempête les engloutit. Bientôt Marcouf fut envoyé à Jersey, vrai repère de brigands. Il convertit ces écumeurs de la mer, et y fonda, sous la direction de saint Hélier un monastère qui fut l’origine de la ville de ce nom. L'ardent missionnaire épuisé de fatigue revint mourir dans son abbaye de Nanteuil, où saint Lô, évêque de Coutances, l'inhuma le 1er mai 558. De nombreux miracles illustrèrent son tombeau, et saint Ouen, archevêque de Rouen leva son corps en 667. Au IXe siècle, les Normands obligèrent les moines de Nanteuil à se réfugier à Corbény, auprès du roi Charles III, qui leur donna son château pour en faire un monastère. De là l'origine du pèlerinage. Le culte de saint Marcouf est très répandu dans les pays d'origine franque. Des pèlerinages existent à Aix-la-Chapelle, Anvers, Bruxelles, Maëstricht, Corbény, Reims, Soissons, Mantes, Blois, Angers, Le Mans, Saint-Sever, etc. Il est patron de Saint-Marcouf de l'Isle et de la Haye-Comtesse (Manche), de Saint-Marcouf du Rocher et du Bu-sur-Rouvres (Calvados) ; il est second patron de Norrey, la Bigne, Clermont-en-Auge (réuni à Beuvron), Varaville, Saint-Loup de Bayeux, etc. L’ancien doyenné de Honfleur possédait sept lieux de pèlerinage que le peuple désignait sous le vocable des sept frères Marcouf : c'étaient Sainte-Catherine et Saint-Léonard de Honfleur, Equemauville, Pennedepie, Equainville, Quetteville et Bonneville-la-Louvet. L'église de Coulonces était le siège d'une, confrérie célèbre en l'honneur de ce saint, et celle de Saint-Contest possède une parcelle de ses ossements. Un ancien chemin partant de l'Orne au passage du moulin de Brie, et passant entre les communes d'Ouffières et de Goupillières pour gagner La Caisne, porte le nom de sente Saint Marcouf. Une inscription placée sur l'un des piliers de l'église Saint-Sauveur de Caen, rappelait que saint Ouen, transférant les reliques de saint Marcouf, s'y était arrêté. Vers 1810, l'abbé De La Rue, composa une nouvelle inscription pour remplacer l'ancienne, grattée sous prétexte de restauration, mais il ne s'est encore trouvé personne pour la faire apposer. ”
“Saint Céneri ou Célerin (1er mai) : Italien de naissance Sérénic, communément appelé Céneri ou Célerin, est normand par sa vie et ses oeuvres. Ses actes prouvent par leur contenu qu'ils sont antérieurs aux invasions des Normands. Nous trouvons son office dans un bréviaire manuscrit de Lisieux écrit au XVe siècle et dans le missel du Mans édité en 1494, et nous savons qu'il était depuis des siècles honoré dans les diocèses de Séez, Angers, Evreux et Bayeux. Au début du VII siècle, de riches patriciens de Spolète voyaient leurs fils Sénéric et Sérénède, grandir en science et en vertu. A l’âge d'adolescence les deux frères vinrent à Rome revêtir l'habit de Saint-Benoît au monastère du Vatican. Bientôt, répondant à un secret appel de Dieu, ils franchissent les Alpes, visitent les églises et les monastères du Nord de la France et s'arrêtent près d'un bourg nommé Saulge au diocèse du Mans. Sérénic y laisse son. frère et gagne le pays d'Hiesmes au diocèse de Séez. Là il découvre une grotte qui lui semble être le lieu béni où le Seigneur l'appelait. Pour y parvenir, il fallait traverser une rivière profonde et torrentueuse. Le saint fait le signe de la croix, les eaux se séparent et il passe hardiment ; mais son jeune disciple, Flavart, tremble à la vue des ces muraille liquides et grondantes et laisse tomber le livre qu'il portait. Neuf ans plus tard une lavandière le retrouva intact au fond des eaux. Sérénic bâtit une cellule puis un monastère où il réunit 140 religieux. Avec l'aide de saint Milehar, évêque de Séez, il éleva une église qu'il dédia à saint Martin, évêque de Tours. Il mourut le 7 mai ~669 et fut enterré dans cette église qui plus tard prit son nom. Les pèlerins vinrent nombreux prier à son tombeau. Par crainte des normands, ses reliques furent transportées à Château-Thierry, où son culte est en honneur. L'assemblée profane qui se tient le 7 mai à Caorches (Eure), n'est que la laïcisation d'un ancien pèlerinage à ce saint. Au diocèse de Séez, il est patron de Champecie (campus Cereni), de Saint-Céneri réuni à Aunou, d'Aubusson, Colonard et Saint-Céneri-le-Géré, dont l'église a été rebâtie en 1050 au-dessus de son .tombeau. Des peintures y retracent sa vie et une chapelle voisine abrite le bloc de granit qui lui servait de lit. Au diocèse de Bayeux, saint Céneri est patron principal de Meslay, patron secondaire de Gouvix, Sermentot et Roucamps. La tradition rapporte que le saint a évangélisé cette dernière paroisse et s'est désaltéré à une source toujours vénérée. Ne serait-ce pas plutôt un de ses disciples qui, ayant choisi pour retraite les bois d'Origny à Roucamps, aurait bu et même baptisé à cette fontaine ? Le pèlerinage est très ancien : le vieil oratoire portait la date de 1522. Une nouvelle chapelle a été bénie le 28 avril 1863. Chaque année le mois de mai et spécialement le jour de l'Ascension y amènent une nombreuse affluence. On y apporte surtout les enfants qui tardent à se développer et à marcher où qui souffrent des maladies de la peau. Les nombreuses légendes qui se racontent dans la région montrent la grande popularité de ce culte. ”
“Saint Annobert (16 mai) : Saint Annobert est une des gloires du diocèse de Séez, dont il fut évêque et du diocèse de Bayeux où il réforma et fit fleurir plusieurs monastères. Mabillon le fait originaire du Bessin, d'autres historiens lui donnent le Mans pour patrie ; mais tous s'accordent à dire qu'il fut instruit par saint Hadouin, évêque du Mans, qui tenait une école où les clercs écrivaient la vie des saints. A la mort de son maître, Annobert, qui avait reçu le sacerdoce, se retira au monastère d'Evrecy. Cette maison avait été fondée par l’ermite Chédulfe, qui, voyant les mérites du novice en fit son confident. Il l'envoya en 670 auprès du roi Childebert II pour traiter une question concernant le culte de la Sainte Vierge. Le roi sur le point de partir à la chasse renvoya l'affaire aux calendes grecques. Or il arriva qu'un cerf qu’il poursuivait se réfugia auprès d'Annobert qui célébrait la messe dans une chapelle voisine. Frappé de cette coïncidence le monarque accorda la faveur demandée. Sur ses entrefaites, Baudry avait succédé à Chédulfe dans le gouvernement du monastère d'Evrecy, et le relâchement s'y était introduit à cause de son ignorance et de son manque d'énergie. Annobert, en étant devenu abbé voulut rétablir la discipline ; ce fut la révolte. Le peuple chassa les moines séditieux, mais l'abbé les rappela, leur pardonna et les ramena à' la pratique de la règle de saint Benoît. Vers 683, saint Gerbold, évêque de Bayeux, ancien élève du monastère d'Evrecy, voulut remplacer la règle canoniale par la règle bénédictine dans son monastère de Deux-Jumeaux. A sa prière Annobert y envoya plusieurs de ses moines qui y établirent la réforme demandée. Après avoir passé 30 ans à Evrecy, le saint abbé se retira avec un de ses religieux, nommé, Turpin, dans une solitude près de Séez. L'an 686 il fut nommé par acclamation évêque de ce diocèse et forcé d'accepter par l'ordre de Thierry III, roi de Neustrie. Il avait, disent ses actes, un aspect évangélique et ses paroles émouvaient jusqu'aux larmes. Dans une famine il sacrifia tout pour secourir ses diocésains. Saint Evremond, son parent, qu'il avait rencontré à la Cour, était revenu à Bayeux, sa ville natale, où il dépensait sa fortune à construire des églises et des monastères. L'évêque de Séez lui envoya Fortunat, son archidiacre pour l'engager à venir dans son diocèse. Il l'ordonna prêtre et lui donna la bénédiction abbatiale à Montmerrey. Il fut aussi l'aide de saint Evroult dans la fondation de l'abbaye d'Ouche. En 689 Annobert. signa au concile de Rouen avec ses amis saint Gerbold et saint Aquilin. Plein de mérites il mourut le 16 mai vers 705. Bientôt son corps fut levé et son culte organisé. La cathédrale de Séez tombant en ruines, les chanoines prirent les reliques et, selon la coutume, les portèrent de province en province pour exciter la charité des fidèles. Pétronille, abbesse de Morienval près Senlis, reçut les pèlerins et la volonté de Dieu indiqua que la chasse devait rester là. C'était en 1122. L'an 1745 une partie des reliques fut portée à l'abbaye du Parc aux Dames, où jusqu'à la Révolution saint Annobert était grandement honoré. En 1757 le Père Créaux, capucin, publia une curieuse vie de ce saint. ”
“Saint Patrice (24 mai) : Le procès-verbal d'une visite des reliques de la cathédrale de Lisieux en 1055, mentionne les reliques de Saint Patrice, évêque et confesseur. Il ne peut s'agir, comme plusieurs l'ont prétendu, de saint Patrice d'Irlande, inhumé en l'église Sainte-Trinité de Douvre, où son corps ne fut retrouvé qu'en 1185. La tradition d'un saint Patrice, évêque de Bayeux est, à défaut d'actes authentiques parfaitement établie à partir du XVe siècle. D'après un état des tombeaux de l'église Saint-Exupère, dressé en 1679, le cercueil de saint Patrice reposait alors devant l'autel de la Sainte Vierge. Retrouvé en 1853, la commission n'osa se prononcer sur son authenticité. Les ossements qu'il contenait appartenant à plusieurs individus. Par crainte puérile des dénicheurs de saints, plusieurs évêques de Bayeux, mal informés, n'osèrent conserver l'office de saint Patrice de Bayeux dans le bréviaire diocésain. Cependant les historiens les plus autorisés l'abbé Chastelain dans son martyrologe de 1709, les auteurs du Gallia Christiana, Le Prévost dans son Histoire des saints patrons du diocèse de Lisieux affirment sans hésitation que le saint Patrice de Lisieux est identiquement le même que celui de Bayeux. Aussi Monseigneur Didiot a rendu à son antique prédécesseur la place qui lui appartenait dans le propre du diocèse. Saint Patrice naquit de parents fortunés dans le faubourg de Bayeux, qui porte maintenant son nom. Il transforma en église la maison paternelle et donna tous ses biens à la cathédrale, où furent fondés les prébendes canoniales de Saint-Patrice et de Vaucelles. Il est vraisemblable, sinon certain, que saint Patrice fut inhumé dans la crypte de Saint-Exupère auprès de ses prédécesseurs. Survinrent aux IXe et Xe siècles les invasions des Normands. Pour les soustraire à la profanation, le clergé emporta ses reliques qui furent après quelques pérégrinations déposées en la cathédrale de Lisieux, qui les posséda jusqu'à la Révolution. L'office de saint Patrice se célèbre le 24 mai dans le diocèse de Bayeux. ”
“Saint Manvieu (28 mai) : Au XVIIIe siècle une maison de la rue Franche à Bayeux portait encore cette inscription : En ce lieu fut né Monsieur Saint-Manvieu. La date de sa naissance est fort incertaine. Ses parents, qui étaient chrétiens et probablement de grands fonctionnaires, le firent élever selon leur rang et leurs croyances. C'était alors l'époque où les barbares trouvant l'Empire Romain sans défense effective, désolaient notre pays. Manvieu, encore jeune, usa de son influence et de sa fortune pour délivrer les captifs et fournir le nécessaire aux victimes des invasions. Le christianisme, alors dans sa robuste jeunesse, inspirait aux grandes âmes, dégoûtées de la politique, l'amour de la solitude. La religion était concentrée dans les monastères, d'où elle se diffusait parmi le peuple des campagnes, encore à demi barbare et sacrifiant à toutes les divinités des envahisseurs. Vers 560, Manvieu se retira dans un de ses domaines situé non loin de sa ville natale. Au manoir de Vaucelles, près Bayeux, existait dès le XIIIe siècle une chapelle dédiée à saint Manvieu, qui pourrait avoir succédé à l'ermitage. Cette hypothèse aplanit toutes les difficultés topographiques. Trois disciples vinrent bientôt se joindre à lui. L'un étant mort subitement, Manvieu par ses prières obtint de Dieu sa résurrection. A l'exemple des moines du temps il parcourait les campagnes pour asseoir le christianisme sur les ruines du paganisme tombant en désuétude. Dans une de ses courses apostoliques il rendit la vie à un mort. Ce prodige remplit le peuple d'admiration et ses concitoyens décidèrent qu'aucun esclave ou criminel, ne passerait sans être libéré, dans la rue où était la maison natale de l'ardent missionnaire, ce qui lui a valu le nom de Franche-Rue. Saint Patrice, évêque de Bayeux étant venu à mourir, les suffrages du clergé et du peuple se portèrent sur Manvieu, qui, voyant en ce témoignage la volonté de Dieu, accepta l'épiscopat. Evêque, il continua sa vie d'ardent missionnaire, il sacrifia tout pour le salut des âmes. D'un très grand âge, une maladie prélude de sa fin, vint l'accabler : il résista pendant 47 jours ayant pour unique aliment la Sainte Eucharistie. Il succomba le 28 mai, vers l'an 480 et fut enterré auprès de ses prédécesseurs dans l'église Saint-Exupère de Bayeux. Lorsqu’en 1853 Monseigneur Robin fit ouvrir son tombeau, les médecins constatèrent à l'inspection de ses os, qu'il. était d'une haute stature et parvenu à un âge voisin de la décrépitude. Le 4 septembre 1892, Monseigneur Hugonin fit la translation solennelle des restes du saint. Les fidèles venaient prier à son tombeau pour leurs besoins et spécialement pour la guérison des fièvres. Après la mort de Nicolas du Bosq, évêque de Bayeux, en 1408, le chapitre célébra l'office de saint Manvieu, rite semi-double à neuf leçons afin d'obtenir un digne successeur. Dans le diocèse de Coutances, saint Manvieu est patron de Gonfréville, Vandrumesnil et Marchésieux. Ce fut le curé de cette dernière paroisse qui donna communication au P. Labbe, de la vie que les Bollandistes ont insérée dans leur recueil. Les paroisses de Saint-Manvieu, près Caen, Longueville et Meuvaines sont sous le patronage de saint Manvieu. Il est titulaire mais non patron de Saint-Manvieu-Bocage. L'église de Meuvaines possède deux statues de son patron, une de style roman archaïque, dans une des arcatures du portail, et une autre du XVIIe siècle dans un des transepts. ”
