• QUENTIN

    QUENTIN

    Mort en 235 ou 287. 5ème enfant (quintus) d'une famille romaine, évêque d'Amiens, martyrisé, torturé etdécapité par Rictovaire alors qu'il évangélise le Vermandois. Son corps fut retrouvée par une aveugle. Sa basilique construite sur les lieux de son martyre devient la capitale de l'Aisne. Représenté comme évêque ou comme soldat tenant toujours une ou deux broches. Fête : 31 octobre. Une commune du Calvados porte ce nom : Soumont-Saint-Quentin.

     

    BAYEUX :

    Concernant ce saint, voir aussi l’article ci-après extrait de : Les saints dans la Normandie médiévale – colloque de Cerisy-la-Salle, 1996 ; Presses Universitaires de Caen, 2000. Chapitre : “ Les reliques de la cathédrale de Bayeux ” par F. Neveux.

     

    SOUMONT-SAINT-QUENTIN :  

             "Un des endroits les plus pittoresques de la Normandie, c'est une montagne rocheuse, près de Potigny, fendue dans toute sa longueur à une profondeur de plus de deux cent pieds. Une limpide petite rivière, la Laison, coule au fond de ce vaste abîme, qui déguise les formes abruptes de ses énormes déchirements sous les coquettes bruyères, les fraîches mousses, les lianes nonchalantes et gracieuses dont il est tapissé de toutes parts. D'étroits sentiers découpent de leurs lignes onduleuses les parois de l'immense crevasse, et conduisent à de charmantes maisonnettes qui, bravant les futurs bouleversements du rocher, ont pris hardiment possession de cet Eden souterrain. Mais le croirait-on? cette montagne ainsi faite, avec ces majestueuses et ravissantes beautés, c'est encore une oeuvre phénoménal du diable ; et la tradition, qui nous l'affirme, nous donne à ce sujet, des détails assez précis pour qu'il y ait lieu de ne pas douter de la véracité du récit : Lorsque saint Quentin vint s'établir dans cette contrée, dont il fut le premier apôtre, il bâtit une église auprès de la brèche, sur le même emplacement où l'on en voit une encore de nos jours. Mais alors la brèche n'existait pas ; la montagne se tenait d'un seul morceau, et elle était entourée de tous côtés à sa base, par la Laison, qui, se perdant en mille détours sans pouvoir trouver d'issue directe, finissait par épancher ses eaux sur les plaines environnantes. Saint Quentin vivait donc forcément isolé sur son rocher, et c'était par un cas bien rare que quelque pieux néophyte se hasardait à traverser le lac pour venir prier à la nouvelle église. Sans sa parfaite résignation aux volontés du ciel, le saint eût trouvé à se plaindre, peut être, des empêchements matériels qui contrariaient l'efficacité de son apostolat. Mais quoiqu'il se déguisât à lui-même, son chagrin secret avait été observé par Satan, qui résolut d'en tirer quelque avantage personnel. Un jour donc le rusé démon se présente devant le saint, et, sans employer ces insidieux pourparlers que dédaignent, en général, les gens qui savent traiter le plus sérieusement les affaires, il va droit au but, et met le doigt sur la plaie ; c'est-à-dire qu'il propose à l'apôtre sans disciple, de fendre la montagne pour donner passage à la petite rivière ; et faciliter ainsi l'accès de l'église à la population des environs. Cette proposition étonne d'abord saint Quentin, qui avait quelques raisons de penser que Satan n'était pas coutumier de semblables complaisances à l'égard des serviteurs de Dieu. "Si je consens à accepter ton offre, dit-il cependant, que réclames-tu, maudit, pour ton salaire? -L'âme de ta fille aînée, réplique Satan, d'un air superbement leste et résolu." Le saint frémit à cette demande aussi offensante que cruelle ; car on doit croire que, s'il avait à cœur de gagner des âmes à Dieu, ce n'était pas aux dépens du salut de sa propre famille. Il allait donc proclamer son refus avec un dédain énergique, lorsqu'il s'aperçut que le démon était déjà disparu. Celui-ci en observant le trouble douloureux de son interlocuteur, avait compris qu'il n'y avait plus rien à faire, du moins ce jour là. Comment il s'y prit ensuite pour renouveler sa proposition, et comment le saint, qui avait réfléchi, sembla, peu à peu, se laisser séduire, c'est ce que la perspicacité de nos lecteurs nous dispense de leur raconter en détail. Toujours est-il qu'après un petit nombre d'entrevues le saint finit par accéder à l'offre de Satan, mais en y ajoutant deux conditions essentielles : il fallait que, dans la rivière, coulant pour la première fois au fond de la montagne entr'ouverte, le démon blanchît une toison, dont notre apôtre s'était réservé le choix, et qu'il remplit d'eau un certain vase que le saint avait en sa possession. Ce marché fut conclu. Et voyez comme Satan en fut la dupe : la toison était une peau de bouc, le vase était un crible ! Pas n'est besoin d'ajouter que la fille de saint Quentin se trouva délivrée, par l'ingénieuse ruse de son père, de la poursuite de son infernal prétendant. Quant à l'immense crevasse, si avantageuse pour la contrée, les habitants de Potigny lui appliquèrent, avec une malicieuse satisfaction, le surnom de Brèche-au-Diable, sous lequel elle est demeurée depuis en grande renommée. (Pierre des Vignes : Fragment d'un Voyage en blouse, Revue du Calvados, juin 1843). La morale concluante de tous les contes de cette espèce, c'est, il nous semble, qu'il ne faut pas trop s'effrayer du diable, si noir et si méchant qu'il soit. Un peu de ruse, beaucoup d'audace, ou plutôt cette paisible insouciance, qui n'est souvent au fond, qu'une foi vive en la protection du ciel : en voilà assez pour déjouer bien des complots haineux et de perfides machinations."