“Le Bienheureux Lanfranc (28 mai) : Un jour, Guillaume le Conquérant rencontra un homme qui eut l'audace de lui résister. Le génie du duc-roi sut faire de ce fort adversaire un ami puissant. Cet homme était Lanfranc. Né à Pavie en 1003 de famille sénatoriale, il étudia à Bologne et se fit bientôt remarquer par sa science du droit. Venu en France, il triompha de l'hérétique Bérenger, ce prédécesseur de Luther, qui tenait alors la fameuse école de Saint-Martin de Tours, lui enleva ses meilleurs élèves et s'établit à Avranches, où il fut entouré d'une multitude de disciples. La gloire lui fut à charge et il se mit à la recherche d'un monastère où il pourrait vivre inconnu. La Providence le conduisit à l'abbaye du Bec que construisait l'abbé Herluin (1041). La renommée l'y suivit : les clercs, les grands seigneurs, les professeurs même y accoururent pour entendre ses leçons. Ayant été envoyé à Saint-Evroult, il devint prieur du monastère naissant. Guillaume le Conquérant qui l'avait bien jugé, en fit son conseiller. Il le chargea de plusieurs missions difficiles, spécialement de régulariser son mariage avec Mathilde, fille de Beaudouin, comte de Flandre. La dispense fut accordée par le pape Nicolas II, sous promesse de créer à Caen deux monastères, l'un d'hommes, l'autre de femmes. Aussitôt que l'abbaye de Saint-Etienne fut établie, Lanfranc en fut nommé abbé. Il y fonda une école qui devint aussi fameuse que celle du Bec. Il s'y forma des architectes auxquels nous devons les églises romanes édifiées dans les dépendances ou dans le voisinage du monastère : Saint-Étienne et Sainte-Trinité de Caen, les grandes églises rurales de Ouistreham, Cheux et Secqueville-en-Bessin, les moyennes églises de Mouen et de Biéville et celles, moins importantes, de Colombelles et de Beuville. En 1067 Lanfranc refusa le siège archiépiscopal de Rouen qui lui était offert, mais en 1070 il dut céder aux ordres de l'abbé Herluin, aux prières de son ami Nicolas Coquin, prieur du Plessis-Grimoult, et à l'autorité de deux conciles qui le nommèrent archevêque de Cantorbéry. En qualité de Légat du pape, il réforma les diocèses d'Angleterre dont il était primat et rétablit dans les monastères l'étude des sciences et des arts. Il couronna roi d'Angleterre Guillaume le Roux, fils de Guillaume Le Conquérant (1082). Il mourut le 28 mai 1087 et fut inhumé dans sa cathédrale. Milon Crespin, moine du Bec, son contemporain, a écrit sa vie. Les moines de Cantorbéry célébraient son anniversaire avec toute la pompe due à un saint. Bien qu'aucun culte public n'ait jamais été autorisé, les populations s'inclinant devant son génie, dépensé tout entier pour la défense et la grandeur de l'Eglise, ont proclamé Lanfranc bienheureux. Il fut l'homme nécessaire à cette époque pour allier les choses les plus discordantes et transformer des hommes encore barbares en peuple civilisé. ”
“Saint Ortaire (29 mai) : En l'an 1637, Dom Pierre Pecquet, sous prieur et bibliothécaire du monastère du Plessis-Grimoult, fut chargé de prêcher la fête de saint Ortaire en l'église d'Etavaux, près Caen. N'ayant aucune donnée sur ce saint local, le prédicateur s'adressa au curé qui lui présenta une vie du saint, copiée sur un vieux lectionnaire conservé dans l'église de la Bazoque (Eure). Dom Pecquet l'envoya aux Bollandistes qui l'ont admise comme authentique. Depuis cette époque un grand nombre d'écrivains régionaux ont écrit sur saint Ortaire. Une abondante bio-bibliographie a paru dans la revue Baïocana (t. I, p. 36 et 118). Ce saint naquit au VI siècle, dans le diocèse de Coutances, d'une famille patricienne. A l'âge de 12 ans, il se retira dans un ermitage situé, d'après la tradition, en la paroisse de Beaumesnil. Il reçut le sacerdoce, se consacra à la conversion des païens dans les contrées voisines. Un jour il apprend que l'abbé de Landelles, monastère voisin, vient de mourir. Il s'y rend pour prendre soin de sa sépulture. D'un accord unanime les moines le nomment leur abbé. Pour échapper à cet honneur, Ortaire se réfugie dans une grotte presque inaccessible, située en la paroisse de Malloué, à deux lieues au nord de Landelles. Les religieux l'y découvrent et le persuadent de revenir au monastère. Il avait alors 58 ans. Mettre en culture des landes improductives, faire croître des légumes à la place des buissons, transformer des forêts vierges en vergers, tel était alors le travail matériel des moines. Saint Ortaire quittait souvent le monastère, parcourait les villes et les campagnes, semant partout la parole de Jésus-Christ. Les miracles confirmaient ses prédications : il guérit un lépreux, ressuscita un mort, etc. Il mourut en 625, à l'âge de 98 ans, et fut inhumé dans un oratoire qu'il avait élevé à la Vierge Marie. Son tombeau fut, le théâtre de nombreux miracles qui déterminèrent l'évêque de Coutances, dont Landelles dépendait, à lever son corps, ce qui était l'autorisation d'un culte public. Ses restes furent déposés à peu de distance dans une chapelle élevée en son honneur, et qui fut détruite par les protestants en 1562. En 1706, l'abbé Jouenne, curé de Landelles, réédifia. le sanctuaire et remit en honneur le tombeau du saint, quoique vide de ses reliques. Saint Ortaire est très vénéré dans les trois diocèses de Basse-Normandie : Bayeux, Coutances et Séez. Nous trouvons trace de son culte à l'ancienne chapelle de Saint-Clair, près Vire, à Estry, à Etavaux, où l'on célébrait très solennellement sa fête. Les abbayes de Saint-Jean de Falaise et de Barbery étaient des centres de dévotion. Le pèlerinage de Saint-Ortaire à la Roque-Baignard existe toujours, et la bibliothèque de Lisieux conserve un ancien manuel spécialisé pour cette dévotion locale. Au diocèse de Coutances, nous trouvons son culte à Poilley, Mesnil-Drey, Périers, Mesnil-Hue, Villebaudon, Cuves, le Désert, Saint-Clément, etc.... Mesnil-Gondouin, Ecouché, Saint-Pierre-de-Montsort et Saint-Michel des Andaines, au diocèse de Séez, ont des autels sous le vocable de Monsieur Saint Ortaire. Ces nombreux sanctuaires peuvent fixer bien des points de son passage. Les fidèles l'invoquent pour les rhumatismes, la goutte et toutes les douleurs qui torturent le corps, d'où il est quelquefois dénommé Saint “Tortaire”. ”
“Saint Evremond (10 juin) : Saint Evremond, que plusieurs disent frère de saint Evroult, naquit à Bayeux au VIIe siècle d'une illustre famille. Il vécut à la cour des rois Clovis II, Clotaire III et Childéric II et obtint une des premières charges du royaume. Tout lui souriait dans le monde, mais touché de, la grâce de Dieu, et conseillé par Annobert, abbé d'Evrecy, il quitta la cour, fit de pieuses largesses de sa fortune, décida son épouse à entrer dans un monastère, fit couper ses cheveux et sa barbe, alors marques distinctives de la noblesse, et se retira dans la forêt d'Ecouves à trois lieues de Séez. Il y fonda plusieurs ermitages tant d'hommes que de femmes, puis un monastère qui prit le nom de Fontenay. Son ami Annobert, devenu évêque de Séez, lui envoya son archidiacre Fortunat, puis alla lui-même le visiter, l'ordonna prêtre et l'établit abbé de Montmerrey. Il fonda trois églises en l'honneur de la Sainte Croix, de la Vierge et de Saint-Martin de Vertou. Revenu à son monastère de Fontenay-les-Louvets il y mourut et y fut enterré. De grands miracles illustrèrent ses funérailles. Au IXe siècle ses reliques furent portées en l'abbaye d'Ouche, fondée par saint Evroult, puis en 946 à Saint Pierre d'Orléans. Bernard, comte de Senlis, les mit en sauvegarde au château fort de Creil, où il fit bâtir une magnifique collégiale. Le 7 novembre 1567 les protestants brisèrent la châsse de saint. Evremond. Seuls échappèrent au vandalisme les bras du saint ; l'un donné à Saint-Rieul de Senlis, l'autre conservé à Creil avec le chef du saint jusqu'à la Révolution. En 1791 le curé de Creil, fit cacher secrètement en terre par un ouvrier de confiance le reliquaire de saint Evremond, mais tous deux ont emporté leur secret dans la tombe. La splendide collégiale de Creil n'existe plus, mais le saint est toujours honoré en cette ville ainsi qu'à Senlis. Il était patron de trois paroisses du diocèse de Coutances : Saint-Evremond de Bonfossé, la Barre de Semilly et Saint-Evremond-sur-Loson, réuni en 1801 à Saint-Louet-sur-Loson. Les anciens bréviaires de Saint-Quentin, de Beauvais et de Senlis, possédaient un office de saint Evremond remontant au XIe siècle. Mgr de Matignon, évêque de Coutances, fit insérer cette fête dans les livres liturgiques. Aujourd'hui, les diocèses de Bayeux, et de Séez sont les seuls autorisés à faire l'office de saint Evremond. Cependant sa mémoire est toujours en honneur à Fontenay-les-Louvets et à Montmerrey. ”
“Saint Leufroi (21 juin) : Au retour d'un voyage dans le Cotentin, saint Ouen. évêque de Rouen, traversa le pagus Madriacensis (ou Méresais), au diocèse d'Evreux. Son grand âge l'empêchant de se tenir à cheval, il voyageait dans un chariot, tiré par deux mules. Il s'égara aux approches de la nuit. Soudain lui apparut une croix lumineuse, qui lui indiqua sa route. Prenant l'aiguillon d'un laboureur, il le disposa en croix et le planta à ce carrefour, qui prit le nom de Croix Saint-Ouen. Vingt ans plus tard, saint Leufroi y fonda un monastère, sous le vocable de La Croix Saint-Leufroy. Ce saint naquit à Evreux, d'une famille de grands fonctionnaires. Epris de vie monacale, il se retira, malgré ses parents, chez l'écolâtre de Saint-Taurin, en sa ville natale. Ayant été autorisé à suivre sa vocation, il étudia aux écoles de Condé-sur-Iton et de Chartres, puis, revint à la maison paternelle, où il se mit à instruire les enfants du voisinage. Bientôt, il part en quête d’une solitude. Chemin faisant, il rencontre un pauvre en haillons : il lui donne son manteau ; plus loin, il en trouve un autre, à peine vêtu : il se dépouille encore, pour le couvrir. Presque nu, Leufroi cherche un abri au monastère de la Varenne (commune de Montérolier, près Neuf-châtel). En vain, les religieuses veulent le retenir ; il se retire chez l'ermite Bernard, qui habitait les solitudes de Cailly, près Clèves. Puis il va trouver saint Saëns, qui lui donne l'habit monacal et bientôt lui confie la direction de son monastère naissant. Là, il connut saint Ansbert, évêque de Rouen, qui, voulant utiliser son zèle, le chargea de retourner évangéliser son pays. Leufroi se mit en route, et, fortement inspiré, s'arrêta à La Croix Saint-Ouen, où s'opéraient de, nombreux miracles. Il y bâtit un oratoire, qui fut le centre d'une communauté. Des méchants le diffamèrent auprès de Didier, évêque d’Evreux, qui, accompagné de ses officiaux, se rendit au monastère, admonesta vivement l'abbé et l'emmena à sa suite pour l’emprisonner. Le cortège n’avait pas fait une lieue, que le cheval du Pontife tomba mort, blessant gravement son cavalier. Voyant en cet évènement le doigt de Dieu, Didier renvoya Leufroi et lui rendit justice et honneur. Notre saint fut un thaumaturge : il arrêta soudain un violent incendie, fit jaillir une source dans une région désolée par la sécheresse. il se rendit en Lorraine pour s'entretenir avec Charles Martel, qui gouvernait l'Austrasie au nom du jeune roi Dagobert III. Après son départ, Griphon, troisième fils du gouverneur, tomba gravement malade. Charles fit courir après Leufroi, qui revint de Laon et rendit la santé à l'enfant. Il bâtit pour les pauvres un hôpital dans son monastère. L'impiété et la grossièreté du peuple voisin lui donnèrent beaucoup à souffrir, mais Dieu était toujours avec lui. Une femme qui l'avait tourné en dérision, à cause de sa calvitie, vit à l'instant tomber ses cheveux et ses descendants naquirent chauves. Un voleur qui avait dérobé les meules du monastère et traité le saint de calomniateur, perdit toutes ses dents et transmit cette infirmité à sa descendance. Des paysans qui labouraient le dimanche, se moquèrent de saint Leufroi : le champ fut frappé de malédiction et ne produisit plus que des chardons et des ronces. Après la mort d'un religieux, on trouva, dans ses habits, trois pièces de monnaie, indice d'une faute contre le vœu de pauvreté. L'abbé fit enterrer le défunt hors du cimetière commun et jeta l'argent sur sa dépouille. Puis il se livra au jeûne et à la prière durant quarante jours, pour obtenir la grâce du pécheur. Dieu lui révéla que son âme était délivrée du Purgatoire. Aussitôt le corps fut ramené dans le cimetière conventuel. Leufroi mourut le 21 juin 738, après avoir gouverné sa maison pendant 48 ans. Il fut inhumé dans l'église abbatiale dédiée à Saint Paul. Le 22 juin 851 Guntbert, évêque d'Evreux, transféra son corps dans l'église de la Croix-Saint-Ouen qui prit le nom de Saint-Leufroi. Les moines Leufridiens voyant leur monastère incendié par les Normands, prirent la fuite, chargés des reliques de leur patron, de saint Agobard, son frère, et de saint Thurien, évêque de Dol, qui, sur la fin de sa vie, s'était fait moine dans leur maison, et le portèrent à Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Guy, évêque de Carcassonne, les transféra dans une nouvelle châsse en 1222, et en céda quelques parcelles à l'abbaye de Saint-Leufroi, qui les honorait le 8 juin. La paroisse de Suresnes, vassale de Saint-Germain-des-Prés, possède encore des reliques de ce saint. Le 2 mars 1741, Mgr de Rochechouard, évêque d'Evreux, supprima le monastère de Saint-Leufroi, et le bras du saint, qui y était conservé, fut transféré dans l'église paroissiale, où il est demeuré. L'inventaire des reliques apportées de Rouen au prieuré de Saint-Himer (Calvados), en 1756, mentionne deux ossements de saint Leufroi. Les imagiers représentent cet abbé avec un ou plusieurs enfants près de lui, parce qu'il est invoqué pour les petits malades ; faisant jaillir une source pour récompenser un paysan qui lui avait donné à boire ; dissipant une nuée de moucherons qui avaient infesté le réfectoire des religieux, etc... ”
“Saint Wambert : Un ordinal de, l'abbaye de Saint-Pierre-sur-Dives, écrit vers 1273, et cité par Dom Martène dans son grand ouvrage sur les cérémonies monacales porte cette mention : “Tous les ans les religieux de la maison célèbrent la fête de saint Wambert, évêque et martyr, dont le corps et la tête sont conservés dans l'église”. St-Pierre-sur-Dives et la région de Falaise étaient jadis du diocèse de Séez, qui faisant coin entre les diocèses de Bayeux et de Lisieux, s'avançait jusqu'à Mézidon. Wambert, désigné comme évêque, n'occupa aucun siège épiscopal. C'était un chorévêque, c'est-à-dire une sorte de préfet apostolique, auquel l'évêque de la cité déléguait une partie de ses pouvoirs, afin de lui permettre de remplir certaines fonctions épiscopales dans les bourgs et les campagnes encore païennes. Au IXe siècle, Wambert fut chargé par l'évêque de Séez d'évangéliser le pays d'Hiesmois, dont le bourg actuel d'Exmes formait le centre. A Caen, la rue Saint-Jean qui conduisait vers ce pays portait le nom de Rue Exmoisine. C'était au temps des invasions normandes. Ces barbares remontèrent la Dives sur leurs barques légères, pillant et brûlant tout sur leur passage. Wambert s'avança au devant des envahisseurs et leur demanda d'épargner son troupeau. Il ne fut pas écouté : le bourg fut dévasté, l'église incendiée et lui-même fut massacré. De pieux fidèles recueillirent secrètement les restes de leur dévoué pasteur. Voici le cérémonial de la procession qui dès le XIIII, siècle, se faisait le 26 juin en l'église Saint-Pierre : Tous les moines assistaient, revêtus de chapes, aux offices du jour. La messe célébrée comme aux plus grandes fêtes, était suivie d'une procession autour du cloître. Au retour, deux religieux élevaient la châsse qu'ils portaient, et tous les assistants passaient par-dessous pour se mettre sous la protection du saint martyr. A l'issue des vêpres, la communauté se rendait processionnellement à la chapelle de l'infirmerie, dédiée en 1214 en l'honneur des saints Eloi et Wambert, par Sylvestre, évêque de Séez. Le culte du saint martyr fut longtemps populaire. En 1869, un nommé Aubin trouva à Donville, paroisse réunie à Saint-Pierre-sur-Dives, une médaille ancienne, en cuivre, de forme ovale. L'avers représentait le buste du saint ayant devant lui une crosse et une tête de cerf avec cette inscription : Sainct Wambert. Le culte de ce saint a été rétabli en l'église de Saint-Pierre-sur-Dives. Son office y est célébré solennellement le 26 juin, d'après les prescriptions de l'ordinal de l'Abbaye et les rubriques d'un ancien graduel soigneusement conservé à la paroisse. ”
“Le Bienheureux Geffroy (8 juillet) : La collection de Boze à la Bibliothèque Nationale renferme un curieux plan des tombeaux de l'abbaye de Savigny (No 9028). Cette pièce nous montre la pierre tumulaire du Bienheureux Geffroy dans la circata de l'autel, entre un des maîtres piliers et la première colonne, dans l'espace situé devant la chapelle Saint-Nicolas. Ce saint naquit à Bayeux au XIe siècle. Son père, nommé Alain, était gouverneur d'un château qui ne pouvait être que la forteresse de la ville. Pendant que sa mère le portait dans son sein, un violent incendie réduisit en cendres une grande partie de la cité. Alors que le feu consumait l'église de la Madeleine, construite en bois, cette future mère sauva les précieuses reliques qui y étaient vénérées. Ce fut pour elle une bénédiction. L'enfant qu'elle mit au monde, prénommé Geffroy, devint un prodige de science et de piété. Après avoir complété ses études à Paris, il entra à l'abbaye de Saint-Vigor-de-Cerisy, au diocèse de Bayeux, où il se montra un novice modèle. Bientôt il opta pour l'abbaye de Savigny, fondée par son compatriote saint Vital de Tierceville, qui y faisait fleurir la règle de saint Bernard. Il devint le coadjuteur de l'abbé, à la mort duquel les moines le proclamèrent son successeur. L'abbé Geffroy fonda dix-huit nouveaux monastères, dont les Vaux-de-Cernay, au diocèse de Paris, et Beaubec, au diocèse de Rouen. En homme avisé et prudent, il avait soin de pourvoir chaque maison d'un avenir assuré. La règle portait que tous les couvents de l'ordre devaient déléguer annuellement un de leurs membres pour assister à un concile général qui se tint jusqu'à l'époque où l'abbé Serlon unit sa congrégation à celle de Saint-Bernard-de-Clairvaux. Geffroy mourut en 1139 et fut inhumé dans l'église conventuelle. Un grand nombre de miracles, dont la résurrection d'un mort, s'opérèrent à son tombeau. Jusqu'en 1153 les évêques usèrent du droit d'accorder les honneurs publics à un martyr ou à un confesseur dans les limites de leur diocèse, réserve faite au Souverain Pontife d'étendre ce culte à l'église universelle : c'était une véritable béatification. Le corps du bienheureux Geffroy fut alors levé de terre et déposé dans une châsse placée tout près de l'autel, où il jouit d'un culte local. Il était surtout invoqué pour la guérison des fièvres et sa fête était solennellement célébrée, dans l'abbaye. Des parcelles de ses reliques sont conservées dans le maître-autel de l'église paroissiale de Savigny-le-Vieux. Les papes n'ayant pas sanctionné, peut-être faute de demande, la proclamation populaire, le culte du bienheureux demeura confiné dans son monastère qui a disparu à la Révolution. ”
“Saint Berthevin (11 juillet) : Une tradition uniforme et constante nous apprend que ce saint naquit à Parigny, au diocèse d'Avranches. On montre encore, au village de l'Orberie, l'endroit où il reçut le jour. Sous le clocher de l'église paroissiale existe une chapelle qui fut élevée au-dessus de son tombeau. Chaque lieu de dévotion à saint Berthevin possède une vie spéciale, inspirée par des actes primitifs, mais que l'amour du clocher a plus ou moins déformée. Autant de cloches, autant de sons. La plus ancienne rédaction connue se trouve dans un manuscrit du Mont-Saint-Michel, conservé à la bibliothèque d'Avranches sous le n° 167. Berthevin remplissait les fonctions de diacre dans la cathédrale d'Avranches lorsque cet édifice fut détruit par les Normands vers 850. Echappé au massacre, il se réfugia dans une solitude nommée le Val-Guyon près Laval. Le seigneur du lieu, nommé Bertaire, voulant mettre à profit les qualités et vertus de l'ermite, le chargea de l'administration de ses biens et de l'intendance de sa maison. Malgré ces occupations, Berthevin se rendait chaque jour à la ville pour se perfectionner dans l'étude des lettres, sans manquer d'aller prier dans l'église Saint-Nicolas, élevée sur la rive opposée de la Mayenne. Le bac de passage venait spontanément le chercher et le ramener sans nautonier, ni voile, ni aviron. Il devint bientôt le confident de ses maîtres, ce qui excita la jalousie des autres serviteurs. N'ayant pu le perdre par la délation, ils l'assassinèrent et jetèrent son corps dans l'étang voisin de la chapelle où il allait prier. Effrayés par les recherches de leur maître, les assassins repêchèrent le cadavre pour le cacher dans une grotte d'où ils le retirèrent pour l'ensevelir dans le lit du Vicoin, rivière voisine. De là ils le hissèrent dans une caverne, située au sommet de la falaise qui surplombe la rive. Tout est demeuré dans cet état. La marraine du martyr, sur une inspiration céleste, attela deux génisses indomptées à un char, et les laissa cheminer à leur gré. Arrivées au pied de la falaise, elles la gravirent, s'arrêtèrent à l'ouverture de la caverne le temps de charger le corps et le reconduisirent à son pays natal. La légende raconte qu'une des génisses tomba de lassitude à l'arrivée et brisa une de ses cornes qui est conservée dans l'église de Parigny. Au cours du voyage, une biche, serrée de près par les chasseurs, vint se réfugier sous le chariot qui portait les reliques et les chiens n'osèrent l'approcher. Le seigneur fit élever sur le tombeau du saint une chapelle qui est devenue l'église de Parigny. Une fontaine jaillit auprès et les fidèles y viennent pour obtenir la guérison de la vue. Ceci se passait vers 872. Des pèlerins revenant du Mont-Saint-Michel enlevèrent le corps et le transportèrent à Lisieux, moins exposé aux ravages des Bretons, et depuis il y a toujours été en grand honneur. Le 24 avril 1399, l'évêque Guillaume d'Estouteville fit ouvrir la grande châsse de sa cathédrale en présence du roi Louis XI et de Jean Boucard, évêque d'Avranches : il y trouva le corps de saint Berthevin auprès des restes de saint Ursin. Il est patron de Saint-Berthevin-les-Laval, de Saint-Berthevin-les-Tannières et de Saint-Berthevin-de-Précey (Manche). A la Révolution, les reliques de Lisieux furent cachées par deux chanoines qui moururent avant d'avoir eu le temps de révéler leur secret. ”