    in la Normandie Romanesque et Merveilleuse d'A. Bosquet (1845).

     

    “ Chapelle Saint-Quentin, XIIIe siècle, au Mont Joly : saint Quentin est un des évangélisateurs du nord de la Gaule au Ve siècle. Pendant très longtemps les pèlerins viennent sur les hauteurs de Saint-Quentin-de-la-Roche, nom de la commune avant que celle-ci ne soit rattachée à Soumont en 1854, prier saint Quentin pour guérir de la coqueluche. (Cl. M. H. 1927). ”

    in Le Patrimoine des Communes du Calvados, Éditions Flohic, 2001.

     

    “ On peut l'invoquer à Soumont­-Saint-Quentin (canton de Falaise) dans sa chapelle sise au Mont‑Joly. Il est traditionnellement un spécialiste d'une maladie qui connaît une recrudescence aujourd'hui : la coqueluche. ”

    in Les saints qui guérissent en Normandie, tome 2, d'Hippolyte Gancel, éditions Ouest France 2003.

     

    LE TOURNEUR :  

             Chaque année, au hameau de "Feuillet", à la mi-août, une messe est célébrée à la chapelle dédiée à saint Quentin. Cette cérémonie religieuse à laquelle assistent des milliers de fidèles venus de tout le Bocage, est suivie d'une bénédiction des enfants. Elle se termine par une fête champêtre et un méchoui. Depuis les temps les plus reculés, le hameau du "Feuillet" est un lieu de pèlerinage. On vient en ce lieu parce que la croyance populaire attribue au saint le pouvoir de favoriser la guérison de la coqueluche. La statue du saint fut trouvée, d'après la tradition, dans un buisson de houx bordant le chemin de la Cavée, à peu de distance de la cour de "Feuillet" et de la mare féodale du même nom. La population du Tourneur tint à avoir cette statue dans son église. Pour ce faire, les habitants la chargèrent sur un char attelé à des chevaux blancs, mais... quand l'attelage parvint aux rives du Courbançon, il s'arrêta net. Les convoyeurs eurent beau fouetter les chevaux, pousser aux roues, ce fut peine perdue. Plus on excitait les chevaux, plus ils se rebiffaient. Ce que voyant, on les détela et on résolut de pousser la voiture l'aide de moteurs puissants. Rien n'y fit. Il fut alors décidé de reconduire le saint à l'endroit ou on l'avait pris. Un oratoire fut édifié pour l'y recevoir. La rusticité de l'oratoire était telle que les pèlerins pouvaient passer à côté sans se douter qu'ils se trouvaient en présence de la chapelle de Saint-Quentin. Pas de porte, pas de fenêtres! Des deux côtés reposant sur des pierres, de simples planches figurant des agenouilloirs. Le saint y était représenté en tenue d'évêque et reposait sur une petite niche attenante au mur d'une bergerie. Les dévots lui apportaient des bouquets de fleurs des champs dans des vases ou même des débris de bouteilles, tous aussi rustiques que l'habitation. Aujourd'hui, l'oratoire a disparu et le saint repose désormais dans une chapelle due à la générosité des habitants et des pèlerins. La chapelle du "Feuillet" a été érigée en 1971 grâce aux dons des pèlerins et aux recettes des kermesses."