“Le Vénérable Hugues, évêque de Lisieux (17 juillet) : Nombre d'hagiographes donnent à Hugues d'Eu, évêque de Lisieux, le titre de vénérable et mentionnent sa fête au 17 juillet. Cet illustre prélat était fils de Guillaume, comte d'Eu et d'Hiesmes, et de Lesceline. Orderic Vital et Guillaume de Poitiers, historiens contemporains, vantent sa puissante intelligence et sa rare sagesse. Il fut d'abord chanoine en la cathédrale de Lisieux. Grâce à la protection de Guillaume le Conquérant, son parent, il succéda à Herbert, évêque de ce diocèse, mort en 1050. Bientôt, assisté d'Osbern de Crépon, un de ses archidiacres et futur évêque d'Evreux, il donna la bénédiction abbatiale à Thierry de Mathonville, abbé de Saint-Evroult, et, l'année suivante, en l'abbaye de Fécamp, il conféra le diaconat à Eude de Conteville, frère utérin du duc Guillaume. Hugues acheva la construction de sa cathédrale, commencée par son prédécesseur et, à l'occasion de sa dédicace (8 juillet 1060), fit venir les reliques de saint Ursin, évêque de Bourges. Sous son pontificat, se tint le concile de Lisieux (1055), présidé par Hermenfroi, évêque de Sion-en-Valais, légat du pape, qui prononça la déchéance de Mauger, archevêque de Rouen. L'abbaye de Saint-Evroult fut l'objet constant de ses soins : il y rétablit l'ordre troublé par le prieur Robert de Géré, y bénit une chapelle dédiée aux saints Evroul, Benoit, Maur et Leufroi, reçut l'abdication de l'abbé Thierry et, sous la pression du duc de Normandie installa en sa place Osbern, prieur de Cormeilles. Nous le voyons assister à la dédicace de la cathédrale de Rouen et au concile qui suivit (1063), à une donation en faveur de Saint-Etienne de Caen, au concile de Lillebonne, à la dédicace des abbatiales de Sainte-Trinité de Caen (1066), de Jumièges (1067), aux assemblées convoquées pour combattre l'hérésie de Béranger, etc... Il fut témoin du don fait par Guillaume à son frère Odon, des biens du traître, Grimoult et à la fondation d'un prieuré augustinien en la paroisse du Plessis. Protecteur déclaré des religieux, il releva et fonda plusieurs monastères, notamment celui de Saint-Désir, à Lisieux, où il transféra les moniales de Saint-Pierre-sur-Dives, auxquelles succédèrent des moines bénédictins. Le meilleur et le plus authentique témoignage que nous ayons sur ce prélat, est celui de Guillaume de Poitiers, qui fut son archidiacre ; cet historien nous le montre débordant de zèle et aussi charitable pour les autres que sévère pour lui, dévoué gardien de la justice, rempli d'humilité et d'abnégation. D'une activité inlassable, il entreprit, malgré la vieillesse et les infirmités, une nouvelle visite de son diocèse. Il tomba gravement malade à Pont-l'Evêque et manifesta le désir d'être transporté dans sa ville épiscopale. La mort le surprit à mi-chemin, au coin d'un herbage (17 juillet 1077). “Les rayons du soleil, écrit Orderic Vital, furent le voile funèbre qui enveloppa le corps du prélat expirant ; une croix, nommée dans la suite Croix l’Evêque, fut érigée en souvenir de cet événement.” Malgré les contestations du chapitre, son corps fut inhumé dans le chœur de l'église abbatiale de Saint-Désir. Hugues d’Eu fit attribuer à lui et à ses successeurs le titre de Comte de Lisieux, annexa à son diocèse l'exemption de Saint-Cande de Rouen, comprenant les paroisses de Saint-Cande, Sotteville, Rouvrai, le Petit-Couronne et Etrépagny en Vexin. Son obit était célébré solennellement à l'abbaye de Saint-Evroul le 17 juillet. Sa biographie détaillée constituerait une des plus intéressantes pages de l'histoire de Normandie. ”
“Saint Clair (18 juillet) : C'est une extraordinaire odyssée que les pérégrinations de saint Clair dans la Neustrie et Bien que jalonné par des monuments qui gardent le souvenir de son passage, son itinéraire est difficile à suivre, parce que cet apôtre, fuyant la popularité et les embûches de ses ennemis, ne séjournait pas dans les villes, mais fondait des ermitages aux environs, d'où il évangélisait les campagnes. Il naquit à Rochester, en Angleterre, sous le règne d'Edmond l'Ancien, qui régna de 841 à 846. Son père, nommé Edouard, premier ministre du roi, le promit en mariage à une riche princesse. Tout autre était le désir de Clair, qui s'enfuit sur un vaisseau et débarqua en Neustrie, près de Cherbourg. Il se réfugia dans un ermitage voisin. Ce lieu aujourd'hui dénommé Saint-Clair-du-Marais est situé en la commune de Nacqueville. Il y guérit le serviteur des ermites qui s'était blessé avec sa hache, et délivra un possédé du démon. La méchanceté des habitants du pays le fit se retirer au monastère de Malduin, bâti près du ruisseau Costus, maintenant rû Saint Clair. Il y vécut sous l'abbé Odobert et y reçut la prêtrise des mains de Séginaud, évêque de Coutances, vers 868. il ressuscita le fils d'une pauvre veuve. Une femme puissante essaya en vain de le séduire et lui voua une haine mortelle. Pour lui échapper, il parcourut la Neustrie, se fixant momentanément aux environs des villes. Nous trouvons des traces de son passage à Coutances, Carentan, Saint-Lô, où se tiennent les grandes foires Saint-Clair. De là, il gagne les abords de Vire, y séjourne, puis remonte vers le Nord, s'arrête à Banneville-sur-Ajon, puis à la Pommeraie, près Thury-Harcourt, où existe une chapelle que visita saint Louis, puis vient se construire une hutte à Hérouville, près Caen. Une fontaine, une chapelle transformée en église, des traditions y rappellent son séjour. De là il gagne Lisieux, près des ruines de l'antique Noviomagus, en passant par Basseneville et Cambremer. Remontant la Touques, il baptise à Saint-Arnoult, près Touques, et dans la fontaine Saint-Clair aux portes de Honfleur. Nous le retrouvons ensuite dans la région de Bernay, à la Chapelle-Bayvel, sur la route de Lillebonne, où deux foires, la petite et la grande Saint-Clair, commémorent son passage. Non loin se trouve encore la paroisse Saint-Clair d'Arcey. Nous pouvons encore le suivre à Flacourt, près Mantes, et aux ermitages qui devinrent les abbayes Saint-Germain-des-Près et Saint-Victor à Paris. Après un séjour à Gometz-le-Châtel, il passe à Pontoise, Hérouville, revient en Neustrie, s'arrête à Forges-les-Eaux, Saint-Clair-Hardancourt près Gournay et dans un bois entre Flavacourt et Sancourt. Son passage est marqué à Chaumont-en-Vexin et au Pré-Aubry, près Gisors. Vilcassinum (Saint-Clair-sur-Epte) fut sa dernière étape. Son ermitage fut découvert et des sicaires envoyés par la femme qu'il avait méprisée, le décapitèrent le 4 novembre 884. La tradition rapporte que le martyr se levant, prit sa tête dans ses mains et se transporta jusqu'à l'église paroissiale, indiquant ainsi le lieu de sa sépulture. De grands miracles s'opérèrent et s'opèrent encore sur son tombeau, notamment la guérison des maladies des yeux. C'est un des saints. les plus invoqués en Normandie. Sa fête, célébrée le 8 juillet, devint si populaire qu'elle fut choisie dans les pays agricoles comme un terme de l'année et l'époque de la louerie des domestiques. Nombreux sont les églises, chapelles et oratoires qui lui sont dédiés, ainsi que les fontaines qui portent son nom. La chapelle Saint-Clair, en l'église de Gisors, conserve, une longue inscription murale datée de 1678, racontant la vie de son patron. ”
“Saint Exupère (1er août) : Les controverses élevées pour et contre l'histoire et la date de l'épiscopat de saint Exupère n'ont pas été moins nombreuses que pour saint Martial de Limoges et saint Saturnin de Toulouse. Saint Exupère est le premier évêque de Bayeux, il a été envoyé par Rome, ceci est sans conteste ; mais à quelle époque ? Les uns font remonter son existence au 1er siècle, les autres la repoussent au IVe. Il y a exagération dans les deux partis. D'après les découvertes épigraphiques et monétaires, il est certain que Vieux et Bayeux, les villes des Viducasses, furent détruites au moment des invasions de 276 que Camille Julian appelle “la grande curée des Gaules”. L'inscription du marbre dit de Thorigny, découvert à Vieux, nous prouve que cette cité était très prospère en 238. Le druidisme proscrit par. Auguste, ensuite par Claude, disparut en Gaule, au moins dans les villes, vers la fin du IIIe siècle. Le poète Ausone, qui était chrétien, nous apprend qu'à cette époque deux druides de Bayeux, Phoebitius et Attius Patera, voyant leur culte tomber, en discrédit, étaient venus professer à Bordeaux. Le docteur Gosselin a trouvé à, Vieux l’inscription tumulaire d'un nommé Castinus, décédé à 90 ans, qui était chrétien dès sa naissance. La pierre était au-dessous de la couche des cendres. Vers 172, Lucius, roi de la. Grande-Bretagne, demanda des missions au pape Eleuthère. Il ne serait donc pas illogique de croire qu'Exupère introduisit la religion chrétienne dans notre pays la fin du IIe siècle ou au commencement du Ille. Exupère était un de ces chrétiens lettrés de Rome que les papes envoyaient évangéliser les contrées lointaines, principalement les villes, où se tenaient des écoles dirigées par les druides, qui professaient déjà le dogme de l'immortalité de l’âme. Il vint à Bayeux, centre de druidisme, y fonda une école où ne tardèrent pas à affluer les enfants des principaux fonctionnaires et propriétaires des environs. Un de ses plus brillants élèves fut saint Regnobert, fils du seigneur de Noron. Il en fit un chrétien dévoué qui devait lui succéder sur le trône épiscopal. A cette époque où le vieux paganisme jouait son dernier atout contre le christianisme déjà fortement enraciné, les possessions diaboliques étaient fréquentes. Un jour, le nouvel évêque délivra sept énergumènes possédés du démon, ce qui lui valut la conversion de plus de 500 païens. Il convertit même un prêtre de Bélénus, nommé Zénon, l'ordonna diacre et le mit à la tête de ses disciples. Selon la coutume des anciens apôtres il dédia à la Vierge Marie, l'oratoire qu'il avait élevé dans la ville de Bayeux, embryon de la future cathédrale. Succombant sous le poids des années et les fatigues de l'apostolat, Exupère alla jouir de la récompense due aux bons serviteurs. Il fut enterré sur le mont Phaunus qui devint le “mont des églises” et le lieu de sépulture des premiers évêques de Bayeux. Au IXe siècle par crainte des Normands qui ravageaient la Neustrie, les restes du pontife furent transférés à Palluau en Gâtinais. Le comte Haimon en 912 leur fit élever à Corbeil une collégiale desservie par 12 chanoines. Les nombreux miracles qui s'y accomplissaient en firent le centre d'un célèbre pèlerinage. Un Bayeusain, Guillaume Chartier, devenu évêque de Paris donna au roi Charles VII pour la Sainte-Chapelle, une relique de saint Exupère. La cathédrale de Bayeux conserve religieusement les ossements de l'avant-bras de son fondateur. Ce saint était invoqué contre la sécheresse et les incendies. En 1648, le feu ayant pris aux moulins à poudre d'Essonne, menaçait Corbeil ; le clergé sortit la châsse de saint Exupère et la ville fut préservée. ”
“Saint Raven et Saint Rasiphe (24 juillet) : Les saints Raven et Rasiphe rappellent, en beaucoup de points, les saints Cosme et Damien. Ils naquirent en Grande-Bretagne. Très versés dans l'art de la médecine, ils soignaient les pauvres avec le plus grand dévouement. Raven fut élevé au sacerdoce et Rasiphe au diaconat. Leurs exhortations et leurs exemples amenèrent la conversion d'un grand nombre de païens. Le préfet romain qui gouvernait le pays et favorisait le culte des idoles, les persécuta et les condamna à l'exil. Ils abordèrent en Gaule et se réfugièrent au diocèse de Séez, évangélisé par saint Latuin, leur compatriote. Pour échapper à la persécution, les deux saints se cachèrent dans un lieu désert, où s'éleva, plus tard, le bourg de Macé. Là, ils se livrèrent à la prière et à la mortification. Plusieurs guérisons les ayant fait connaître, de nombreuses personnes eurent recours à leur art et trouvèrent la santé de l'âme en même temps que celle du corps. Le bruit de leur renommée parvint aux oreilles de leur persécuteur, qui était venu séjourner dans la ville de Séez. Il envoya contre eux une troupe de soldats, qui les mutilèrent horriblement et les laissèrent pour morts non loin de la fontaine ou ils avaient coutume de baptiser. Ils vécurent encore trois semaines sans que personne osât leur porter secours et moururent, Raven, le 23 juillet, et Rasiphe, le lendemain. Des chrétiens les ensevelirent dans deux cercueils de pierre. Longtemps après, un prénommé Hérembert, éleva sur leur tombeau un oratoire qui devint l'église de Macé. Un pèlerinage s'y établit et il s'y opéra de nombreuses guérisons, notamment celle d'une paralytique de Lisieux, nommée Ebleterre, et d'une démoniaque de Nonant-le-Pin, appelée Edelburge. Craignant que leurs reliques ne fussent profanées par les Normands, qui occupaient la vallée de la Dives, les habitants de Macé les enveloppèrent dans une peau de cerf et se mirent en route vers le Nord-Ouest. Parvenus à Tracy-Bocage, les chevaux refusèrent complètement d'avancer. Deux cavales indomptées, fournies par le seigneur du lieu, devenues subitement dociles, les portèrent jusqu'à Saint-Vaast. Une chapelle fut bâtie en leur honneur, mais le précieux trésor tomba bientôt dans l'oubli. En 1047, sur la révélation d'une moniale de Cordillon, abbaye voisine, Hugues, évêque de Bayeux, leva les corps, les transféra dans la cathédrale qu'il faisait reconstruire, où il leur dédia une chapelle. Ces reliques furent, en 1562, portées à Caen, avec leur châsse, sous prétexte de conservation, mais le duc de Bouillon, leur pseudo protecteur, fit fondre les reliquaires et jeter les précieux restes dans un cloaque. Cependant, le maréchal de Fervaques, qui commandait sous les ordres du duc de Bouillon, recueillit plusieurs des ossements des deux saints et les plaça dans l'église collégiale de son château de Grancey, en Champagne. Ils y sont toujours conservés, mais les authentiques ont été perdus. Avant la Révolution, il y eut à l'oratoire de Saint-Vaast, jusqu'à 97 pèlerinages dans une même année. Cette chapelle a été reconstruite en 1865 par un membre de la famille de Malherbe, au moyen d'un trésor trouvé dans les ruines d'un château voisin. Bien que l'antique ferveur se soit ralentie, les saints martyrs sont toujours invoqués contre les vers blancs. L'église de Tracy-Bocage leur est dédiée. Le prénom de Raven a toujours été très usité et se transmet comme un apanage dans la noble famille de Morel. Nombreux sont aussi les prénommés Rasiphe en Basse-Normandie. ”
“Sainte Basile (16 août) : Sainte Basile était la patronne de l'église de Couvert, au canton de Balleroy. Selon M. de Caumont, les parties anciennes de l'édifice sont antérieures au IXe siècle. Le cimetière a fourni nombre de cercueils renfermant des objets de l'époque carolingienne et mérovingienne. Le bénéfice en fut donné à l'Hôtel-Dieu de Bayeux en 1258. Un document nous prouve que le culte de sainte Basile était en grand honneur à Couvert en 1216. C'était un lieu de pèlerinage très fréquenté. Par les temps de sécheresse le peuple y venait demander de la pluie. Au mois de juin 1625, le curé de Saint-Michel de Vaucelles de Caen y conduisit une procession de 900 personnes. Selon la tradition, au nord du bourg actuel s'élevait une villa gallo-romaine nommée Baccaïe. Des tuiles à rebords, des monnaies, des objets en bronze, trouvés à diverses époques, viennent confirmer cette opinion. Basile, fille d'un des grands propriétaires du pays, embrassa le Christianisme nouvellement prêché dans la région. C'était au temps des persécutions de Gallien, vers 260. Le lieutenant de l'empereur romain en mission dans le pays la fit arrêter, charger de chaînes et amener devant sa tente. Sur son refus obstiné de sacrifier aux idoles, il la fit décapiter. La tête de la vierge, dit la tradition, bondit sept fois sur le sol, et à chaque place surgit une source d'eau vive. On montre encore le pré qui fut le théâtre du martyr. Sur le tombeau de la sainte fut élevé un oratoire transformé plus tard en église. De très vieux martyrologes , mentionnent au 16 août, la vierge Basile, martyrisée dans le Bessin, au bourg de Bassilly. Un passionnaire du XIIe siècle, conservé à la bibliothèque d'Avranches dit que cette sainte mourut dans la cité de Baccaïe. En 1658, les religieuses de l'Hôtel-Dieu de Bayeux qui avaient le patronage de Couvert, obtinrent les reliques d'une sainte Basile, récemment exhumées de la catacombe romaine de ce nom. D'où une confusion dans le culte des deux saintes. Et au XIXe, siècle, le chanoine Laffetay, un peu influencé par les religieuses, crut prouver que les deux personnages n'en faisaient qu'un seul. Il semble pourtant difficile d'admettre qu'une sainte romaine dont le corps entier a été découvert en 1654, ait joui à Couvert d'un culte immémorial, que les vieux martyrologes et passionnaires se soient trompés dans l'ensemble, que la tradition soit complètement fausse, etc… Honorons donc, comme nos aïeux, notre sainte Basile Normande. ”
“Saint Ouen (24 août) : La légende de saint Ouen est figurée dans les bas-reliefs des portails de la Calende à la cathédrale de Rouen, des Marmousets à l'abbatiale Saint-Ouen et dans une verrière de l'église Saint-Ouen à Pont-Audemer ; son histoire a été écrite par l'abbé Vacandard. Sancy, au diocèse de Soissons, vit naître saint Ouen en 600. Son père Authaire et sa mère Aigu, de race franque, reçurent dans leur villa d'Ussy-sur-Marne, saint Columban, le modèle de la vie cénobitique. Sa visite impressionna vivement le jeune Ouen, âgé de 10 ans. Adulte, il reçut à la cour de Clotaire II l'éducation palatine et devint bientôt référendaire ou chancelier du roi. A la mort de saint Romain, évêque de Rouen, le clergé désigna pour lui succéder ce haut dignitaire, qui fut sacré dans sa cathédrale en 641. Ouen dépensa ses richesses à soulager les pauvres et les prisonniers, à racheter les esclaves ou rendre leur sort meilleur. Il organisa son diocèse, élevant les oratoires des villas au titre d'églises et les pourvut d'un prêtre, assisté de clercs. Il parcourait souvent son diocèse, prêchant, baptisant et confirmant. Son épiscopat fut l'ère des fondations monastiques : alors surgirent les abbayes de Saint-Wandrille, Saint-Germer, Saint-Saëns, Jumièges, Fécamp pour les hommes, de Pavilly et de Montivilliers pour les femmes. En visitant la province dont il était le métropolitain, vers 655, Bernuin abbé de Nanteuil en Cotentin, le pria de lever le corps de saint Marcouf. Le prélat désirait s'en réserver le chef ; il dut se contenter d'une parcelle. En revenant, il déposa momentanément sa relique dans l'église Notre-Dame de Caen, aujourd'hui Saint-Sauveur ; une vieille inscription rappelait cet épisode. Passant par le pays de Mérezais, au diocèse d'Evreux, il jeta les fondements d'un monastère qui prit le nom de La Croix Saint-Leufroy. Saint Ouen fut un des signataires du concile de Chalon-sur-Saône, tenu en 647 pour réformer la discipline de l'Eglise. A 80 ans, il se rendit à Cologne pour réconcilier Warathon, maire du palais de Neustrie, avec Pépin, roi d'Austrasie. Il revint chargé de reliques. Ce voyage l'épuisa et il mourut à Clichy, le 24 août 684, en grand serviteur de l'Eglise et de l'Etat. Son corps, inhumé dans la basilique Saint-Pierre, à. Rouen, fut levé en 688 et placé dans une châsse derrière l'autel. Le monastère fut brûlé en 841 par les Normands et les reliques transférées à Gasny, près Mantes, d'où elles furent rapportées à Rouen en 918. Une nouvelle translation se fit en 989 ; à cette occasion, Richard Ier, duc de Normandie, donna à Saint-Ouen de Rouen sa villa de Rots (Calvados). Les reliques de ce grand prélat furent brûlées par les Protestants le 3 mai 1562. Aucun saint normand ne compte plus d'églises sous son patronage. Au XVIIe siècle, Dom Pommeraie en mentionnait 40 dans le diocèse de Rouen ; nous en trouvons 29 dans celui d'Evreux, 13 à Séez et 11 à Coutances. Dans notre diocèse, existent ou existaient sous son vocable : St-Ouen-du-Château et St-Ouen-des-Faubourgs, à Bayeux ; St-Ouen-de-Villers, à Caen St-Ouen-des-Besaces, St-Ouen-du-Mesnil-Oger, St-Ouen-le-Houx, St-Ouen-le-Pin, Hérils, Périers-sur-le-Dan, Rots, Bures (Troarn), Les Iles-Bardel, Le Pré-d'Auge, Livarot, Monteilles, La Vespière, Brocottes, Genneville, Le Reculey, Le Mesnil-au-Grain. Un vieil auteur a écrit : si Rome est heureuse d'avoir saint Pierre, la Normandie n'est pas moins heureuse d'avoir saint Ouen. A la Croix-Saint-Ouen (Oise), des pèlerins viennent invoquer saint Ouen pour la surdité ; le malade descend dans un caveau, passe la tête dans une niche de pierre et implore l'assistance du thaumaturge. La consonance des mots Ouen et ouïr semble expliquer cette invocation. Pour le même motif, les cuisiniers et rôtisseurs d'oues (oies) de Rouen avaient choisi ce saint comme patron. ”
“Saint Regnobert (16 mai et 1er dimanche de septembre) : Les actes des saints, les anciennes listes épiscopales, les traditions prouvent que saint Regnobert fut le second évêque de Bayeux, le successeur immédiat de saint Exupère et qu'il n'a rien de commun avec le Ragnebert, évêque de Bayeux, qui souscrivit à un concile en 625. La date de l'épiscopat du premier évêque demeurant indéterminée, il est impossible, faute d'autres documents, de fixer la date du second. D'origine germaine ou plutôt gauloise, Regnobert était le fils du comte de Noron. Tandis que ses parents allaient adorer les idoles au Mont Phaunus, près Bayeux, le jeune homme se rendait au petit oratoire fondé par saint Exupère en l'honneur de la Sainte Vierge. Instruit par les prédications de l'évêque, il fut admis au nombre des catéchumènes, reçut le baptême et se mit aussitôt à prêcher la parole de Dieu. Ayant rencontré à la porte du temple païen un aveugle qui implorait sa guérison, il le conduisit à Exupère, qui lui rendit la vue. Regnobert prit part à la guérison de sept énergumènes, opérée par le même Pontife. Elevé au sacerdoce, il fut, après la mort de saint Exupère, proclamé évêque à sa place. Au retour de son sacre, un paralytique se porta à sa rencontre pour demander sa guérison. Le saint lui fit remettre son bâton pastoral par son diacre Zénon. A peine le malade l'eut-il pris entre ses mains, qu'il se mit à marcher sans effort. Quelques jours plus tard, alors qu'il était assis dans sa chaire pontificale, l'évêque délivra miraculeusement une femme d'un flux de sang, dont elle était affligée depuis cinq ans. Il guérit en même temps plusieurs autres infirmes, ce qui lui valut la conversion d'un bon nombre de païens. Regnobert agrandit l'oratoire bâti par saint Exupère au centre de Bayeux, éleva tout près une chapelle en l'honneur de saint Etienne, premier martyr, et une autre dédiée à saint Jean, sur le mont Phaunus. L'historien Ceneau lui attribue l'érection de trois églises à Caen, ce qui parait bien invraisemblable, et la fondation de la chapelle de Notre-Dame de la Délivrande. Fatigué par un très long épiscopat, Regnobert mourut et fut enterré avec Zénon, son diacre, auprès de saint Exupère. En 847, une troupe de Bretons prit Bayeux et profana l'église où reposaient les évêques. Alors, un Lexovien, nommé Hervé, enleva les corps de saint Regnobert et de son diacre et les transporta à la faveur d'un brouillard épais jusqu'à Norolles, près Lisieux. De là, le convoi se rendit processionnellement jusqu'à Saint-Victor-d'Epines. Un peu plus tard, ils furent transférés dans une église bâtie par Hervé, en un lieu nommé Suiacum, qui fut consacrée pat, Fréculphe, évêque de Lisieux, Baltfrilde, évêque de Bayeux, et Ansegaud, évêque d'Avranches. 'Pour les soustraire aux invasions des Normands, ces reliques furent portées d'abord à Quingey, près Besançon, puis dans la collégiale Sainte-Eugénie de Varzy, où, elles furent conservées dans un sarcophage de pierre jusqu'au XIIIe siècle. Alors Hugues, évêque d'Auxerre, en fit la translation dans une châsse, tout en s'en réservant quelques parcelles pour la dédicace d'une église qu'il élevait en l'honneur du saint dans sa ville épiscopale. En 1771, l'évêque de Bayeux obtint, pour sa cathédrale un fémur de son deuxième pontife, qu'elle a conservé jusqu'à nos jours. Une reconnaissance des reliques faite à Varzy, en 1884, a fait découvrir des authentiques de l'époque mérovingienne, vrai monument de paléographie dont l’une portait en latin cette inscription : Ici est le corps de saint Regnobert, évêque de Bayeux, et une partie du corps de saint Zénon, son archidiacre. L’église de Fauguernon, du canton de Lisieux, est sous l'invocation de saint Regnobert. ”