    in Radioscopie d'un canton du Bocage : Bény-Bocage et alentours de M. Dubocq (1985).

     

             "Quentin, citoyen romain, occupait le rang de sénateur dans le Vermandois. Par son ardent prosélytisme, il opéra de nombreuses conversions dans l'Amiénois. En 303, les Romains le martyrisèrent sous l'empereur Maximien en le décapitant après lui avoir planté des clous dans les épaules et dans la tête. Son corps fut soustrait aux fidèles et jeté clandestinement dans un marais. Il devait y demeurer cinquante-cinq ans durant. Grâce à la révélation d'un ange, ce corps fut retrouvé sans corruption. On le représente généralement chaînes aux poignets. On attribue souvent sa spécialité de guérisseur de la coqueluche, maladie quinteuse, à son nom latin (Quintus), et celle d'intervenant en faveur des rhumatisants à son supplice. (...) Dans le Calvados, le pèlerinage le plus important a lieu, individuellement, au Tourneur (canton du Bény-Bocage). Pour s'assurer le secours de saint Quentin contre les mêmes maux, l'intéressé inscrit sa requête sur un cahier disposé à cet effet, il dit une prière, peut demander une messe, et, surtout, fait toucher à un vêtement ou à un linge appartenant au malade la statue (si le malade ne peut se déplacer, son mandataire respecte le rite pour lui). Après quoi, le linge est généralement déposé sur un réceptacle derrière l'autel, ce qui évite de l'accrocher à la statue comme on le faisait dans le passé (une légende rapporte que la première statue de saint Quentin, trouvée par hasard dans un buisson, ayant refusé obstinément d'entrer dans l'église, il fallut se résoudre à la laisser au grand air avant de lui construire un oratoire)."

    in Les saints qui guérissent en Normandie d'Hippolyte Gancel, éditions Ouest France 1998.

     

    Ce fut la même chose pour le saint Quentin du Tourneur (Calvados), celui qu'on avait trouvé dans un buisson. Les paroissiens n'eurent pas plus de succès avec lui qu'avec la sainte Honorine qu'ils voulaient dérober à leurs voisins du Bény. Il ne voulut jamais s'installer dans leur église. Personne, ni aucun attelage, ne put le déplacer. Il fallut bien le laisser à son hameau (le Feuillet, où il se satisfit d'un oratoire des plus rudimentaires mais qui n'en devint pas moins très fréquenté des pèlerins.

    in Le culte populaire et l’iconographie des saints en Normandie - Etude générale - par le Dr Jean Fournée - Société Parisienne d’Histoire et d’Archéologie Normandes, N° spécial des cahiers Léopold Delisle, 1973. 


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