“Saint Sulpice (4 septembre) : Le récit de la mort de saint Sulpice et celui de la translation de ses reliques peuvent seuls nous documenter sur cet évêque de Bayeux. La tradition le fait naître à Livry au début du IXe siècle. Saint Gerbold y avait en 670 fondé un monastère d'hommes, que nous trouvons plus tard mentionné au nombre des possessions de l'abbaye bénédictine de Fontenelle ou Saint-Wandrille, au diocèse de Rouen. Ce fut sans doute là que le jeune Sulpice reçut son instruction et son éducation. Regnobert, évêque de Bayeux, étant venu à mourir vers 840, il fut appelé à lui succéder. C'était alors l'époque des invasions normandes. En 844 ou 845. les pirates ravagèrent la région, ruinèrent le monastère de Deux-Jumeaux et s’avancèrent jusqu'à Livry. L'évêque Sulpice, qui y séjournait, voulut s'opposer à leur fureur, mais il fut massacré sans pitié : le monastère fut pillé et livré aux flammes. Après le départ des envahisseurs, les chrétiens qui avaient fui, reviennent et retrouvent le corps de leur pontife au milieu des ruines fumantes. Ils lui creusent un tombeau près d'une fontaine voisine qui depuis a pris son nom. Au-dessus de sa tombe, ils élèvent un oratoire qui bientôt devint célèbre par les miracles qui s'y accomplissaient, si bien que le lieu prit le nom de Val Saint. En 986 Simon, abbé du monastère de la Celle Saint Ghislain, près Mons-en-Haynaut, se rendant au Mont Saint-Michel, fit étape à Livry. Il y remarqua trois chapelles dont l'une abritait le corps du martyr. De retour il prend avec lui quelques compagnons et vient demander l'hospitalité au Val Saint. Il enivre le gardien et pendant la nuit dérobe les reliques et les emporte dans son abbaye. Elles y furent longtemps honorées dans un tombeau sur lequel était cette inscription “Ici repose Saint Sulpice, évêque de Bayeux.” Cependant la chapelle de Livry continuait d'être fréquentée par les pèlerins. Au XIIe siècle, l'abbé de Saint-Wandrille fit remise à Robert, abbé d'Ardenne, de la portion du bois de Livry, située entre le vieux fossé et le chemin de Saint-Germain-d'Ectot à Thorigny, avec la chapelle et le cimetière adjacent. L'oratoire et son ermitage sont mentionnés en 1432. Nous lisons dans l'obituaire d'Ardenne au 5 mai : Toussaint de Vaux, prieur de Saint-Contest et de Saint-Sulpice. (il avait succédé à Ursin Penon en 1556) ; au 21 mai : François Osmon prieur de Saint. Sulpice et de Lébisey (à Hérouville). Jean Honorey, chapelain, signe en 1613 et 1630. Détruite par les protestants en 1662, la chapelle fut réédifiée en 1578 et restaurée en 1656. Edouard Booth, abbé d'Ardenne, fieffa en 1776 à Louis Armand Lehoux, d'Amayé, les biens de la chapelle, qui comprenaient, outre l'oratoire, 20 acres de labour, divers bâtiments et du bois. Vendu comme bien national en 1794 et démoli, le sanctuaire fut rebâti en 1805, acheté en 1865 par Monseigneur Didiot, reconstruit et érigé en chapelle de secours par Mgr Hugonin. En 1655, frère Artus du Monstier, auteur du Neustria Pia, écrivit à Robert du Hamel, sous-prieur d'Ardenne, pour lui demander des renseignements sur la chapelle. Celui-ci lui répondit : “Cette chapelle est très célèbre par l'affluence des pèlerins qui viennent y demander la guérison, notamment des maladies de la peau”. Le P. Hilaire Pinet, du monastère de Saint-Vigor près Bayeux, obtint en 1662 une partie notable des reliques de saint Sulpice. La fête du saint figure au 27 août dans les vieux missels bayeusains, jour où elle était célébrée dans l'église Saint-Sulpice, qui lui était dédiée et qui relevait du prieuré de Saint-Vigor. Elle figure dans l'Ordo au 4 septembre. Des pèlerins se rendent le 17 janvier et le 1er dimanche de septembre à Maisoncelles-sur-Ajon à cause d'une fontaine dédiée à saint Sulpice, qui est second patron de la paroisse. ”
“Saint Rufinien (5 septembre) : Dans l'église primitive des clercs étaient spécialement chargés d'écrire les actes ou biographies des confesseurs de la foi et des martyrs. Ces actes étaient précieusement conservés dans les églises où le saint était honoré. La torche des barbares envahisseurs trouva un aliment facile dans les sanctuaires construits en bois, et presque toutes les archives périrent. Ces perturbations nous ont privés des actes de saint Rufinien, qui nous auraient donné des détails sur sa vie et son épiscopat. Les anciens catalogues manuscrits, les peintures des voûtes de la cathédrale, nos vieux historiens locaux le proclament saint et le regardent comme le troisième évêque de Bayeux. Hermant nous dit qu'il était Romain de naissance et de l'illustre famille des Rufins, mais il est facile de reconnaître que la similitude des noms et l'usage de Rome d'envoyer des missionnaires dans les régions païennes forment la base chancelante de son affirmation. Les actes très authentiques de saint Loup, successeur immédiat de saint Rufinien, nous fournissent les seules données que nous possédions sur l'épiscopat de cet évêque. Sa vertu et sa sainteté y sont hautement proclamées. La majeure partie de la population étant encore païenne, Rufinien fut surtout un évêque missionnaire comme ses contemporains. Parmi ses convertis se trouvèrent deux Bayeusains, jeunes gens de famille, de piété et d'intelligence remarquables, sur lesquels il fonda de grandes espérances. Loup et Etienne étaient les noms de ces deux clercs, que Rufinien ordonna diacres. Au cours de la cérémonie, Etienne, divinement inspiré, s'écria en désignant son compagnon : “ Seigneur Pape (ainsi nommait-on les évêques jusqu'en 1093) “ sachez que celui que vous ordonnez diacre à cette heure vous succèdera dans la garde du troupeau de Dieu”. L'évènement confirma la prédiction. Deux ans plus tard, l'évêque consécrateur étant mort, le clergé et le peuple de Bayeux proclamèrent saint Loup pour leur évêque. Il fut consacré par le métropolitain Sylvestre, qui gouverna l'église de Rouen de 434 à 442. A sa mort, Rufinien fut inhumé auprès de ses prédécesseurs, derrière le grand autel de l'église Saint-Exupère, du côté gauche. Longtemps Son tombeau. fut honoré par les fidèles qui s’y rendaient nombreux pour réclamer son intercession. Ses reliques furent profanés en 1793. Ce saint était jadis Invoqué dans les grandes litanies du diocèse et du Saussay l'a inscrit dans son martyrologe des saints de France. En 1688 Monseigneur de Nesmond, évêque de Bayeux, en permit l'office sous le rite semi-double, le cinq septembre. Ce culte n’a pu trouver grâce devant la commission de révision de 1862, qui froidement a évincé du Bréviaire cet évêque dont la tradition et les voûtes de la cathédrale proclament la sainteté. ”
“Saint Révérend (12 septembre) : Saint Révérend, un des saints les moins connus du diocèse de Bayeux, est, d'après les maîtres de la critique, celui dont les actes sont les plus authentiques. L. Duchesne écrit: “La série Exupère, Regnobert, vient du canon de la messe ou des litanies, en tout “cas d'un document liturgique, où les deux saints étaient nommés l'un après l'autre”. Explication dont l'arbitraire saute aux yeux, clame Dom Leclercq en son Dictionnaire d'archéologie: “La vie de saint Exupère est un accommodement de la vie de saint Regnobert, laquelle procède de la vie de saint Révérend seule sincère”. Aux hypercritiques de trancher la question, si possible. Cette vie de saint Révérend a été écrite par un prêtre nommé Joseph vers 877. Lorsque saint Exupère annonça le premier la religion chrétienne en la cité druidique de Bayeux, il eut parmi ses plus fervents disciples un adolescent de quinze ans, de noble famille, nommé Révérend. Il l'instruisit et le baptisa. Dès le lendemain de son baptême, le jeune néophyte se mit à prêcher sur la place publique. Un jour qu'il s'était rendu au mont Phaunus, il remarqua à la porte du temple païen, un aveugle de naissance, qui réclamait des idoles le bienfait de la vue. “ Crois au Christ, fils de Dieu, lui dit Révérend, et tu seras exaucé”. Tous deux se mettent en route pour aller trouver l'évêque, tout en parlant de la doctrine du Christ. Arrivés aux portes de la ville les yeux de l'aveugle s'ouvrirent et bientôt il reçut le baptême des mains d'Exupère. Le peuple instruit des miracles de saint Révérend, lui amena sept démoniaques qui furent aussitôt guéris ; ce fait émut profondément les assistants et détermina la conversion de plus de cinq cents personnes. Semeur de miracles, le jeune chrétien fut honoré du sacerdoce. Il redoubla de zèle dans son apostolat et les foules se pressaient devant lui. Dans une de ses excursions apostoliques, il entendit un paralytique qui demandait à lui parler, mais ne pouvait avancer à cause de son infirmité. Révérend lui envoya sa houlette pastorale et aussitôt que le malade l'eut saisie, il se mit à marcher. Le saint guérit une multitude de malades, dont une femme affligée d'une perte de sang, si bien qu'il convertit plus de huit cents païens. Son zèle ardent rencontra presque un échec devant les païens du mont Phaunus, centre de la religion druidique; cependant, il put y élever un baptistère dédié à saint Jean, qui devint par la suite une chapelle de saint Révérend. L'apôtre parvenu à un très grand âge fut saisi d'une grosse fièvre, dont il mourut, le premier jour des ides de septembre. Son évêque le fit inhumer dans le sanctuaire bâti par saint Exupère, embryon de la cathédrale de Bayeux. Dans la suite, le corps fut transféré dans un lieu, nommé Cerisy, peut-être Cerisy-la-Forêt (Manche). Vers 934 Fromerius, évêque de Poitiers, rétablissant le monastère de saint Cyprien, ruiné par les Normands, y déposa les reliques de saint Révérend, qui, par crainte des barbares, furent dix ans plus tard, transférées par l'abbé Aymon dans l'abbaye de Sainte Radegonde, où elles furent honorées pendant tout le Moyen-Age. Une parcelle conservée à la cathédrale de Bayeux fut détruite par les Protestants en 1562. Au Sud du hameau de Pouligny, à Saint-Vigor-le-Grand, se trouve une fontaine de Saint Révérend, et la tradition locale dit que le saint avait construit une cellule en ce lieu pour y séjourner. De nombreux objets de l'époque gallo-romaine y ont été découverts. Le manuscrit 121 de la bibliothèque du chapitre de Bayeux, écrit au XIIe siècle, mentionne la fête de saint Révérend, et nous trouvons inscrit dans l'inventaire de 1476 du trésor de la cathédrale “le baston de sainct Révérend, couvert et vêtu de drap de soie, et l'ung des boutz est virolé d'argent blanc”. Le Journal de Trévoux d'avril 1754, publia un article bien documenté sur saint Révérend. ”
“Saint Floxel (17 septembre) : Au début du XVIIIe siècle, la multiplicité des églises de la ville de Bayeux causa l'abandon de l'église Saint-Floxel, sise au faubourg de ce nom. Elle avait succédé à une chapelle élevée au VIe siècle en l'honneur de tous les saints, sur le mont Phaunus, par saint Vigor, évêque de Bayeux. Très nombreuses sont les récensions anciennes de la vie de saint Floxel, mais toutes ont pour origine une légende coutançaise du VIIIe siècle, inspirée d'actes primitifs. Ce saint naquit en Cotentin, sur la fin du IIIe siècle. De condition illustre, sa famille l'envoya auprès de Constance Chlore, gouverneur des Gaules, pour y recevoir une éducation conforme aux exigences de son avenir. Ce dernier agrandit et fortifia la vieille cité de Cosedia, qui prit le nom de Constantia, devenu Coutances. Il se rendit à Bayeux, alors Augustodurum, où il voulait officiellement sacrifier à Bélénus, qui avait un temple célèbre sur le Mont Phaunus. Pour rehausser l'éclat de la cérémonie, Constance emmenait avec lui trente jeunes gens de son entourage. De ce nombre était Floxel, qui, loin de vouloir honorer la fausse divinité, mit tout en œuvre pour en détourner ses compagnons. Dénoncé par l'un d'eux, nommé Camarinus, il fut arrêté dans un oratoire chrétien, où il se tenait en prière. Il est amené devant le tribunal du préfet, nommé Valérien, chargé des exécutions. Ni les promesses, ni les menaces ne l'émeuvent. Il est étendu sur le chevalet, flagellé, a la mâchoire brisée, mais les tourments ne font que l'affermir. Le préfet le fait jeter dans un cachot, avec un lion affamé. Un païen, dont le fils était sourd, aveugle et muet, inspiré par l'énergie et les paroles du jeune martyr, pénètre jusqu'aux grilles de la prison et demande la guérison de son fils, qu'il obtient. Et lorsque les bourreaux se présentent, ils trouvent le captif environné de lumière, chantant les louanges divines, auprès du lion étendu mort à ses pieds. Le préfet attribue ces prodiges à des maléfices et fait élever un bûcher pour brûler sa victime. Le jeune homme est précipité dans un brasier ardent, allumé sur le forum. Aussitôt une pluie torrentielle éteint les flammes et Floxel demeure sain et sauf. Valérien lui fait transpercer les mains et la langue ; le martyr supporte ces nouveaux tourments. Enfin, il est décapité en dehors des portes de la ville, le 17 septembre, au milieu d'une foule de chrétiens en pleurs et de païens profondément émus : compagnons, officiers et soldats, dont plusieurs se convertirent. Des mains pieuses ensevelirent le cadavre dans un lieu secret. Quatre mois plus tard, des pêcheurs de son pays d'origine, avertis en songe, vinrent chercher les restes de leur compatriote et le ramenèrent à Duurix. Le 27 février, le corps fut déposé solennellement dans un tombeau au-dessus duquel s'éleva plus tard l'église de Saint-Floxel. Survinrent les invasions des Normands. Transférées d'abord au Mans, les reliques furent ensuite portées à Ruffey, en Bourgogne (912), puis dans une chapelle de Beaune (966), et enfin à la collégiale de cette ville (1265), où, malgré de nombreuses vicissitudes, elles continuent à être honorées. A Bayeux, l'église et paroisse Saint-Floxel furent supprimées en 1709. Le culte lui-même disparut officiellement et ne retrouva sa place, dans les offices bayeusains qu'en 1862. Jadis, les évêques de Coutances, avant de prendre possession de leur siège, se rendaient à une chapelle de Saint-Floxel, patrie du saint, redevient un centre actif de pèlerinages. A Ligny-Saint-Flochel, au diocèse d'Arras, le culte du saint, établi par des pèlerins, soit normands, soit bourguignons, est toujours en honneur. C'est notre Tarcisius normand. Des vitraux modernes de la cathédrale et de l'église Saint-Exupère de Bayeux retracent des scènes de sa vie de martyr. Plusieurs œuvres de jeunesse se sont mises sous son patronage. Il est question d'élever un monument qui rappellerait le lieu de son martyr et l'emplacement de l'ancienne église. ”
“Saint Aquilin (19 octobre) : Saint Aquilin est un de ces évêques d'origine gallo-romaine, qui, grâce à l'illustration de leur naissance, à leur éducation soignée et à leur vertu, eurent une grande influence sur la civilisation de leur temps. Le moine bénédictin Hécelon rédigea sa vie vers la fin du XIe siècle, et nous trouvons au siècle suivant son nom mentionné dans un calendrier de Cluny. L'abbé Chevalier mentionne son culte établi à Vienne, en Dauphiné, en 1239. Fils de grands fonctionnaires, Aquilin naquit à Bayeux vers 620 ; après de fortes études, il contracta un riche mariage. Son esprit et sa diplomatie le firent remarquer par le roi Clovis Il, qui se l'attacha et le chargea d'importantes négociations. Habile général, il arrêta les barbares qui sans cesse franchissaient, à l'Est, les barrières du royaume. A son retour, il rencontra sa femme, qui était venue à Chartres pour le féliciter et l'avertir qu'elle avait fait vœu de chasteté pour que Dieu lui conserve la vie sauve. Aquilin accepta volontiers de partager le sacrifice. Les deux époux se retirèrent à Evreux, s'occupant uniquement du soin des malades, de sorte que leur maison devint un véritable hôpital. L'évêque Œtherius étant mort en 650, Aquilin fut proclamé son successeur. Il accepta malgré lui, préférant la vie d'anachorète à celle d'administrateur. En récompense de ses jeûnes, de ses prières et de ses veilles. Dieu le favorisa du don des miracles, à. ce qui lui donna une grande influence sur les païens, encore nombreux dans le pays. Nous le trouvons en 689 avec ses deux compatriotes et amis Annobert, évêque de Séez, et Gerbold, évêque de Bayeux, au concile de Rouen, tenu par saint Ansbert pour la réforme du chant ecclésiastique. Le biographe de saint Aquilin nous apprend que celui-ci avait prié Dieu de le rendre aveugle, afin que la vue des créatures ne lui fit pas oublier le ciel, et qu'il fut exaucé. Le Pontife mourut après un long épiscopat et fut enterré dans une chapelle qu'il avait élevée dans un faubourg d’Evreux. L'humble oratoire transformé en église paroissiale, est devenu en 1839 la chapelle du petit séminaire. Pour soustraire les reliques du saint à la fureur des Normands, Guntbert, évêque d’Evreux, les transporta en Auvergne. Plus tard, saint Bernon les reçut à Gigny, en Bourgogne, où elles sont conservées et honorées le 19 octobre. Il est patron de Saint-Aquilin-d'Augerons et de Saint-Aquilin-de-Pacy, au diocèse d'Evreux, de Saint-Aquilin-de-Corbion, au diocèse de Séez, et de Frangy, au diocèse de Genève ; l'église de Chignin (Savoie) conservait des parcelles de ses reliques. L'iconographie le représente agenouillé devant un autel avec sa femme, pour rappeler leur vœu mutuel de continence. ”
“Saint Loup (25 octobre) : D'après les critiques les plus autorisés, les actes de saint Loup sont d'une incontestable authenticité. Ils nous apprennent que ce saint fut le troisième évêque de Bayeux après saint Exupère et qu'il succéda à saint Rufinien. Il gouverna l'église de Bayeux au temps d’Egidius, qui administra les Gaules de 450 à 465. Loup est notre compatriote par sa naissance. Un vieux compte de la paroisse de Saint-Patrice mentionne 90 sols de rente à prendre “sur la maison de saint Loup, faisant le “coin de la rue Laitière”. Il y avait, dans cette maison, une peinture, existant encore au XVIIIe siècle et représentant le saint entre deux anges. Au-dessous, subsistait ce fragment d'inscription : “En l'an 440, du temps de Clodion, roi de France...”. Il fut instruit par saint Rufinien, qui le baptisa, puis l'ordonna diacre avec un autre lévite, nommé Etienne. A la mort de son maître, Loup, qui n'était pas encore prêtre, fut spontanément déclaré évêque par le clergé et le peuple. (Ces élections dites per saltum, étaient exceptionnelles, mais nous en retrouvons des traces dans l'église primitive). Saint Sylvestre de Rouen lui conféra l'épiscopat. Le nouvel évêque fut le père de ses fidèles et un ardent propagateur de l’Evangile. A cette époque de dévastations, les loups infestaient le pays. L'un d'eux, qui avait son repaire dans un bois situé près de la porte Arborée à Bayeux, était la terreur des habitants. Il avait dévoré 28 enfants. Les soldats de la garnison, envoyés contre lui, ne purent l'atteindre. Touché de l'infortune de ses fidèles, l'évêque célèbre le saint sacrifice de la messe et revêtu de ses ornements se dirige vers le repaire de l'animal. A sa vue le loup s'élance sur lui. Le pontife lui saisit le cou avec son manipule, le serre fortement et, l'emmène jusqu'à la rivière prochaine où il le noie. Ce récit pourrait bien être plus qu'une allégorie, Les loups jadis nombreux étaient la terreur de nos ancêtres, et une ancienne voie se dirigeant vers la Drôme est nommée la “Crauloup”. Thaumaturge, saint Loup guérit deux aveugles; favorisé du don de prophétie, il prédit le jour de sa mort et celle de son prêtre Ansioc. Tous deux moururent le 25 octobre 461. Leurs corps mis dans des cercueils de bois, furent enterrés dans l'église Saint-Exupère. 70 ans plus tard, leurs restes furent exhumés et transférés dans une église voisine qui prit le nom de Saint Loup. Le bas relief du XIIe siècle sculpté au-dessus de la porte du clocher représente l’épisode du loup. Au XIe siècle, l'abbé Yves porta les reliques du saint évêque au monastère de Cormery en Touraine, d'où elles furent transférées à Corbeil, auprès de celles de saint Exupère. Un vieil ouvrage intitulé : Les vies et miracles de Saint Spire et Saint Leu, evesques de Bayeux, relate une multitude de miracles dus à l'intercession de ces saints. Au XVIIIe siècle il y avait encore dans l'église Saint-Loup de Bayeux, une grosse pierre sur laquelle se voyait l'empreinte du pied du saint lorsqu'il attendait le monstre. Ce saint est patron de Saint-Loup-Hors, de Saint-Loup de Fribois, de Saint-Loup-Canivet, réuni à Soulangy, de Réveillon réuni à Vaudeloges, et second patron de Saint-Germain-d’Ectot et d'Avenay. ”
“Saint Vigor (5 novembre) : Saint Vigor est un des célèbres évêques missionnaires de l'époque mérovingienne ; c'est le saint Martin Normand. Sa vie a été écrite entre le VIIe et le IXe siècles, probablement par un curé de l'église Saint-Pierre, fondée par lui, et devenue Saint-Vigor-le-Grand. Il eut pour origine une famille considérable de l'Artois, qui le mit à lécole de saint Waast, évêque dArras. Bientôt l’élève fut admis au nombre des clercs de la maison épiscopale. Il désirait se consacrer entièrement à Dieu. Trouvant dans sa famille un obstacle insurmontable, il la quitta secrètement, en compagnie d'un ami, nommé Théodemir. Après un voyage mouvementé, ils arrivèrent à Reviers. Cette localité, située au croisement de deux voies romaines, leur parut un champ propice pour l'évangélisation. Les disciples vinrent en grand nombre et Vigor fonda un monastère qui fut détruit par les Normands. Là, il ressuscita, à la prière de sa mère, un enfant qui venait de mourir. Un riche seigneur du Bessin, nommé Volusien, dont les terres étaient désolées par un cruel serpent, pria Vigor de l'en délivrer. Le saint aborde le monstre, lui passe son étole au cou et ordonne à Théodemir d'aller le précipiter dans la mer. En récompense, il reçoit le domaine de Cerisy, où fut édiflée une puissante abbaye. Contest, évêque de Bayeux, étant mort, Vigor fut proclamé son successeur et sacré en 515. Il consacra tout son épiscopat à détruire le vieux paganisme. Chassés des villes, les païens s'étaient réfugiés dans les campagnes, principalement sur les hauteurs où ils avaient leurs fana, ou temples. Sur le mont Phaunus, près Bayeux ils adoraient Bélénus, et une statue de femme, qui, semble-til, représentait la Diane antique. Un jour que l'évêque s'y était rendu, il fut accablé d'injures. En vertu de la loi qui accordait au fisc les lieux consacrés au culte païen, le roi Childebert fit don de cette colline à saint Vigor, qui substitua au temple un baptistère dédié aux saints Pierre et Paul. Le mont Phaunus devint le mont Chrismat. Les vieux légendaires rapportent que ce saint chassa des serpents d'un grand nombre de lieux : Cerisy, Saint-Vigor-d'Ymonville, près le Havre, Cambremer, etc. C'est l'image du triomphe du christianisme sur le démon l'antique serpent. Tous les pagi de son diocèse furent évangélisés : le Pays d'Auge avec Cambremer, Crèvecoeur, Saint-Pair-du-Mont, le Cinglais, où nous trouvons sous son vocable les églises de Bretteville, de Donnay, de Villers-Canivet, et des chapelles à Cesny-Bois-Halbout et à Urville ; le pays de Caen avec Colleville, Rots, Colomby-sur-Thaon, Reviers, Louvigny, Maiset, Cheux, Coulombs, Authie; le Bocage où il existe des traces de son passage à Saint-Vigor-de-Maiserets, Danvou, Coulvain, Saint-Vigor-des-Monts, Athis et le Mesnil-Gondouin ; dans le Bessin pullulent les sanctuaires élevés en son honneur. Saint Vigor mourut le ler novembre 637 et fut inhumé dans le sanctuaire du Mont Chrismat, détruit par les Normands au IXe ou Xe siècle. Un clerc de Bayeux, nommé Avitien, s'empara des reliques, ensevelies sous les ruines, et les transporta au monastère de Saint-Riquier. Dans la suite, les ossements furent partagés entre diverses églises, dont Pont-de-lArche, Pontoise, Saint-Waast dArras, Saint-Cyprien de Poitiers, Saint-Vigor près Bayeux sont les principales. Très nombreux sont les monuments concernant saint Vigor : d'anciens fonts baptismaux et un siège en marbre de Vieux (Ve s.), .une inscription de l'église d'Authie (XIe s.), une clef de voûte de l'église de Cheux (XIIe s.), un médaillon de la cathédrale de Bayeux (XIIIe s.), une statue provenant de Crèvecoeur, conservée au Musée des Antiquaires, à Caen, une autre dans l'église de Saint‑Supplix, près Bayeux (XVe s.), etc... Jadis, ce saint était très invoqué contre les incendies. ”
“Saint Space (10 novembre) : La vie de saint Space est très obscure. Robert Céneau, évêque d'Avranches, dont l'Histoire de la Gaule parut en 1557, nous a laissé seulement trois lignes sur la biographie de ce saint. Du Saussay en son Martyrologe Gallican a copié son prédécesseur en l'amplifiant. Hermant, notre historien diocésain, a développé les données de ses prédécesseurs. Il est vrai qu'à défaut de documents certains, il connaissait les traditions. Il invoque le témoignage de Sébastien Rouillard, en son Histoire de la Ville de Melun, éditée en 1628. Ce dernier semblait craindre que le publie ne confonde saint Aspais, patron de Melun, dont la fête tombe le 2 janvier, avec notre saint Space, inhumé aux Andelys et fêté le 10 novembre. Suivant la tradition, Space naquit hors des murs de la ville de Bayeux, au faubourg Saint-Patrice, devant le marché, dans la maison dite des Poitevins. Ses parents le firent instruire dans la religion chrétienne et il se prépara au sacerdoce. Il se dirigea vers le diocèse de Rouen, soit pour recevoir les ordres sacrés - Bayeux était peut-être privé d'évêque - soit pour exhorter les chrétiens de cette région qui subissaient une violente persécution. Au cours de ses pérégrinations, il fut découvert par les soldats de l'Empereur aux Andelys. Ni les menaces, ni les promesses n'ébranlèrent sa foi : il subit le martyre avec ses compagnons vers l'an 363. A l'oratoire élevé sur son tombeau, succéda d'abord un monastère bâti par sainte Clotilde, puis après sa destruction par les Normands, une collégiale du titre de Notre-Dame, fondée au XIIe siècle. Il ne reste qu'un vague souvenir de ces faits. Hermant raconte qu'il existait dans le chœur et la nef de l'église, de petites cloches nommées les “petits saints”, en mémoire des saints martyrs inhumés en ce lieu. Il ignorait que jadis les cloches se nommaient signa, d'où tocsin, puis saints, et les fondeurs de cloches, saintiers. Le même auteur ajoute qu'en 1682, les chanoines d'Andely, creusant en ce lieu, trouvèrent les tombeaux vides. Sans doute, les reliques avaient été enlevées au temps des invasions normandes, ce qui expliquerait la présence, à la cathédrale de Bayeux, d'un pied et d'un bras de saint Space. En 1562, les Protestants saccagèrent Bayeux et pillèrent les reliques. Un bourgeois de la paroisse Saint-Symphorien, nommé Sénot, acheta ces ossements à celui qui les avait dérobés. Pendant les sécheresses ou les pluies abondantes, il portait secrètement autour de ses champs le précieux trésor caché sous son manteau et il en avait éprouvé l'efficacité. Protestant, ainsi que son père, le fils de cet homme se convertit et restitua les ossements à la cathédrale, où ils sont encore vénérés aujourd'hui, ainsi qu'à l'Hôtel-Dieu de cette ville. Pour conclure, le culte de ce saint est très ancien et n'a jamais été interrompu dans notre diocèse. Le Bréviaire Bayeusain de 1425, conservé à la Bibliothèque Nationale (fonds latin n° 1298), mentionne saint Space au 10 novembre. ”
“Saint Gerbold (4 décembre) : L’opinion commune fait naître saint Gerbold à Livry, dans le Bessin, où il aurait, dans la suite, fondé un établissement religieux. Il fut élevé au monastère d'Evrecy, gouverné par saint Annobert. L'amour des voyages lointains lui fit gagner les contrées septentrionales, alors désignées sous le nom général de Scythie. Il devint bientôt l'intendant et le familier d'un grand seigneur du pays. Gerbold ayant repoussé avec indignation les honteuses sollicitations de la femme de son maître, fut calomnié et disgracié. Le seigneur le fit jeter à la mer, avec une meule de moulin suspendue au cou. Or, par un miracle éclatant au lieu de s'enfoncer, la pierre surnage, sert de nacelle à la victime et la porte en Neustrie, sur le rivage de Ver. A son arrivée, malgré l'hiver, la campagne et les arbres se couvrent de verdure et de fleurs, ce qui valut à ce lieu le nom de Val-Fleury. Le naufragé s’y bâtit un ermitage et, dans la suite, la renommée de sa sainteté le fit choisir pour successeur à Ragnebert, évêque de Baveux, qui venait de mourir. Lorsque le nouvel élu traversa le village de Saint-Vigor, près Bayeux, pour aller prendre possession de son siège, les fleurs s'épanouirent soudainement sur son passage, d'où le nom de Champ-Fleury, conservé à ce lieu. Désirant restaurer le monastère de Deux-Jumeaux, où des chanoines avaient remplacé les premiers ermites, Gerbold pria Annobert, son ancien maître, d'y envoyer quelques-uns de ses religieux pour y rétablir la règle primitive. Sur ces entrefaites, l'abbé d'Evrecy devint évêque de Séez et il se rencontra, en 689, au concile de Rouen, avec son élève et ami. Rempli de zèle, le pontife travailla activement à réformer les mœurs encore païennes de ses fidèles, et ne pouvant y réussir par la douceur, il les menaça de la colère divine. Ils résistèrent. Dieu les affligea d'une cruelle dysenterie, qui fit de nombreuses victimes. Irrités, les survivants chassèrent ignominieusement leur évêque. En s'éloignant, Gerbold, découragé, jeta, dans la rivière l'Aure, son anneau pastoral, symbole de l'union qu'il avait contractée avec son église, en protestant qu'il ne reviendrait jamais, à moins qu'on ne le lui rapportât. L'épidémie redoubla jusqu'au jour ou un pêcheur retrouva l'anneau dans l'estomac d'un poisson. Frappé de ce miracle, Gerbold rentra à Bayeux et le fléau cessa. L'évêque mourut le 7 décembre 695 et fut inhumé dans l'église Saint-Exupère. Son tombeau fut retrouvé en 1853 et ses reliques furent transférées en la cathédrale de Bayeux, le 6 septembre 1892. Ce saint est le patron de Blainville, la Chapelle-Engerbold, Bernières-le-Patry, Secqueville-la-Campagne, Venoix, Englesqueville, Ailly, réuni à Bernières. Il existait jadis, à Ver, une chapelle de Saint-Gerbold. Le monolithe qui lui tenait lieu de seuil était dénommé Perron saint-Gerbold et passait pour être la meule qui avait été attachée au cou du saint. Le culte de saint Gerbold fut jadis en très grand honneur à Blainville. Un bas-relief sculpté sur le linteau monolithe d'une des fenêtres romanes de l'église, représentait la légende de l'ancienne statue retrouvée par un mouton. Des actes du XIVe siècle mentionnent le "Quemin Saint Grebout". Une curieuse, statue du saint de la même époque figure encore dans l'église, et elle a sa Légende Dorée. Le prénom de Gerbold était jadis souvent donné au baptême. Le patronage de cette paroisse, mentionné sous le titre de Notre-Dame, dans lOrdo diocésain, résulte d'une mauvaise lecture du rédacteur, qui a confondu Bléville, ancien nom de Blainville, avec Biéville, paroisse voisine dédiée à la Sainte Vierge. L'auteur de la farce de l'Avocat Pathelin, connaissait la légende du saint et y fit emprunt dans son ouvrage.”
“Saint Evroult (29 décembre) : L'auteur anonyme de la vie de saint Evroult au VIIIe siècle, écrit que les fidèles venaient depuis longtemps en pèlerinage au tombeau du saint et qu'il s'y faisait de nombreux miracles. Evroult naquit à Bayeux en 627. L'illustration de sa famille le fit admettre à la cour du roi Childebert, où il épousa une femme de haute naissance et de profonde vertu. Après quelques années, les deux époux se séparèrent d'un mutuel consentement pour embrasser la vie religieuse. Evroult se réfugia au monastère de Deux-Jumeaux, près Bayeux, nouvellement fondé par saint Martin de Vertou et que lui-même avait aidé de ses aumônes. Pour lui c'était un port où il serait préservé des écueils de la vie. La gloire qu'il avait fuie en quittant la Cour le poursuivit dans la solitude. Désirant s'adonner complètement à la vie contemplative, il gagna avec trois compagnons la forêt d'Ouche au pays Hiémois. Là les quatre religieux se bâtirent des buttes de feuillage et une chapelle un peu moins indigne, située au-dessus d'une limpide fontaine. Un jour que les moines s'occupaient de défrichement, ils furent surpris par un des brigands qui avaient pour repaire les grottes de la forêt. Voyant qu'il n'avait rien à prendre et touché par la vie austère de ces reclus volontaires, il se convertit et demanda d'être admis dans leur compagnie. La sainteté d'Evroult, confirmée par des miracles, rendit florissante l'abbaye d'Ouche qui prit plus tard le nom du saint. Détruit par les guerres, le monastère fut reconstruit au XIe siècle, par Guillaume Géré, seigneur d'Echauffour, qui y fit venir le célèbre Lanfranc, le futur abbé de Saint-Etienne de Caen et archevêque de Cantorbéry. Elle fut illustrée par Orderic Vital, le premier de nos historiens normands. Saint Evroult mourut le 29 décembre 707. L'église de Mortain est dédiée à ce saint ainsi que de nombreuses chapelles des diocèses de Coutances, Séez, Evreux, Laval, Chartres et Blois. Le diocèse de Bayeux se contente de commémorer sa fête.”
“Saint Ursin (30 décembre) : Les origines de saint Ursin sont demeurées, une énigme, mais nous savons qu'il choisit Lisieux pour sa patrie posthume. Sa vie ne nous est guère connue que par un passage de Grégoire de Tours, le père de nos historiens. “La ville de Bourges fut pour la première fois évangélisée par saint Ursin, envoyé dans les Gaules par les disciples des apôtres. Cet évêque y fonda une église qu'il gouverna. A sa mort il fut inhumé dans le cimetière commun aux portes de la ville”. Vers 1055, Hugues d’Eu, évêque de Lisieux, voulant rendre plus solennelle la dédicace de sa cathédrale, qu'il venait d'achever, et trouver un protecteur pour son peuple, affligé d’une cruelle épidémie, se fit confier pour un temps les reliques du saint, et aussitôt le fléau cessa. Le clergé de Bourges ayant réclamé son trésor, la châsse fut remise sur le chariot qui l'avait apportée. Arrivées en dehors de la ville au milieu d’un coteau nommé depuis côte Saint-Ursin, les reliques devinrent si lourdes qu'il fut impossible aux chevaux d'avancer. Elles redevenaient très légères, lorsqu'on les ramenait vers Lisieux. La volonté du saint était manifeste. Son corps fut ramené à la cathédrale et déposé derrière le grand autel, avec ceux de saint Patrice et de saint Bertivin. L'église Saint-Jacques de Lisieux possède un tableau, provenant de la cathédrale avec cette inscription : “Comment les reliques de Monsieur Saint Ursin furent apportées par un miracle en cette église, l'an 1055, par les soins de Hugo, évêque de Lisieux. Ce tableau a été refait sur l'original vieil en l'année 1681, aux dépens de la fabrique”. Vers la même époque, le seigneur d'Epron fit bâtir dans son domaine une chapelle dédiée à saint Ursin, qui depuis est devenue église paroissiale. C'était un lieu de pèlerinage fréquenté par les habitants de la région souvent décimée par les fièvres. Un chemin venant du pays d'Auge à Epron, passant par le bac de Colombelles, portait dans la traversée d'Hérouville le nom de Haute Sente Saint-Ursin. L'ancienne paroisse de Courtisigny, près Courseulles, disparue au XIVe siècle, était sous le vocable de ce saint, qui est encore second patron de Saint-Gatien-des-Bois, au doyenné de Honfleur.”
“Saint Baltfride, évêque de Bayeux : La tradition est complètement muette sur saint Baltfride, 23e évêque de Bayeux. Rien de surprenant : il vécut et mourut à l'époque où les Normands, farouches sectateurs d'Odin, ravageaient la Neustrie et voulaient imposer leur religion aux vaincus. Ce prélat dut, par la force des événements, passer une partie de son pontificat hors de son pays. Sa science et son mérite lui valurent l'honneur de faire partie de tous les conciles et grands synodes de l'époque. Sa première souscription donnée en 843, à Germiny, au bas d'une donation pour Corbie, a paru douteuse à Duchesne, mais il souscrivit bien authentiquement à la translation de l'abbaye de Saint-Rémy de Sens faite par l'archevêque Vénilon en 846. Pendant ces temps troublés, les fidèles se dévouaient pour sauver du fanatisme de l'envahisseur les reliques de leurs saints locaux, qu'ils considéraient comme leur plus précieuse sauvegarde. En l’année 846, un Lexovien nommé Hervé, vint secrètement demander à Baltfride, l'autorisation d'enlever les restes de saint Regnobert et de saint Zénon pour les soustraire, à la profanation. Cette question était déjà fortement agitée. L’évêque de Bayeux était alors à Paris, appelé par le roi Charles le Chauve pour se disculper devant un concile d'avoir favorisé le vol de la chasse de saint Regnobert. Les conseillers du roi reconnurent facilement le mal fondé de l'accusation et rétablirent l'inculpé sur le siège épiscopal dont il avait été dépossédé. Rentré à Bayeux, Baltfride accorda avec joie la permission demandée et le 23 mars 847, assisté de Fréculfe, évêque de Lisieux et d'Ansgot, évêque d'Avranches, il consacra à Bayeux, l’église Saint-Sauveur, avec un grand autel qui renfermait les reliques de saint Regnobert et de saint Zénon. Nous le voyons dans la suite assister à tous les conciles de l'époque : au IXe concile de Paris en 849 qui supprima les chorévêques de France ; au concile de Soissons le 26 avril 853, qui confirma Hincmar dans son archevêché de Reims. Enfin, le 25 août 855, il se rendit au concile réuni à Bonneuil-sur-Marne par les métropolitains Amaury, de Tours, Venilon, de Sens, Hincmar, de Reims et Paul, de Rouen, avec 25 évêques et 13 abbés, pour confirmer les privilèges de l'abbaye de Saint-Calais au diocèse du Mans. Les annales de Saint-Bertin nous apprennent que Baltfride fut massacré par les Normands en 858, victime, peut-être, de son attachement aux reliques. La ville de Bayeux fut saccagée et brûlée et le lieu de la sépulture du martyr demeura inconnu. Au XVIIIe siècle, une convulsionnaire extatique nommée Marie Letoc dirigée par l'abbé Heurtin, vicaire d'Evrecy, qui joua un grand rôle dans l'affaire des possessions, voyait dans ses extases Baltfride, évêque de Bayeux, accompagné de Hugues, son grand vicaire. Ils lui disaient qu’ils avaient été martyrisés par les Danois au IXe siècle et que leurs corps reposaient dans une ancienne chapelle attenante à l'église d’Evrecy et bâtie par Baltfride lui-même. Le nom de cet évêque fut peint au XIIIe siècle sur les voûtes de la cathédrale de Bayeux avec l'épithète de saint, que lui décernent aussi, le martyrologe gallican et les historiens locaux. Aujourd’hui sa mémoire et son culte sont tombés dans l'oubli.”